Je me souviens...

Reggan - La Braconne

Lucien VANCOPPENOLLE – 66 2/B – CCS – Atelier du Corps


     Cest avec beaucoup d’hésitations, de nombreux contrôles, aussi bien auprès des copains du site, de leur propre calendrier, de leurs souvenirs, des contacts que j’ai pu avoir avec certains, de mon propre calendrier (celui de 1967 en annexe) et même le courrier de ma fiancée (épousée en juillet 69) que je crois avoir résumé le retour du 3ème GT en France.
J’ai eu la chance de faire partie du détachement précurseur du 3 juin et c’est donc de Bordeaux que j’ai vu revenir les copains.
Il se peut que quelques inexactitudes se soient glissées et je vous prie par avance de bien vouloir m’en excuser. Je suis preneur de tous renseignements complémentaires.
J’ai été incorporé en septembre 1966 au CIT 156 à Toul pour 2 mois de classes et 2 mois de peloton et fait la connaissance du colonel GALLOT-LAVALLÉE ancien chef de corps du 3ème GT en 1964-1965. Je suis arrivé à Reggan en janvier 67 et, après 2 semaines de classes sahariennes à la CCS, j’ai été désigné pour l’atelier du corps au bordj Estienne tout de suite après le défilé du samedi matin (une institution) le 4 février. Les semaines suivantes sont passées entre le travail (intéressant), les gardes (seulement 12 h pour nous sauf le dimanche) et le reste : nos propres corvées (pas de rapport ni d’activités collectives ou si peu (le bordj Estienne était loin de la CCS). Dès notre arrivée on nous avait déjà parlé de notre prochain retour pour le mois de juillet ! Le 3ème GT n’avait-il pas été mis en place à Reggan pour assurer la dissolution des bases d’In Ecker et In Amguel après les accords d’Évian. Nous étions sur l’axe de repli à mi-distance de Béchar avant de rejoindre les bases de Mers el-Kébir et Bou Sfer et la France. Les 4 premiers mois de 1967 le travail à l’atelier ne manquait pas. Quelques accompagnements de convois (avec l’adjudant-chef CASTAGNIÈDE) au profit des pelotons des compagnies. J’ai vu partir la classe 66 1/A un matin en mars et l’ai vu revenir le soir même à cause d’une magnéto défaillante sur le Nord 2501… redépart le lendemain.
La dernière grosse fiesta à Reggan pour Pâques les 25, 26 et 27 mars avec X moutons par compagnie, rosé etc. Méchoui mémorable en plein soleil le midi (de nombreux collègues ont des photos sur le site : TONTONI et WATTEAU pour ne citer qu’eux). La dernière classe à quitter Reggan par la voie des airs a été la 66 1/B le 8 mai 1967.
Déjà DAVORINI du casernement s’était lancé dans la construction, à la chaîne, de caisses grandes ou petites et chaque compagnie avait commencé à ranger son matériel.
Ayant quelques petites blessures à soigner à l’infirmerie, j’ai vu un gus des compagnies souffrant de dysenterie étant consultant et passablement accablé, s’asseoir (avant que nous ayons pu l’avertir) sur la malle, fraîchement peinte, qui devait ramener les dossiers médicaux en France, se relever aussitôt avec une superbe croix rouge sur le pantalon de sortie.
Tout le début de mai, chaque convoi vers Béchar et Kébir emportait notre matériel, y compris la 403 du colonel dans la Gazelle de René DEU et la 203 du chef d’escadron BELAIR. La Pentecôte est arrivée. Il y avait déjà du monde de parti à la CCS car il fallait préparer Béchar (ex caserne du 11ème RGS) juste retour des choses car nous les avions remplacés à Reggan en 1965. De gros convois sont passés à Reggan surtout Légion (Arak – In Amguel). La Légion du Plateau avec leurs automitrailleuses et aussi leur ménagerie (moutons – chameaux – ânes – chiens et bien sûr leurs « chèvres », par contre pas de traces des dames du P7 ??? À chaque fois un peloton d’honneur et notre colonel rendait les honneurs.
