HAMMAGUIR BASE SPATIALE DU DÉSERT

 


Source :

LE SAHARIEN
n° 37 – 4ème Trimestre 1964
Revue trimestrielle éditée par La Rahla – Amicale des Sahariens
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    COLOMB-BÉCHAR. — Sur un plateau caillouteux, désolé des confins sahariens, une nouvelle capitale de l’espace est en train de naître : Hammaguir. Au cours des dernières années en effet, la base du centre interarmées d’essais d’engins spéciaux (C.I.E.E.S.) a reçu un équipement ultramoderne qui en a fait la première base spatiale de l’ensemble africain. Hammaguir est aujourd’hui pratiquement prêt pour le lancement de D.I. premier satellite français que le centre national d’études spatiales compte mettre en orbite en 1965 ou 1966 en utilisant les installations du C.I.E.E.S.

    Installé depuis 1947 à COLOMB-BÉCHAR, le C.I.E.E.S., organisme dépendant de la délégation ministérielle à l’armement, a dû développer une nouvelle base pour répondre aux besoins croissants de nouveaux engins toujours plus nombreux et plus puissants. Le plateau (la Hammada en Arabe) plat et dénudé de l’Oued Guir à 110 km de Colomb-Béchar, présentait les conditions exceptionnelles pour l’observation et offrait un rectangle de tir de 100 km sur 60.

    Créer une base spatiale moderne dans une région aussi isolée et inhospitalière représente un effort considérable. Il a fallu édifier une cité avec des habitations climatisées à atmosphère artificiellement humidifiée, pour 1 200 à 1 500 personnes. Un aéroport a été installé avec une piste de 3 000 m. Près de 200 km de routes ont été tracés. Des forages profonds permettent de puiser quotidiennement de 4 à 700 m3 d’eau. Enfin, la fourniture d’électricité a nécessité la construction d’une centrale de 7 Mgw et demi, c’est-à-dire capable d’alimenter des villes comme Valence ou Douai.

    Aujourd’hui tous ces problèmes sont pratiquement résolus et c’est une base en plein fonctionnement que el Général Hautière, Directeur du C.I.E.E.S. et le Commandant Bodel, Commandant de la Base, ont présentée aux journalistes.

    Le centre nerveux d’Hammaguir, c’est le P.C. de tir où les journalistes étaient admis pour la première fois. Comme ma plupart des installations, ces bâtiments sont démontables mais donnent une impression étonnante de finition et de perfection dans l’installation. Et voici la grande salle des commandes, véritable Saints des Saints de la base. C’est ici que sont centralisées et surveillées toutes les opérations de lancement. Au mur, un immense panneau lumineux représente, sur un fond bleu, la base avec ses différents cycles de lancement.

    À côté, deux écrans de télévision permettent de suivre le déroulement des manœuvres. Et voici enfin le grand pupitre de commande à trois places : une pour l’officier d’essai, une pour le constructeur et une pour le représentant de l’antenne technique.

    Sur le tableau de commandes sont alignées des rangées verticales de quatre boutons lumineux jaune, vert, rouge, violet. Chaque rangée correspond à l’un des moyens nécessaires au lancement. Tant que le moyen correspondant n’est pas prêt, le voyant est au rouge. Il passe au jaune pour indiquer qu’il sera prêt à temps, et au vert quand il est effectivement prêt. Enfin, le voyant est mis au violet quand on décide de faire l’impasse sur le moyen correspondant pour le tir. Tous ces renseignements sont synthétisés par un voyant général. Quand il passe au vert, l’officier d’essai donne l’autorisation de la mise à feu au P.C. de lancement, qui se trouve dans un blockhaus à proximité de la fusée. C’est là que sont installés les deux boutons commandant d’une part la mise à feu, et d’autre part la destruction en cas de nécessité.

Le lancement une fois effectué, il s’agit de suivre très exactement l’engin sur sa trajectoire et de recueillir les informations qu’il peut envoyer. Pour ce faire, la base d’Hammaguir est équipée d’un réseau de moyens optiques, essentiellement des cinéthéodolites très pratiques dans le ciel clair du Sahara et d’un réseau radar. Dernière acquisition en matière de moyens optiques : le télescope Igor à focal variable. Vedette du réseau radar : le radar Aquitaine permettant de situer l’engin à 4 mètres près jusqu’à 2 300 km. Mais le fonctionnement d’un appareil aussi délicat – les engrenages sont ajustés au micron près – dans les rudes conditions Sahariennes, pose de nombreux problèmes. Il faut maintenir une surpression interne pour éviter les infiltrations de sable, assurer un isolement thermique, entretenir la lubrification par brouillard d’huile, etc… Telles sont les servitudes sahariennes.

    Dernier moyen de poursuite mis en œuvre : l’interféromètre qui permet. eu comparant la réception des signaux de l’engin sur deux antennes différentes de le situer. La précision atteinte ici, dépasse 50 centimètres. La base dispose enfin d’une oreille géante, l’antenne cyclope pour capter les signaux des engins. C’est une énorme coupe de 18 m de diamètre ajustée au centimètre près, mobile au sommet d’un pylône massif qui fouille le ciel dans toutes les directions.

    Tous ces renseignements sont transmis en permanence à un calculateur I.B.M. qui les analyse et peut fournir immédiatement, durant tout le vol, la trajectoire suivie par l’engin. La grande innovation apportée par cet appareil actuellement en cours d’installation, est qu’il travaille en calcul digital (numérique) alors que la base ne disposait jusqu’à présent que d’ordinateurs analogiques. Présentement les techniciens d’Hammaguir poursuivent la mise au point du lance-satellites « Diamant », mais le développement du programme est couvert par le secret militaire et il n’a été fourni aucune précision à ce sujet.


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