CODE SAHARIEN DE LA ROUTE
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ARRÊTÉ

Le Gouverneur Général de l’Algérie :
Vu le décret du 23 Août 1898, sur le Gouvernement et la haute administration de l’Algérie ;
Vu la loi du 24 Décembre 1902, portant organisation des Territoires du Sud de l’Algérie ;
Vu le décret du 14 Août 1905, sur l’organisation administrative et militaire des Territoires du Sud ;
Vu le décret du 14 Octobre 1932 modifiant l’article 2 du décret du 14 Août 1905 ;
Vu le décret du 4 Juillet 1924, portant règlement sur la police de la circulation et du roulage, notamment les articles 62 et 63 ;
Vu le décret du 5 Octobre 1924, modifiant l’article 64 du décret du 4 Juillet 1924 ;
Vu le décret du 19 Février 1931, modifiant les articles 4, 10, 11, 21, 23, 24, 28, 29, 34, 37, 41, 48 et 49 du décret du 4 Juillet 1924 ;
Vu le décret du 24 Septembre 1962 modifiant les articles 29, 34, 36 et 41 du décret du 4 Juillet 1324, modifiés par le décret du 19 Février 1931 ;
Vu l’arrêté du 31 Janvier 1930 réglementant la circulation automobile sur les pistes des Territoires du Sud ;
Sur le rapport de la commission instituée le 24 Avril 1934 pour remanier l’arrêté du 31 Janvier 1930 et la proposition du secrétaire général du Gouvernement ;
Vu l’avis émis par le Conseil du Gouvernement dans sa séance du 15 Juin 1934.

ARRÊTE

ARTICLE PREMIER. – Le présent arrêté annule et remplace l’arrêté du 31 Janvier 1930 réglementant la circulation automobile dans les Territoires du Sud.

ART. 2
. – Dans les Territoires du Sud de l’Algérie, la circulation des voitures automobiles sur les pistes est soumise, additionnellement aux dispositions du décret du 4 Juillet 1924 modifié par les décrets des 5 Octobre 1924, 19 Février 1931 et 24 Septembre 1932, aux dispositions spéciales suivantes.

POIDS DES VÉHICULES

ART. 3. – Pour les voitures circulant sur les routes ou sur les pistes spécialement aménagées pour les poids lourds, dites « pistes poids lourds », le maximum de poids admis par centimètre de largeur de pneumatique (cette largeur étant mesurée au contact avec un sol dur, sur un pneumatique en état de fonctionnement normal) pourra être au maximum de 150 kilogrammes. La nomenclature de ces pistes sera fixée chaque année par un arrêté spécial.
Pour les pistes Ouargla, Amguid, Iniker, Amguid – Djanet, Amguid – In-Salah, Djanet – Polignac, Fort-Flatters – Polignac et toutes autres pistes construites et entretenues exclusivement à l’aide de crédits militaires et qui seront désignées chaque année, des arrêtés pris sur la proposition de M. le Général Commandant le 19° corps d’armée, détermineront les conditions de la circulation. Dès maintenant et étant bien entendu que les taux admis pourraient être abaissés si l’expérience le démontrait nécessaire, les poids admis par centimètres de largeur de bandage calculés dans les conditions ci-dessus sont fixés pour les pistes dites « militaires » à :
– 65 kilogrammes pour les pneus non jumelés ;
– 55 kilogrammes pour les pneus jumelés.
Le poids total du véhicule en charge ne devant, en aucun cas, excéder huit tonnes.
Il est entendu, d’autre part, que, sur les pistes précitées, l’autorité militaire possède le droit de faire circuler tous véhicules qu’elle juge utile d’employer, pour des nécessités d’ordre militaire, à l’exclusion de toute servitude de tonnage ou de poids par centimètre de largeur de bandage.
Pour toutes les autres pistes des Territoires du Sud, dites « pistes à circulation réduite » le poids maximum des véhicules par centimètre de largeur de bandages calculés dans les conditions ci-dessous sera de :
– 80 kilogrammes pour les pneus non jumelés ;
– 70 kilogrammes pour les pneus jumelés.
Dans tous les cas, il ne sera fait usage du jumelage qu’à défaut de pneus de section suffisamment large pour permettre de rester dans les limites de poids imposées.

CARTE VERTE

ART. 4. – Tout véhicule circulant dans les Territoires du Sud, à l’exclusion des voitures de tourisme appartenant à des particuliers et non destinées à des transports faits en commun, doit être pourvu d’une carte verte qui sera délivrée par les commandants militaires ou la Direction des Territoires du Sud, sur la demande des intéressés.
Cette carte verte indiquera explicitement le poids mort du véhicule, la charge utile maximum autorisée sur les pistes « poids lourds », la charge utile maximum autorisée sur les pistes « militaires » et la charge utile maximum autorisée sur les pistes « à circulation réduite ».
Elle devra être présentée à toute réquisition des agents qualifiés de l’Administration, savoir :
– Les commandants militaires ou leurs délégués ;
– Les chefs d’annexe, de poste ou leurs délégués.

