L'alimentation en eau
et l'assainissement de Reggan

par le Lieutenant-Colonel GUERRÉE,
de la Section Technique des Bâtiments, Fortifications
et Travaux du Service du Génie

 

    La Section technique des Bâtiments, Fortifications et Travaux participe actuellement aux travaux de l'Association Générale des Hygiénistes et Techniciens Municipaux. Dans le cadre de cette organisation le lieutenant-colonel GUERRÉE a prononcé, le 17 octobre 1961, une conférence sur l'alimentation en eau et l'assainissement de Reggan. L'A.G.H.T.M. est heureuse d'offrir à ses membres la primeur de cet exposé des efforts qu'il a fallu déployer pour résoudre un problème peu commun.

Le C. R.

 

L'implantation

    Lorsque le gouvernement décida de procéder à des essais aériens d'éclatement de bombes atomiques, suivis de mesures de diverses natures, il fit choix du désert du Tanezrouft. Ce désert, qui s'étend sur plus de 500 km entre Reggan et Bidon V, dénommé « le pays de la soif » et où Ouallen est considéré comme un des lieux les plus chauds du monde, est pratiquement inhabité, ce qui justifiait ce choix.

    Mais en raison des besoins en eau pour le fonctionnement de la base-vie — primitivement évalués à 1 200 m3/jour et qui se révélèrent plus importants par la suite —, l'implantation de cette dernière était essentiellement liée au problème de l'eau.

    Penchons-nous donc quelque peu sur l'étude des ressources en eau du Sahara septentrional.

    Le Sahara septentrional constitue un bassin sédimentaire limité au nord par l'Atlas saharien et au sud par le socle primaire du Sahara central. Ce bassin est divisé en deux parties par une ondulation géologique et topographique, orienté nord-sud selon un axe Ghardaïa–In Salah.

    Il existe dans l'ensemble des deux régions une formation aquifère très importante contenue dans des sables et grès avec intercalations argileuses du crétacé inférieur. D'abord considéré comme d'âge albien cet ensemble comprendrait des formations voisines, aussi a-t-il été dénommé « continental intercalaire ».

    Cette cuvette de 1 000 km de longueur sur 800 km de largeur est alimentée en eau par les pluies sur l'atlas saharien.

    C'est donc en premier lieu à cette formation que l'on pensa avoir recours.

    L'examen d'un extrait de carte géologique publiée par l'Institut français du Pétrole montre que ladite formation est sensiblement limitée sur un parallèle quelque peu au sud de Reggan. Elle vient alors buter à l'est sur des formations primaires ayant un pendage de 60 à 80°. La source d'Ain Ech Chebbi en est une belle confirmation.


Fig. 1. — Situation de Reggan et liaisons avec la côte



Fig. 2. — Esquisse géologique de la région de Reggan



Fig. 3. — Une séguia, canal d'irrigation traditionnel

    Des recherches plus au sud montraient que l'eau pouvait être trouvée dans la dépression intratassilienne à proximité de Ouallen.

    Enfin, dans la région de Bidon V il existe une vaste cuvette synclinale alimentée en eau par le ruissellement en provenance des terrains éruptifs du Hoggar situés à l'est.

    Finalement, il fut décidé que la base-vie serait implantée à l'est de Reggan sur un plateau dominant d'une soixantaine de mètres la plaine du Tanezrouft.


L'alimentation en eau

La recherche de l'eau

    Le mode traditionnel d'exploitation de la nappe du continental intercalaire est la foggara. Entre Adrar et Reggan, par exemple, toutes les oasis existantes sont alimentées par ce type d'ouvrage.

    Ce sont de longues galeries souterraines qui permettent, sous réserve que les conditions topographiques soient favorables, d'amener à la surface du sol, par écoulement, selon une faible pente, les eaux drainées en profondeur. Ces galeries qui écrêtent la nappe ont parfois plusieurs kilomètres de longueur. Exécutées à partir de puits implantés tous les cinq à six mètres on les décèle très bien en avion, leur tracé étant matérialisé par une série de petits cratères alignés.