C’est pendant cette période que j’ai appris le mot DÉFLATION. En terme militaire ça signifie « compter – trier – remplir des listes et souvent détruire » (cela s’applique aussi bien aux matelas, armoires, lits, aux outils, aux stocks et à tout matériel divers etc. Nous devions aussi bien nettoyer, remettre en état parfois !!! Les anciens du garage de plusieurs contingents ont toujours connu 2 douches (sur les 4) en état de fonctionnement et bien cela fut réparé 6 jours avant de partir.
La prise d’Armes du samedi 20 mai fut la dernière à laquelle j’ai assisté. Nous n’étions déjà plus que 200 avec tous les convois en route et ceux arrivés à Béchar. Les algériens étaient déjà là dans la Gendarmerie à côté du bordj Estienne. Ils sont venus en curieux (12 en tout). Je crois que c’était eux qui devaient remplir les papiers pour la transmission des bâtiments. J’ai eu au moins la chance de ne pas assister à la descente de nos couleurs et au lever des leurs, cela a dû se produire vers le 25 juin.
Pour ma part j’ai quitté Reggan le samedi 27 mai, après un bivouac à Kerzaz, arrivée à Béchar le 29. Une dernière semaine tranquille, un peu d’atelier, pas de garde, un peu de tourisme, une dernière fois revoir « Fifine », préparer la valise et le paquetage qui lui rentrait en bateau (voir Note de service). Décollage le 3 juin au petit matin et arrivée à Bordeaux (avec escale à Bou Sfer bien sûr). Déjeuner à Tanaïs à la CT 515 puis, surprise, une permission de 48 h les dimanche 4 et lundi 5 et retour le mardi 6. (Quel contraste en si peu de temps).
La semaine suivante réactivation du matériel à Tanaïs. ADIEU BERLIET ! BONJOUR GMC et U55 ! Transport de matériel pour déménager Tanaïs pour La Braconne puis tous les 2 jours Mérignac pour récupérer les copains qui rentraient en Breguet 2 ponts. Souvent les arrivées se faisaient vers 17/18h après transfert à la CRT de Bordeaux pour se restaurer puis la route (N10) jusqu’à Angoulême (120 km) et enfin au lit vers 2 h du matin. Nous avons eu 3 semaines terribles. Nous étions une cinquantaine en majorité des anciens du 3ème GT. Je suis toujours épaté de ne pas avoir vu d’accidents. Imaginez des gus qui 15 jours avant avaient roulé sur des pistes dans le désert avec des énormes véhicules (d’accord tout assistés, mais hors gabarit) se retrouver dans la circulation sur le boulevard périphérique de Bordeaux et le Pont d’Aquitaine avec des GMC, sans cligno, plus à l’aise dans le tout terrain qu’en ville.
Nous étions vraiment les meilleurs ! Vive les Tringlots !
Nous avons remis notre tenue saharienne pour accueillir notre colonel vers le 5 juillet. Les plus chanceux avaient été ceux des derniers convois de fin juin et qui s’étaient fait dorer la pilule à Aïn-el-Turck. Ils sont arrivés à La Braconne comme des sénégalais.
Le matériel arrivait aussi au port de Bordeaux et à Port-Vendres. Merci à la Marine cela jusqu’à fin juillet. La classe 66 1/C a été libérée le 20 juillet toujours en tenue 3ème GT.
La cérémonie de dissolution du 3ème GT et la recréation du GT 515 s’est faite fin juillet (je n’ai plus la date) mais chaque compagnie avait un peloton en saharien et un en métro. Notre premier défilé à Angoulême devant un grand public a eu lieu le 28 juillet (j’ai encore le journal).
Le 28 juillet 1967 nous étions alors après la fusion :
- 15 officiers
- 50 sous-officiers
- 350 HDR
- 150 véhicules d’après l’article paru dans « LA CHARENTE LIBRE » le 26 juillet 1967.
La classe 66 2/A a été libérée le 18 septembre 1967.
Voila ces quelques lignes donneront peut-être à d’autres l’occasion d’apporter plus de détails pour tout le monde sur le site.

Lucien VANCOPPENOLLE – Mars 2009