« GONFLEURS D’HÉLICES »

 

      Ayant en son temps été incorporé dans l'aviation, j'eus l'occasion d'entendre bien des fois cette expression, lancée à notre égard par des gars d'autres régiments, qui eux savaient de quoi ils parlaient ! L'armée de l'air a toujours été un peu considérée comme le refuge de tous ceux qui préféraient affronter l'exercice derrière un bureau où les armes faisaient moins de bruit et où la technique était un des points forts de cette armée qui, engagée à travers des moyens différents, se prenait un peu comme les bourgeois de la technique. Attention le grand « Jacques » nous a dit ce qu'il pensait des bourgeois.
Mais rassurez-vous, s'il faut de tout pour faire un monde, les technologies faisant des bonds considérables ont modifié tellement le paysage de l'armement, qu'aujourd'hui il est nécessaire dans toutes les armes d'être fin technicien pour pouvoir « servir » cette modernité.
       Nous sommes loin des « machines à secouer les pans de capotes » et des « biffins » qui s'en servaient.
Au fait d'où vient ce terme « biffin ». Il faudra demander aux marins, on verra plus tard !
Pour en revenir aux « gonfleurs », j'utilisais moi-même, je dirais bêtement cette expression sans savoir de quoi je pouvais parler.
Michel, notre administrateur de ce magnifique « site de mémoire » : « 3ème Groupe de Transport », toujours à la recherche du moindre détail, a dévoilé ce que pouvait définir l'expression «gonfleur d'hélice».
       Ce n'était pas du « pipeau », et à l'époque des pionniers de l'aviation, alors que la technologie en était à ses balbutiements, les pilotes avaient compris que si, ils avaient la possibilité d'avoir un système leur permettant de prendre plus ou moins de « vent » avec leur hélice, cet effet leur serait utile en fonction des différentes phases de vol.
       Les meuniers des premiers temps avaient déjà compris çà, mais pour eux il était plus aisé de réduire la toile sur les ailes de leurs moulins pour éviter que « EOLE » n'emporte l'édifice, meunier en tête !
Nos pilotes inventeurs, avaient déjà cherché toutes formes d'hélices pour que les machines soient de plus en plus maniables, sachant qu'avant les « gonfleurs », existaient les « gonflés », qui voulaient aussi jouer les acrobates. Leurs « crapanelles » devaient donc « répondre » à la moindre sollicitation !
Aujourd'hui les choses sont simples, les commandes du pas variable de l'hélice ont été inventées et sont à la disposition du pilote. Mécanique de précision, réalisation difficile au début, où le « chpill » (doigté), des compagnons fut grandement requis. J'ai écris « chpill », n'importe comment car encore une fois ce mot, souvent entendu chez les champions de la mécanique, disons les compagnons, viendrait soi-disant du département de notre Jeanne d'Arc nationale ???
       Mais nous en étions aux « gonfleurs ». Premier point, pour être gonfleur, il fallait une pompe, oui comme pour la bicyclette ! Si aujourd'hui sur les aérodromes on voyait à l'atterrissage le pilote descendre de son cockpit pompe à la main, brancher la dite pompe sur l'avant de l'hélice, puis après une dizaine de coup de pompe, remonter en vitesse dans la cabine pour redécoller, on n'y croirait pas, se disant c'est un film à la « Charlot », on s'est trompé de salle !
Et bien non, c'était l'époque où pour changer le « pas » de l'hélice, ou du moins remettre l’hélice en « petit pas » facilitant ainsi le décollage : Le mécano au sol, branchait une pompe pneumatique (genre pompe à vélo améliorée), sur une valve en bout du cône d'hélice. La pression générée déplaçait un piston (repoussé par un ressort) jusqu'à la position « petit- pas » à laquelle il était alors bloqué par un cliquet. Après le décollage, le pilote tirait sur une manette qui déclenchait le cliquet ; le piston poussé par le ressort revenait vers la position grand pas progressivement, grâce à une fuite calibrée dans le cylindre. Cette hélice n'avait de pas variable que le nom puisque seules deux positions existaient et qu'il était impossible au pilote de revenir vers petit pas. Le mécano « gonflait » réellement l'hélice.
Extrait de « AVIATECHNO »

Maintenant vous savez tout sur les gonfleurs d'hélice, alors … un peu de respect je vous prie !!
Et ceux qui volent, alors comment les appellent-on ? Eh bien les PN « pardi ! », je vous laisse le soin de décoder.
Un grand merci à Michel, pour toutes ces infos.

Alain BROCHARD – Février 2008
PS : Pour en savoir plus voir : http://aviatechno.free.fr/passion/gonfleur.php


Source : L’Illustration – 17 Novembre 1934 – Spécial Aéronautique
Contribution française à une victoire britannique. Scott, vainqueur avec
Campbell Black de Londres – Melbourne, regonfle la vessie incorporée,
au mécanisme d’orientation des pales, dans l’une des hélices Ratier
à pas variable qui équipaient son avion De Havilland « Comet »