    Eu égard à la quantité d’eau nécessaire en un espace limité, ce mode d’exploitation se serait avéré peu rentable. Il fut donc décidé de réaliser des forages à partir du plateau sur lequel l'installation de la base-vie était projetée. La longueur de ces forages était ipso-facto supérieure de 60 m environ à celle des forages qui auraient été implantés en bas de la falaise mais on devait y gagner ensuite pour les facilités d'exploitation.



Fig. 4– Quelques-uns des puits matérialisant le tracé d'une foggara

    Aucune entreprise de forages ne voulut accepter les conditions d'un marché sur devis en octobre 1957 pour exécuter le premier forage. Une seule entreprise accepta d'exécuter ce travail en régie, le Génie militaire assurant le support de l’entreprise : ravitaillement, transport, carburant, etc.

    Une difficulté sérieuse fut rencontrée dès le départ, le plateau étant constitué sur les premiers vingt mètres par un grès très dur qui usa plusieurs couronnes de diamant.

    L'eau fut rencontrée à 65,30 m de profondeur mais le forage de reconnaissance n'atteignit la profondeur de 175 m qu’à la mi-décembre. Les quinze derniers mètres étaient constitués par des marnes brunes et noires qui laissaient supposer que le primaire était atteint.

    Une opération de carottage électrique confirmait approximativement les observations faites sur les échantillons de terrain. Les mesures de résistivité indiquaient une succession de niveaux plus ou moins perméables et il fut posé 53 m de crépine entre — 84 et — 145 m, en éliminant avec des tubes pleins les zones argileuses.

    Par ailleurs les analyses granulométriques moyennes entre 108 et 114 m de profondeur et 117 à 129 m furent étudiées. La perméabilité qui s’en déduit par la formule d’Allen Hazen est de 2 X 10 -1cm/s correspondant effectivement à celle d’un sable fin.



Fig. 5. — Granulométrie du sable aquifère des forages de Reggan



Fig. 6. — Appareil d'électrodialyse : les membranes

    L'analyse granulométrique du matériau type à introduire comme filtre a été tracée à partir des formules de Terzaghi. Toutefois, il n'était pas question de faire venir de métropole des graviers calibrés. Quatre tamis normalisés nos 27, 30, 33 et 37 des modèles AFNOR correspondant aux diamètres respectifs de 0,5, 1, 2 et 5 mm furent envoyés sur place et du reg recouvrant le plateau fut tamisé. Spectacle peu banal que de voir des noirs autochtones occupés à faire la granulométrie du sable du désert.

    Les crépines à nervures repoussées approvisionnées avaient une ouverture de 2 mm, diamètre qui se révélait trop grand. Elles furent matées « au mieux ».

    La transformation du forage de reconnaissance en forage d'exploitation fut laborieuse et ce n’est que fin mars 1958 que le forage put être mis en exploitation.



Fig. 7. — Appareil d'électrodialyse : pompes de circulation et canalisations


    Les essais du début avaient permis d’escompter un débit de 12 m3/h pour un rabattement de 10 m. En fait, eu égard à la crépine déficiente, le pompage dut être limité à 6 m3/h.

    Un second forage dut être entrepris immédiatement et sur les mêmes bases administratives. Commencé au début d’avril 1958 il ne fut achevé que le 15 août. Le travail sous cette chaleur torride — 47° à l'ombre — fut particulièrement difficile à obtenir de l’entreprise et il fallut déployer beaucoup de diplomatie et quelque peu de fermeté.

    Le programme complet d’équipement de la base-vie comprend encore la réalisation de quatre autres forages, un, exécuté par le Service de l’Hydraulique et de l’Équipement rural et les trois autres à l’entreprise mais cette fois à partir de marchés sur bordereaux de prix beaucoup plus avantageux pour l’État.

    Bien que d’après le calcul une distance de 100 m entre chaque forage ait été suffisante pour éviter toute interférence, la distance minimale entre deux forages a été prise égale à 400 m.

    L’équipement des forages fut effectué uniquement avec des groupes électropompes à moteur immergé. En raison de la nature de l’eau, ce dont nous allons parler plus loin, de nombreuses corrosions furent constatées. On y pallia en utilisant des pompes tout bronze.