REMORQUE – PNEUS

ART. 5. – L’emploi des bandages pleins est interdit.
L’emploi des pneus à basse pression est obligatoire.
L’emploi des remorques d’un poids total en charge supérieur à une tonne est interdit.

LIMITATION DES VITESSES DANS LES AGGLOMÉRATIONS

ART. 6. – Les vitesses maxima dans les agglomérations sont fixées par arrêtés des administrateurs intéressés.

MESURES DE SÉCURITÉ

ART. 7. – Les pistes ne pouvant être parcourues sans mesures de sécurité particulières seront désignées chaque année par un arrêté spécial.
Les mesures de sécurité que nécessite la circulation automobile sur ces pistes sont les suivantes :
1° Avis aux autorités des points de départ et d’arrivée.
2° Marche en convoi, ou obligation de passer un contrat de dépannage avec un entrepreneur de transports agréé par le commandant militaire.
3° Transport d’approvisionnements de réserve en essence, vivres et eau potable.
4° Transport de rechanges et d’agrès pour parer aux incidents de route.
5° Armement des convois.

AVIS AUX AUTORITÉS LOCALES

ART. 8. – Tout automobiliste désirant suivre l’une des pistes énoncées à l’arrêté spécial prévu à l’article 7 ci-dessus est tenu de se présenter au chef d’annexe ou de poste du point de départ pour l’informer de son projet, et se renseigner sur l’itinéraire à suivre, l’état des pistes, les points d’eau, les gîtes et les mesures de sécurité que comporte le voyage à entreprendre.
Aucune voiture ne doit être mise en route sans l’autorisation du chef d’annexe ou de poste du point de départ et sans que le chef d’annexe ou de poste du point d’arrivée ait été informé télégraphiquement de l’heure de ce départ et de celle de l’arrivée probable ainsi que de l’itinéraire qui sera suivi. Le chef de poste ou d’annexe du point de départ est également informé par télégramme de l’arrivée des voitures à destination. Les avis de départ et d’arrivée sont envoyés par télégrammes privés, visés par les chefs d’annexe ou de poste et payés par les intéressés.
S’il existe des bordjs gîtes d’étapes sur le parcours, l’autorité locale du point de départ remet au chef du convoi un billet autorisant les gardiens à donner aux voyageurs le libre accès des bordjs et à mettre à leur disposition les locaux et les ressources dont ils disposent.
Des dérogations à ces dispositions pourront, d’ailleurs, être prévues dans les arrêtés spéciaux prévus à l’article 7.

MARCHE EN CONVOI

ART. 9. – Pour s’engager, en toute sûreté, sur les pistes, objet de l’article 7 ci-dessus, les voitures automobiles seront groupées au moins par deux, afin de se prêter mutuellement aide et secours en cas d’accident.
Toutes les voitures du convoi doivent demeurer constamment en liaison à la vue, s’attendre et s’aider en cas de panne de l’une d’elles.
Les marches de nuit ne pourront être entreprises que sur des pistes parfaitement connues. Sur des pistes peu connues, il est interdit de circuler la nuit, même avec un guide : la décision sur ces points sera prise par les commandants de Territoire.
Sauf le cas de force majeure, aucune modification ne devra être apportée à l’itinéraire fixé. Les dispositions des contrats de dépannage devront être soumises à l’approbation du commandant militaire.

TRANSPORT D’APPROVISIONNEMENT DE RÉSERVE

ART. 10. – Chaque voiture automobile devra transporter des approvisionnements en essence, huile, vivres et eau suffisants pour lui permettre d’arriver jusqu’à destination.
L’approvisionnement d’essence et d’huile sera égal, en principe, à la quantité normalement nécessaire pour le même trajet sur les routes ordinaires, augmentée de la moitié, compte tenu de l’évaporation et des allongements de parcours éventuels.
S’il n’existait pas de dépôts d’huile et d’essence au point d’arrivée, les quantités de ces matières à emporter devraient être calculées pour l’aller et le retour.
En prévision de secours tardifs, pouvant, dans certains cas, n’arriver que par piétons, chaque voiture doit emporter, au minimum, cinq jours de vivres de réserve par personne, en plus des vivres nécessaires pour l’étape du jour.
La ration d’eau individuelle à prévoir par jour est de cinq litres au minimum.
Chaque voiture transportera, en outre, un approvisionnement de réserve de 20 litres d’eau par voyageur, indépendamment de l’approvisionnement nécessaire pour le radiateur lequel doit être égal à deux fois la capacité des appareils de refroidissement de chaque voiture.

