Week-end à Tamanrasset
(Janvier 1959)

par Jacques BIALEK


         Le colonel de l’Armée de l’Air Guernon, commandant interarmes de la Base, avait le contact facile avec les hommes et un sens développé du management.
Aussi, après un mois de janvier, dense en activités, il décida d’envoyer une dizaine d’officiers du contingent, à Tamanrasset, pour leur faire changer d’air.
Le JU 52, attaché à la base, fut mis à notre disposition pour effectuer ce saut de puce de quelques mille kilomètres, plein Sud, légèrement Est.
Au voyage aller, un léger incident survint en plein vol : un hublot bâbord se brisa… Le pilote amorça alors une légère descente pour se caler sur une altitude de mille cinq cents pieds. L’absence de vitrage permit à chacun de prendre des photos des zones survolées, avec une netteté incomparable...
Arrivés à Tamanrasset deux heures et quelques après, je ne me souviens plus de l’unité qui nous a accueillis.
Peut-être une unité du Train qui mit à notre disposition un 6 x 6 pour nos déplacements ?
Nous avons découvert une végétation particulièrement belle à cette saison : les arbres fruitiers en boutons, les orangers aux fruits presque à maturité, les lauriers roses en fleurs, la double rangée de tamaris formant les boulevards extérieurs de l’agglomération et riveraine de l’oued (à sec en cette saison) formaient un tout qui tranchait avec le reg du Tassili.
Et puis Tamanrasset : c’est le général français Laperrine, né à Castelnaudary en 1860, mort dans la traversée du Sahara en avion, en 1920, qui rétablit le calme au Sahara, secoué par la révolte senoussiste de 1916-1917.
C’est aussi le père de Foucault (1858-1916), explorateur et trappiste, né à Strasbourg et assassiné à Tamanrasset ; ce dernier exerça une activité de missionnaire à l’Assekrem où nous sommes allés en pèlerinage.
Les vues ci-jointes, prises sur ce parcours, nous ont fait méditer sur la vie de cet homme de foi et sur la pureté du milieu naturel que nous avons traversé, non pollué par la civilisation.
Ainsi au sommet de l’Assekrem que nous avons atteint à pied (la piste s’arrêtait dans la vallée), le père Jean-Marie, le dernier anachorète en 1959, nous a accueillis, rompant le vœu de solitude qu’il s’était imposé. Nous avons été très discrets et après avoir admiré le point de vue sur ce Hoggar sauvage, simplement beau, nous avons regagné en silence Tamanrasset.
Dans ce périple, nous avons rencontré une caravane, le moyen de transport le plus écologique qui soit, un point d’eau magnifique (guelta), une famille de bergers…
Après avoir effectué quelques emplettes auprès des artisans locaux, nous avons regagné Reggan avec notre taxi volant sans incident notoire.
Pour permettre à ce vénérable avion de décoller sans difficulté nous nous sommes levés de très bonne heure pour profiter d’une meilleure portance de l’air : il y avait en bout de piste une colline qu’il fallait coûte que coûte survoler et prendre de l’altitude !
Merci encore au colonel Guernon pour cette permission initiatique et du souvenir.

Rédigé le 24 novembre 2007