 


Les traitements de l'eau

    Conformément aux prévisions l’eau extraite des forages avait une teneur en sels non négligeable. Un résultat d’une des nombreuses analyses chimiques effectuées figure dans le tableau ci-après :


Répartition hypothétique des sels dissous :
Carbonate de calcium :     0,106 g/l
Sulfate de calcium :             0,552 g/l
Sulfate de magnésium :     0,470 g/l
Sulfate de sodium :             0,030 g/l
Chlorure de sodium :         1,082 g/l
Nitrate de sodium :             0,090 g/l



Fig. 8. –Filtres précédant l’appareil d’électrodialyse

    Ces eaux contiennent une assez forte proportion de sulfate de magnésium. L’autochtone a acquis à leur sujet une accoutumance, les effets de ces eaux étaient d'ailleurs compensés par le pouvoir astringent des dattes dont il fait une forte consommation. Mais la majeure partie des personnes habituées à vivre dans des régions où les eaux sont peu minéralisées a tôt fait de remarquer la présence de ce sel.

    D’autre part, l’hôpital, les laboratoires et certaines installations techniques demandaient la fourniture d’eau normalement minéralisée.

    Enfin, il fallait assurer un approvisionnement suffisant d’eau distillée.

    Dès le début des travaux le besoin s’était fait sentir de disposer d’une installation fournissant quelques mètres cubes d’eau peu minéralisée en attendant la réalisation d’une installation de plus grande puissance. Un appareil à résines synthétiques échangeuses d’ions fut mis en place. Au début il ne fut guère utilisé. Les manœuvres de régénération des résines, avec :

— acide chlorhydrique pour l’échangeur de cations,
— carbonate de soude anhydre pour l’échangeur d’anions,

ainsi que les tests de contrôle découragèrent un peu les utilisateurs.

    L'eau obtenue eut quelque temps la réputation de causer des brûlures d’estomac, sans doute en raison d’un rinçage insuffisant. Bien utilisé cet appareil rendit toutefois des services.

    En ce qui concerne l’installation définitive une étude des diverses solutions susceptibles d’être utilisées fut entreprise en juin 1957.

    Après étude comparative entre :
— les résines échangeuses d’ions ;
— la distillation simple ou à thermocompression ;
— la congélation suivie de fusion de la glace ;
— l’utilisation de l’énergie solaire ;
— l’électrodialyse ;
c’est finalement ce dernier procédé qui fut retenu.

    Mais à cette époque, aucune firme française ne fabriquait ce genre d’appareil et il dut être fait appel à une société américaine.

    L’appareil utilisé est du type à fonctionnement par cuvées, les membranes et les séparateurs placés horizontalement étant empilés verticalement. L’appareil comprend deux piles de 300 membranes chacune.

    Pour ramener l’eau à une minéralisation de 600 mg/l la durée d’un cycle est de 20 minutes; il faut 1 100 litres d’eau brute pour obtenir 820 l d’eau traitée.

    Finalement les chiffres suivants peuvent être retenus :

— salinité de l’eau brute : 2 354 mg/l
— salinité de l’eau obtenue : 600 mg/l
— volume d’eau traitée par heure : 3 300 m3
— volume d’eau déminéralisée par heure : 2 460 m3
— pourcentage eau déminéralisée sur eau brute : 74 %
— consommation en énergie électrique par m3 d'eau déminéralisée : 1,22 kWh

    Dans l'ensemble le fonctionnement de cet appareil a donné satisfaction ; certaines difficultés se sont fait sentir du fait de l’ensablement ou de l’entartrage des membranes. Il y a été pallié d’une part en plaçant un filtre en amont de l’appareil, d’autre part en agissant sur les membranes par légère acidification.

    En ce qui concerne l’eau distillée les besoins étaient de l’ordre de 50 litres par jour.

    Le moyen de production le mieux adapté était l’évaporation solaire. Ces appareils sont basés sur la propriété du verre de se laisser traverser par les radiations lumineuses et infra-rouges émises par le soleil et d’être imperméable aux rayonnements de grande longueur d’onde émis par un corps à relativement faible température.