TRANSPORT DE RECHANGE, OUTILS ET AGRÈS DIVERS

ART. 11. – Aucun atelier de réparations pour automobiles, aucune possibilité de remplacer les organes ou accessoires de ces véhicules n’existant actuellement dans le Sud, toute voiture automobile circulant sur les pistes sahariennes, pour ne pas risquer d’être immobilisée plusieurs semaines par le moindre incident, doit transporter avec elle, indépendamment de son outillage normal au complet, en bon état, un jeu de pièces de rechange les plus indispensables, dont il appartient à chaque conducteur d’arrêter la nomenclature détaillée d’après le type et l’état d’entretien de son véhicule, mais qui, d’après l’expérience acquise, paraît devoir comprendre principalement : une magnéto ou dispositif d’allumage, des bougies, des bielles, des lames de ressort, des joints de culasse et des coussinets.
En ce qui concerne les pneus et les chambres à air de rechange, leur nombre doit être approprié à la longueur du voyage et aux difficultés du terrain.
Les outils et agrès indispensables comprennent du matériel de débroussaillement, de puisage et de dépannage. Chaque convoi doit être pourvu, par voiture : d’une pelle, d’une pioche, d’une serpe, et, par deux voitures, d’un seau de 5 à 6 litres, de cent mètres de corde de grosseur moyenne, de quatre planches ou de treillis métallique.

ARMEMENT

ART. 12. – Tout organisateur ou chef de convoi automobile devra obligatoirement s’enquérir par écrit, en temps utile, auprès du commandant du territoire, des conditions de la sécurité pour le cas où les circonstances imposeraient momentanément un certain armement.
Les postes du Sud ne pouvant mettre à la disposition des voyageurs ni armes, ni munitions, les intéressés auront à se procurer, avant de quitter le Tell, l’armement reconnu nécessaire pour leur sécurité.

PERSONNEL DE CONDUITE

ART. 13. – Les conducteurs d’automobiles devront être des praticiens éprouvés, d’une grande vigueur physique et morale, ayant l’expérience des pistes du Sud. Autant que possible, l’un d’eux sera choisi parmi les conducteurs ayant déjà effectué le voyage.
En prévision de l’indisponibilité de l’un des conducteurs en cours de route, il sera prudent d’emmener un conducteur suppléant.
Le chef de convoi sera muni d’une boussole et d’une carte générale de la région parcourue ou d’un croquis des pistes existant dans la région.
Il est recommandé vivement à chaque convoi de se faire accompagner d’un indigène sûr, choisi ou agréé par l’autorité locale, connaissant bien la région et pouvant servir de guide et d’interprète. En cas d’immobilisation du convoi, le guide aurait pour mission d’aller chercher des secours dans les campements ou les postes les plus voisins.

DÉGRADATIONS AUX PISTES

ART. 14. – Sauf pour la traversée des dunes, il est interdit, après les pluies, de circuler en automobile sur les pistes jusqu’à ce que le terrain soit redevenu sec.
Les conducteurs d’automobiles doivent régler la marche de leur voiture de manière à ne pas détériorer les pistes. Les voitures du convoi éviteront de suivre les mêmes frayées. Après le passage d’une rampe on rejettera en dehors de la plate-forme les pierres ou d’autres matériaux dont on se serait servi pour la franchir.
En cas de panne, si pour dégager la voiture, il a été nécessaire de creuser le sol en avant des roues, ces ornières devront être comblées avec soin. Si la panne a eu lieu sur une chaussée en drinn, les bottes de drinn qui auraient été disjointes par les secousses seront remises en place avec soin.
On ne devra, en aucun cas, enlever des matériaux sur un point de la chaussée pour les transporter sur un autre.
La réparation immédiate des dégradations faites aux pistes est obligatoire et ne doit être omise sous aucun prétexte.
À l’arrivée à l’étape, les conducteurs des voitures signaleront au commandant du poste ou aux gardiens des bordjs à Arak, Iniker etc.…) les passages où ils ont éprouvé des difficultés, les défectuosités ou les dégradations qu’ils ont constatées et les réparations qu’il serait utile d’effectuer.

