LES FORCES TRANQUILLES

 

Cette histoire racontée par mon ami Jacques fait partie des nombreuses anecdotes que les forces de l’ordre pourraient publier de façon régulière pour le grand plaisir des lecteurs, réconciliant aussi ces derniers vis-à-vis de ceux dont ils ne soupçonnent pas le énième de leurs interventions.
L’illustration que j’ai choisie, pour ne pas en avoir d’autres, situe grosso modo la période à laquelle se passe l’histoire qui va suivre.
Cette illustration m’a paru symboliser toute la poésie de cette tâche difficile, maintenir l’ordre !!!

Loin de l’image précédente la scène se passe dans notre Province du NORD, quand au carrefour d’une piste cyclable traversée par une route départementale, nos gendarmes vérifiaient si le trafic se passait dans de bonnes conditions !
La densité de la circulation était telle que l’on avait le temps de voir venir, qui des vélos cyclistes, qui des automobilistes. La probabilité de se croiser à cet endroit était la même que celle que vous rencontrez, lorsque vous présentant à un carrefour désert, quelqu’un est là arrivant en même temps que vous, comme pour vous empêcher de tourner.
En effet un cycliste d’un âge certain, chargé des achats du marché, pédalait tranquillement vers nos deux gendarmes. Prioritaire sur ce parcours il ne se souciait pas du tout d’une Citroën 2 cv arrivant cahin-caha, moteur toussotant et crachant à la fois, décidée de passer la première.
Au grand dam des forces de l’ordre, ce qui fut pressenti fut fait. Et dans un coup de sifflet strident…, non le véhicule ne s’arrêta pas et notre cycliste, tous fers dehors failli faire la plus belle pirouette de sa vie.
Finalement plusieurs dizaines de mètres plus loin l’automobiliste s’arrêtait pris sans doute d’un revers de conscience !!!
Mais au lieu de revenir sur ses pas vers ceux qui l’avaient interpellé, notre homme, ses jambes à son cou, s’enfuyait à travers une prairie séparant cette petite route d’un corps de ferme isolée.
Nos deux gendarmes, d’abord interloqués, enfourchèrent leurs motocyclettes, l’un partant vers la droite, l’autre vers la gauche pour prendre en tenaille notre individu.
Ils l’avaient vu tous deux pénétrer dans les bâtiments, et n’en pas ressortir, l’affaire rondement menée allait être vite réglée.
Arrivés devant la ferme, l’un devant, l’autre derrière, toujours la tenaille, le premier frappa à la porte d’entrée sans succès. D’ailleurs elle était fermée.
Regardant ci et là nos deux gendarmes furent mis à l’évidence qu’il fallait pénétrer les locaux. Pour ce faire, un minimum requis était nécessaire, être au moins accompagné du propriétaire.
Un de nos gendarmes partit donc à la recherche de ce dernier qui se trouva être une propriétaire travaillant tout à côté chez un torréfacteur du pays. Profitant de cet instant, il demanda du renfort à la brigade locale.
Il est vrai qu’à cette époque, les moyens de transmission étaient ceux du particulier, et un téléphone fut réquisitionné !
De retour avec la brave dame, son collègue toujours aux aguets n’avait rien vu bouger !
Investigation de toutes les pièces de la maison, précautions d’usage, rien, le conducteur de notre 2 cv avait disparu.
Il y avait bien les dépendances, comme dans ces petites fermes d’autrefois où les paysans construisaient greniers, étables ou autres préférant souvent de petits bâtiments réalisés au fur et à mesure du temps en fonction de leurs moyens du moment.
La cave où était stocké le charbon fut investie. Notre homme ne pouvait pas se cacher là-dessous ! Malgré tout, deux, trois coups de pelle furent données sans succès. De même le grenier à foin, idem, coup de fourches par ci, par là, mais toujours rien.
La propriétaire indiqua alors un appentis dans lequel elle stockait tout et rien, ces greniers qui font le bonheur des brocanteurs et de ceux qui débarrassés par le fait d’un tas de choses rendues inutiles par le temps.
Alors que nos deux gendarmes se dirigeaient vers le lieu, arrivait enfin les renforts, la brigade en vélocipède, eh oui, l’unique véhicule motorisé Renault « Juvaquatre », de surcroît, était mobilisé ailleurs.
Adjudant en tête, nos deux cyclistes un peu essoufflés arrivaient en renfort.
Descendant de son « vélo », le chef de brigade claudiquant, (sans doute un accident arrivé au cours de sa longue carrière !), prenait l’affaire en mains.
Discrètement un des gendarmes sur place demandait à l’autre qui devait être un peu sourd, il y a longtemps qu’il boîte ? Mais répondit l’autre il boit toujours !!!
Bref, il fut décidé de visiter le fameux appentis.
Le local était exigu, mais un petit grenier avait été aménagé dans la soupente.
Une échelle, d’un âge incertain, en permettait l’accès. Notre Adjudant déjà essoufflé par le parcours depuis la brigade demanda à un des deux « motards » de grimper là-haut, lui disant qu’avec le casque il serait protégé d’un coup malheureux de la part de l’olibrius qui ne pouvait que se trouver là.
Arrivé dans le grenier, notre gendarme fut fort de constater qu’il n’y avait personne, sauf… un grand carton de téléviseur stocké à cet endroit.
Par signes, notre « détective » et notre adjudant échangèrent l’idée que le gaillard pouvait s’être caché là-dedans.
Au moment où le gendarme s’approcha, le carton s’ouvrit et avant que le gaillard ait sorti la tête, d’un réflexe le carton se retrouva en bas avec notre échappé hurlant de plus belle.
Les menottes étaient prêtes et l’adjudant, pistolet au poing, avait lancé un : « Au nom de la loi, je vous arrête », qui ne laissait pas d’autre alternative.
Extirpé du carton, l’individu fut trainé à l’extérieur pour être amené à la brigade. Là encore, aujourd’hui d’aucuns se plaignent, pas de moyens…, pas de ceci, pas de cela, mais à l’époque il fallait réquisitionner.
L’adjudant ne pouvait pas embarquer le quidam sur son porte-bagage et les « motos » n’étaient pas équipées de tan-sad.
Carnet en main, bordereau libellé, un paysan qui passait par là avec sa Simca « Aronde » dut se soumettre à la pratique, afin d’amener notre client à la brigade.

Entendu à la brigade l’homme faisait parti d’un trio échappé de la prison voisine, deux avaient été récupérés quand le troisième jouait les « filles de l’air » en 2 cv.
Dans la chute, l’échappé s’était fracturé une jambe, sa cavale se terminait donc sous surveillance à l’hôpital du secteur.
Il fut connu par la suite que ce citoyen, qui avait travaillé dans un cirque comme trapéziste et contorsionniste, purgeait une peine pour avoir occis sa belle-mère d’un coup de couteau.

Je vous le demande, à quoi peuvent bien mener les belles mères !!!


Alain BROCHARD - Le Verdon sur Mer - Mai 2010