Fig. 9. — Appareil « Radiasol » pour le chauffage de l’eau des douches

    Une cuve noire en amiante-ciment est placée sous une cage vitrée, étanche à l’air extérieur. L’eau se vaporise lentement dans l’atmosphère de l’appareil puis se condense et ruisselle sur les vitres inclinées, jusque dans une rigole disposée au bas de celle-ci. La production journalière par mètre carré de vitrage est de 3 à 7 litres, selon la saison.



Fig. 10. — Le réservoir de 600 m3 : virole de 10 m de diamètre,
9 m de hauteur. Fond à 18,45 m du sol


    Enfin, l’utilisation d’eau minéralisée aurait présenté des inconvénients dans divers types d’installations techniques, pour lesquelles il n’était pas possible d’envisager une déminéralisation coûteuse.

    Les centrales de conditionnement d’air, en particulier, qui consomment journellement 400 m3 d’eau, en utilisant le principe du refroidissement de l’air par humidification, ont été équipées d’appareils peu coûteux assurant la dissolution dans l’eau d’un mélange de polyphosphates complexes.

 

Les réservoirs

    Les besoins en eau du chantier étaient presque aussi élevés que ceux de la base une fois celle-ci achevée. Malgré la multiplication des forages il en résulta de graves difficultés d’approvisionnement en eau tant que ne furent pas réalisés les réservoirs permettant aux forages de pouvoir débiter d’une façon continue. Jusqu’à leur réalisation on avait disposé auprès de chaque forage de citernes métalliques ou de réservoirs en caoutchouc de 10 à 25 m3 de capacité.

    Ce n’est que vers le milieu de l’année 1959 que furent achevés les trois réservoirs projetés :

— un de 600 m3 alimenté par trois forages ;
— un de 300 m3 alimenté par deux forages ;
— un de 300 m3 alimenté par un seul forage.

    Sans être interconnectés de façon permanente ces réservoirs sont reliés les uns aux autres par une canalisation qui permet, le cas échéant, par une manœuvre de fontainerie de débiter de l’un dans l’autre. Ils sont entièrement métalliques.

    Le réservoir de 600 m3 est constitué par une virole cylindrique de 10 m de diamètre et de 9 m de hauteur avec fond et toit conique. La cote du fond du réservoir par rapport au sol est de 18,45 m. Le support comporte quatre poteaux tubulaires ; une colonne centrale permet l’accès au réservoir et contient toutes les tuyauteries. Le tiers inférieur du château d’eau constitue la réserve incendie. L’ensemble de cet ouvrage a nécessité la mise en œuvre de plus de 80 t de métal.

    Enfin, la station de déminéralisation fut alimentée en charge par un réservoir métallique d’une capacité de 40 m3, émaillé intérieurement. Cette précaution a été prise eu égard aux difficultés qui seraient rencontrées dans la déminéralisation par l’électrodialyse si l’eau est chargée en fer.

    L’eau déminéralisée est recueillie dans une citerne enterrée de 80 m3 et distribuée par un surpresseur.



Fig. 11. — Centrale de conditionnement d’air de l’hôpital


Les réseaux de distribution

    Deux qualités d’eau devaient être distribuées sur l’ensemble de la base-vie : l’eau déminéralisée et l’eau brute.

    L’eau déminéralisée devait obligatoirement être distribuée à l’hôpital, aux laboratoires et aux cuisines, réfectoires et mess. En outre, chaque bâtiment devait comprendre une fontaine rafraîchissante permettant aux hommes de se ravitailler à volonté en eau déminéralisée fraîche.

    L’eau brute devait être distribuée dans tous les bâtiments soit pour les installations hygiéniques, soit pour les usages industriels.

    Ces impératifs nécessitèrent la construction d’un double réseau de canalisations sur la presque totalité de la base.

    Le choix du type de canalisations s’est fixé sur les tuyauteries en amiante-ciment avec joints Gibault, en raison de leur poids plus faible que celui des canalisations métalliques (la question d’abaissement du nombre de tonnes kilométriques à transporter fut primordiale pour toute la construction) et des possibilités d’approvisionnement rapide car elles sont fabriquées en Algérie.

    Toutes les artères principales du réseau d’eau industrielle ont été réalisées au diamètre minimal de 150 mm pour permettre le branchement de motopompes d’incendie de 60 m3/h. Le réseau d’eau déminéralisée est exécuté en diamètre de 60 et 40 mm. L'ensemble de ces deux réseaux a un développement de 25 km.