SÉJOUR AUX ÉTAPES

ART. 15. – S’il existe un hôtel à l’étape, les automobilistes devront prévenir cet établissement de leur arrivée et s’assurer, avant de se mettre en route, s’ils pourront y être hébergés et nourris. Autrement, ils auront à se pourvoir de vivres et de matériel de campement.
L’emplacement d’un camp sera toujours choisi conformément aux indications du commandant du poste, responsable de la sécurité.
Il est interdit de réquisitionner des vivres chez les indigènes. Tous les achats doivent être librement consentis. Une diffa ne peut être sollicitée ou acceptée qu’à la condition d’être convenablement rémunérée.
Les voyageurs de passage ne sont admis au mess des officiers et des sous-officiers que sur invitation : ils doivent régler leur repas d’après les tarifs fixés par le commandant du poste.
Tous les litiges ou différends qui pourraient survenir dans les postes ou en tribu entre les voyageurs et le personnel des convois automobiles d’une part, et les habitants civils ou militaires d’autre part, seront soumis au commandant de poste.
Le paiement des journées de déplacement dues aux indigènes qui auraient été envoyés au secours d’un convoi est à la charge des voyageurs de ce convoi. Le prix des journées est celui qui est en usage dans la localité ; l’autorité qui a envoyé les indigènes s’assurera avant le départ du convoi qu’ils ont été payés.

SANCTIONS ET EXCEPTIONS

ART. 16. – Les infractions au présent arrêté donneront lieu à des poursuites contre les auteurs en conformité des lois et règlements en vigueur.
Les organisateurs des circuits automobiles ou leurs représentants locaux, les conducteurs d’automobiles et les voyageurs seront tenus pour responsables, chacun en ce qui les concerne, de l’inobservation des prescriptions édictées ci-dessus.
Si un automobiliste se lançait dans un voyage au Sahara sans l’autorisation de l’autorité locale ou sans tenir compte de ces avis, le chef du premier poste qui se trouverait sur son passage ferait mettre la voiture en fourrière ; le contrevenant ne serait autorisé à continuer son voyage qu’après avoir satisfait aux obligations imposées par le présent arrêté.
Les mêmes mesures seront appliquées aux automobilistes non touristes voyageant sans carte verte et à ceux qui, même munis de cette carte voyageraient avec des voitures ne répondant pas aux caractéristiques portées sur la carte ou aux prescriptions du présent arrêté.
Un compte rendu de l’incident serait adressé télégraphiquement au Gouverneur Général.
Exceptionnellement, pour des parcours aller et retour inférieurs à 500 kilomètres ou sur certaines pistes très fréquentées, ou si des circonstances favorables le permettent, par exemple pour les sociétés de transport en commun disposant d’un outillage rapide et puissant, les chefs d’annexe ou de poste pourront autoriser des voitures automobiles à circuler isolément sous réserve que toutes les garanties de sécurité requises soient réalisées.
Ces autorisations seront données par écrit et il en sera rendu compte au commandant militaire du Territoire.
Des dérogations aux dispositions de l’article 11 relatives à l’approvisionnement en vivres de réserve et à celles de l’article 12 relatives à l’approvisionnement en matériel de débroussaillement, de puisage et de dépannage peuvent être accordées dans les mêmes conditions.

DÉPANNAGE OBLIGATOIRE

ART. 17. – Tout automobiliste devra porter secours aux voyageurs en détresse qu’il rencontrerait. Si le dépannage de la voiture en panne ne peut être effectué sans danger pour la voiture valide, le transport au poste le plus voisin des voyageurs en détresse sera seul obligatoire ; ce transport ne pourra être exigé que dans la limite des places disponibles sur la voiture valide. Les cas où la voiture en panne pourra être secourue sont laissés à l’appréciation du chauffeur de la voiture valide. Si les voyageurs de la voiture valide ne peuvent porter en aucune manière secours aux voyageurs en détresse, ils devront signaler le fait au poste le plus voisin qui pourra réquisitionner leur voiture.
Tous ces services seront convenablement rétribués. Les tarifs à appliquer seront soumis à l’approbation du chef de poste le plus voisin.

DÉLAI D’APPLICATION

ART. 18. – Pour toutes les dispositions du présent arrêté aggravant, pour les usagers de la route, les dispositions prévues par l’arrêté du 31 Janvier 1930, la date d’application est fixée au 1er Janvier 1935.
Les nouvelles cartes vertes ne seront délivrées qu’aux usagers présentant des véhicules répondant aux prescriptions du présent arrêté.
Les usagers déjà titulaires de cartes vertes délivrées conformément aux prescriptions de l’arrêté du 31 Janvier 1930 devront en demander le renouvellement avant le 1er Janvier 1935 et être en règle pour cette période, avec le présent arrêté.

ART. 19
. – Le Secrétaire général du Gouvernement, les Commandants militaires des Territoires du Sud, sont chargés chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent arrêté qui sera publié au « Journal Officiel de l’Algérie ».
Les commandants militaires pourront déléguer, pour veiller à l’application des prescriptions du présent arrêté :
– les chefs d’annexe ou de poste ;
– les architectes voyers.

Alger, le 5 Juillet 1934

Pour  le  Gouverneur  Général   absent,
Le Secrétaire général du Gouvernement

 
Signé :
SOUCHIER