LE MER-NIGER

 

Les projets de construction d’un chemin de fer transsaharien apparaissent dès le lendemain de la guerre de 1870 et la pénétration française au Sahara.
Le désastre de la mission Flatters, en 1881, arrêta l’audace des partisans d’une telle entreprise. Cependant, les gens tenaces se querellaient au sujet des itinéraires possibles qui, grosso modo, correspondaient à ce qu’on appela plus tard les pistes Impériales.

La n° 2 d’Oran à Gao par Colomb-Béchar.
La guerre de 14-18 et d’autres causes repoussèrent les études plus détaillées. En 1931 était construite, au Maroc, une voie ferrée Oujda – Bou Arfa, à peu de distance de la frontière algérienne, pour l’exploitation des minerais locaux, ce qui constitua un argument essentiel, car il s’agissait d’un banc d’essai sur le terrain. On y rencontrait déjà les mêmes difficultés qu’au Sahara et de toutes façons ces 289 km constituaient une amorce sérieuse.
La décision est prise en 1941. Arrêt brutal avec le débarquement des alliés en 1942. Mais déjà le charbon de Kenadsa arrive à la mer et à Oran où une nouvelle centrale électrique est construite selon les normes propres à l’utilisation de cette qualité de charbon. En 1948, la voie touche Abadla sur l’oued Guir, à 90 km sud de Béchar, là où s’installera la base militaire d’essais d'engins spéciaux qui sera nommée Hammaguir.

La piste du Mer Niger.
À l’origine l’idée était de créer une piste débutant officiellement à Colomb-Béchar pour aboutir à Gao, bien que la route empierrée ou goudronnée, à cette époque ne dépassât pas Ain-Sefra et finit à Gao (Niger) bien que pouvant être poussée bien au-delà. De fait, des services réguliers de Compagnies automobiles transsahariennes l’empruntaient jusqu’à Kano au Nigéria. Des camions poussaient jusqu’au Congo belge et même en Afrique du Sud.
Actuellement il s’agit d’une route goudronnée jusqu’à Reggan, lieu ou se déroulèrent les premiers essais atomiques français.
Les difficultés rencontrées par ceux qui ont aménagé ces pistes sont à mettre en valeur.
Depuis des siècles, la ligne générale de cette piste existait. Les esclavagistes remontaient le bois d’ébène des bords du Niger au Maroc. Il n’y a pas si longtemps que la Zâouia de Kerzaz était encore un gîte d’étape et nous avons connu d’anciens esclaves restés à Colomb Béchar et libérés qui avaient fait ce trajet. Les caravanes de chameaux rapportaient des pays noirs de la poudre d’or, plumes d’autruches, ivoires etc.
Quand la France s’installa au Sahara, la marchandise se modifia, puisque l’esclavage était décrété interdit et la sécurité relative aidant.
Cette piste une fois bien reconnue, définie et aménagée, devait devenir le support d’une grande réalisation qui a avorté en partie, le Chemin de Fer transsaharien du Mer-Niger. En effet en pleine guerre en 1941, le gouvernement de Vichy autorise la construction d’une voie qui partirait de Nemours en Oranie sur la Méditerranée, passerait par Oujda, atteindrait Béchar (déjà desservi par une voie métrique venant d’Oran et aboutirait à Gao voire même à Niamey et Ségou au Niger).
En fait il existait déjà une voie Nemours – Oujda et une voie en direction du Sud entièrement en territoire marocain, pour exploiter la mine de Bou Arfa.
Il s’agissait d’abord de coordonner ces deux liaisons qui rencontrait la voie transversale du Maroc à la Tunisie, à Oujda, d’améliorer certains tronçons et ensuite d’atteindre le premier objectif Colomb-Béchar et à 27 km à l’ouest Kenadsa pour l’exploitation du charbon qui faisait grand défaut en ce temps de guerre. Hélas ou tant mieux selon les points de vue le débarquement des alliés en novembre 1942 bloque tout : mobilisation générale des hommes et réquisition du matériel arrêtent net la poursuite de ce projet en cours, sauf une prolongation en 1947 de la voie jusqu’à Abadla à 90 km au sud de Béchar.
On en est resté là. Le trafic s’est poursuivi jusqu’en 1962. En 1956, le trafic de marchandises s’est élevé à 510 153 tonnes, principalement en charbon. Quatre autorails assuraient le transport rapide des voyageurs Colomb-Béchar – Oujda. En réalité l’activité principale du personnel du Mer-Niger était la construction et l’entretien de la piste, 2 100 km, avec l’espoir que le rail suivrait.
Le piquetage de la voie était exécuté jusqu’à Gao, ce qui ne présente pas un mince travail : on comprend l’utilité de la piste qui permettait de reconnaître le terrain, d’y entreprendre des ouvrages d’art, de préparer la pose de cette voie ferrée. Les événements de 1962 semblent avoir mis une fin définitive à ce projet, pour maints motifs, ne serait-ce que de coordonner les ambitions de chaque pays traversé, alors que la France pouvait se permettre de prendre seule les décisions. La piste aménagée, elle, est une réalité, l’essentiel était en place pour l’établissement d’une route goudronnée.
Que le lecteur se souvienne, dans ce chapitre d’histoire, qu’il s’agit d’une œuvre accomplie de 1941 à 1947, en temps de guerre et de pénurie, les images ne trompent pas. Les Sahariens authentiques savent ce que cette œuvre a demandé d’intelligence, de travail et de sueur, pour les Européens comme pour les autochtones, les ouvriers recrutés sur place et hélas encore une fois de larmes et de sang durant les tristes années 1954- 1962.

 

 

Source :

DE LA MÉDITERRANÉE AU NIGER
par le père Roger DUVOLLET
édité à compte d'auteur
1983