 

L’évacuation et le traitement des eaux usées

Les principes

    L’étude de l’assainissement de la base-vie de Reggan posait un problème nouveau car il n’avait jamais été concentré sur un espace restreint une telle population au Sahara. Il s’agissait donc de définir les principes à retenir.

    Ceux-ci avaient été arrêtés dans leur ensemble lorsqu’en avril 1959 M. René DURAND, alors président de l’Omnium Technique Saharien, organisa une mission au Sahara pour y étudier les principes à retenir pour l’assainissement des cités sahariennes.

    Accompagnaient M. René DURAND, M. l’ingénieur général OLIVESI, M. le docteur COIN, MM. LAPEYRE et TESSIER, ingénieurs à l’Omnium Technique et à l’Omnium Technique Saharien et moi-même.

    Les résultats de cette mission furent consignés dans une plaquette intitulée « Réflexions sur l’assainissement des cités sahariennes ». J’y emprunte un certain nombre de principes énoncés ci-après car ils coïncident dans leur presque totalité avec ceux qui avaient été retenus pour la base-vie de Reggan.

    L’équipement se trouvera généralement allégé de tout ce qui concerne l’évacuation des eaux pluviales.

    Il faudra se prémunir très efficacement contre l’irruption possible des mauvaises odeurs dans les locaux par suite des fermentations actives en égouts et de l’évaporation rapide des retenues d’eau formant occlusion hydraulique. Les siphons devront donc être largement dimensionnés.

    L’introduction du sable dans les égouts — les vents de sable sont assez fréquents — devra être évitée autant que faire se peut. À cet effet le siphon suivant les douches devra être particulièrement dimensionné et facilement curable. Les sièges à la turque devront être surélevés afin que les eaux de lavage du sol ne puissent y être poussées au balai.

    Il pourra même — contrairement au principe général de l’assainissement — être prévu sur le conduit général d’évacuation des eaux ménagères de chaque habitation un bac de dessablement.

    En ce qui concerne les réseaux d’égout il faudra veiller tout particulièrement à leur ventilation, les orifices de ventilation étant protégés contre l’intrusion des sables.

    On ne devra pas céder à la tentation d’envoyer les effluents au loin dans la nature sans épuration préalable. Il en résulterait des risques graves d’insalubrité par les insectes.

    La station-type paraît devoir comporter en tête un dispositif de préaération de l’effluent lequel risque d’y parvenir dans un état de fraîcheur douteuse.

    La décantation semble devoir s’opérer dans des fosses à deux étages. En vue de la lutte contre le sable elles seront utilement surélevées et couvertes pour les protéger des rayons solaires générateurs de fermentations indésirables.

    Le matériel préfabriqué pourra recevoir une application intéressante en raison de la difficulté de fabrication d’un béton étanche par un degré hygrométrique qui souvent ne dépasse pas 5.

    Des deux procédés classiques utilisables pour l’épuration des eaux — lits bactériens et boues activées — le premier apparaît comme le mieux adapté aux circonstances locales par le fait qu’il exige en principe, moins de technicité de la part du personnel d’exploitation.

    Le lit bactérien à faible charge qui peut encore se recommander pour de petites installations métropolitaines en raison de sa rusticité, semble, cependant, devoir être écarté sous les climats sahariens à cause des risques de mauvaises odeurs et de prolifération des mouches.

    Il sera donc généralement fait appel aux lits à haute charge avec recirculation et parfois ventilation forcée. Il y aura intérêt à ce que ces lits et le décanteur secondaire soient couverts.

    La charge classique de 20 habitants par mètre cube semble pouvoir au Sahara être portée à 25 habitants.

    Quant à l’évacuation des eaux épurées le procédé normalement utilisable est l’épandage, sauf cas particulier d’installation à proximité d’un oued.

Le choix entre les diverses solutions

    Ainsi qu’il a déjà été mentionné le plateau de la base-vie domine d’une soixantaine de mètres par une falaise assez abrupte le Tanezrouft, mais il présente au centre des installations une dépression dont l’altitude est inférieure à trois ou quatre mètres à celle des bords du plateau. L’évacuation des eaux usées posait donc un problème assez délicat aggravé par la présence, presqu’en surface, du banc de grès dont il a été parlé précédemment.

