Je me souviens...

La tranchée...

Paul BELINGHERI – 60 1/C – 13ème Compagnie Saharienne du Matériel

 

 

Le 19 mars 1962 à midi, comme d’aucuns s’en souviennent, c’était la signature du cessez-le-feu en Algérie.

Cet accord signé à EVIAN mettait fin à huit ans de guerre. Cette signature qui introduisait l’indépendance algérienne, autorisait la France à conserver quelques bases au Sahara dont Reggan.

Justement ce jour-là, quelle ne fut pas notre surprise, alors que nous ne pouvions qu’être spectateurs, de voir défiler sur les routes du plateau tous les PLBT (Population Laborieuse du Bas Touat qui logeait dans un camp construit à leur mode au milieu du plateau) défiler drapeau algérien en tête avec chèvres et moutons rassemblés, seuls manquaient fifres et tambourins. Et ils chantaient, ils chantaient… C’était le grand moment de l’insouciance d’une liberté promise après tout ce temps passé, alors ils se pensaient libérés… Eh oui, LIBERTÉ, LIBERTÉ CHÉRIE, nous connaissons tous le refrain.

Nous étions devant nos ateliers, à la fois ébahis et surpris de voir la tournure de l’évènement. Inutile de vous dire qu’ils n’eurent pas le loisir de faire un deuxième tour de manège. Raccompagnés aussitôt à la sortie de la base, nous n’eûmes plus l’occasion de les revoir. Plus tard, ces derniers, ayant perdu leur salaire mensuel qui à l’époque s’élevait à peu près à 300 francs, prirent vite conscience de leur propre réalité économique. En effet ces subsides moyennant de menus travaux leur permettaient d’assurer au mieux leurs besoins financiers.

Mais là n’est pas la question, à chacun son problème pour ne pas dire autre chose.

Les PLBT comme dit plus haut étaient employés sur la Base pour différents travaux d’entretien et un peu de terrassement… Pour ma part j’avais au moment précis à réaliser une tranchée d’environ 25 mètres pour finir de clôturer le parc à essence.

D’habitude, j’allais au camp des PLBT chercher de la main-d’œuvre et le chef du camp désignait le nombre de personnes nécessaires pour effectuer les travaux. Puis je devais ensuite à la « débauche » les ramener au camp.

Jusque-là tout se passait au mieux, mais passé le 19 mars et sans l’aide des PLBT devinez qui fut obligé de finir la tranchée ? Évidemment moi et un copain venu à la rescousse. Depuis, cette date reste gravée dans ma mémoire et chaque année je lève un verre en souvenir de la tranchée de… Reggan !

Une semaine plus tard les FSNA quittèrent la Base, la discipline fut rétablie, les drapeaux français tous remplacés par des neufs, allez savoir pourquoi ? Puis notre liaison régulière entre la 2/13 CSM et le PC d’Adrar faite par Berliet « gazelle » fut sécurisée par un Dodge 6X6 équipé d’une mitrailleuse plus des soldats en armes. Je me souviens que le Dodge 6x6 n’arrivait pas à suivre la cadence de la « gazelle » et qu’il fallait s’arrêter de temps en temps pour l'attendre. Il a même fallu un jour envoyer une dépanneuse le rechercher mais c’était le règlement, il fallait une escorte armée.

Puis rapidement la Légion vint s’installer sur le plateau, Légion dont on admirait la discipline comparée à la nôtre. Dans notre section il n’y en avait pas deux habillés pareils, certains portaient un short d’autres un saroual, idem pour la coiffure, chapeau pour les uns, képi pour les autres. C’était assez folklorique mais pour notre défense il faut souligner que nous étions une compagnie saharienne autonome. On achetait tout notre équipement et le lavage des draps et la nourriture étaient payants, la solde heureusement était plus forte. À l’arrivée des légionnaires, nous qui prenions nos repas au 80ème BS, nous avons dû rejoindre le 620ème GAS vers l'escale, on n’a pas perdu au change l’ordinaire était « une étoile au-dessus ».

Souvenirs de ce temps-là

 

Paul BELINGHERI