    Plusieurs solutions ont été envisagées :

— ou bien collecter les eaux en des points bas du plateau et les diriger pour traitement au pied de la falaise, soit par gravité ce qui entraînerait la construction d’un égout de 6 m de profondeur, soit par refoulement,
— ou bien collecter les eaux usées en plusieurs points où on aurait construit des stations de traitement puis des refoulements.

    Cette dernière solution présentait des avantages car elle permettrait la réalisation de tranches de construction totalement achevées et leur remise aux utilisateurs.

    Elle fut cependant écartée car il était à craindre que les extensions éventuelles n’en soient rendues plus difficiles. En outre le Service de Santé, ayant décelé des cas d’amibiase, demandait que l’épuration des eaux usées s’effectuât à des emplacements tels que les vents dominants ne pussent concourir à la propagation de cette maladie.

    Le traitement des eaux devait donc s’effectuer au pied de la falaise. Finalement les eaux furent rassemblées en deux points bas du plateau et refoulées puis dirigées vers deux stations de traitement placées en contre-bas.


Les réseaux

    Sous une couche de sable d’épaisseur variable, mais le plus souvent bien mince, les outils et engins se heurtaient à un banc de grès très dur dans lequel même l’utilisation du compresseur et des explosifs ne permettait que des rendements très faibles.

    L’étude du tracé et des profils en long fut donc dominée par le souci de limiter au maximum les terrassements. Une pente de 3 mm par mètre fut adoptée presque partout ; elle conduisit, cependant, à des profondeurs de tranchée avoisinant 3 m aux postes de relèvement.

    Il fut procédé à l’achat de deux excavatrices de 60 ch à chaines et à godets. Ces matériels ne furent certainement pas utilisés dans des conditions qui auraient reçu l’approbation du constructeur, mais à grand renfort de dents et de maillons de chaîne de rechange on vint à bout dans les délais d’un travail qui paraissait quasi irréalisable ; il s’agissait en effet de creuser dans ces conditions seize kilomètres de tranchées.

    Quel type de canalisation choisir ? La fabrication sur place de canalisations en béton centrifugé était tentante afin de réduire les sujétions de transport depuis le littoral algérien, mais il fallut y renoncer ; l’importance des besoins était telle qu’il eût fallu installer une véritable usine alors que la fabrication des agglomérés immobilisait déjà une équipe importante. Finalement il fut fait appel pour toutes les canalisations sans pression à l’amiante-ciment avec un joint genre Simplex ce qui permettait le transport de tubes lisses aux deux extrémités. Les canalisations avec pression (refoulements) furent exécutées en acier avec joint souple pour en faciliter la pose.

    Les stations d’épuration sont du type lit bactérien à haute charge avec recirculation. Entièrement métalliques elles sont arrivées sur place en éléments préfabriqués dont il a suffi d’assurer le montage.


Conclusion

    Je pense ainsi vous avoir brossé une vue d’ensemble des questions d’alimentation en eau et d’assainissement de la base de Reggan. Pour terminer j’ajouterai que, sauf les forages et les stations d’épuration, non seulement les travaux décrits, mais également la majorité des bâtiments et nombre de travaux spéciaux ont été exécutés dans des conditions très dures : chaleur, degré hygrométrique très faible, vents de sable, par un régiment du Génie avec bien entendu, les troupes du contingent auxquelles, je crois, il est juste de rendre hommage.



Fig. 12. — Epuration des eaux usées : le brise-charge, le décanteur, le lit bactérien et le décanteur secondaire
(Voir aussi la photo de la page de couverture)

 

Source :


TECHNIQUES ET SCIENCES MUNICIPALES
Organe de l’Association Générale des Hygiénistes et Techniciens Municipaux
57e année – n° 2 – Février 1962

 

 

 


Merci à Gérard LACOUR, appelé du contingent 64/2 au Détachement Support Aérien 167 à Reggan-Plateau
de nous avoir fait parvenir cette photo de la station