le temps DE la mémoire

 

par Alain BROCHARD

 

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Photo : Alain BROCHARD Juillet 2016


Le destin n’est pas fait pour nous écraser ni pour nous punir…
Il est fait pour nous contraindre à grandir.
Satprem

Avant-propos

Ce papier n’a pour objet que de reprendre brièvement ce que fut l’histoire de Jean Parès, un de ces Français qui sut se démarquer de la plupart en n’hésitant à aucun moment à se sacrifier pour son pays, alors que l’occupant envahissait la majeure partie du territoire national !
De nombreux ouvrages sont parus sur la période, mais beaucoup d’incertitudes ont remplacé un certain nombre de faits loin de la réalité du moment.
Pour ma part, je n’ai souhaité donner crédit qu’aux documents officiels ainsi qu’aux témoignages dont la véracité ne peut être mise en cause.

Alain BROCHARD


L’histoire de tous ces héros souvent clandestins a déjà été longuement racontée, nous ne pouvons oublier ce que fut le conflit crédité de Seconde Guerre mondiale, quand d’aucuns choisirent de se taire, de se rallier à l’ennemi ou de prendre la clandestinité.
Le maquis a laissé de nombreuses traces de cette période où l’occupant était entré dans la plus humble des chaumières à la recherche de ces soi-disant terroristes qui avaient comme seul objectif : défendre leur cher pays la France.
Nombre d’entre eux tombèrent sous les balles de l’ennemi, certains par insouciance d’autres par mégarde…
Dès l’arrivée au Verdon-sur-Mer, l’attention est attirée par le nom d’une des premières rues s’enfonçant dans le village : la rue Jean Parés !



Photo : Alain BROCHARD Juillet 2016

Le nom de Jean Parés nous interpelle d’autant, que s’engageant dans la rue Jean Parés, le visiteur va découvrir sur sa gauche le passage Jean Parés ! Puis toujours sur la gauche un peu plus loin, l’impasse Jean Parés.

Photos : Alain BROCHARD Juillet 2016

La question nous vient de suite, mais qui était donc Jean Parés ?
Jean était tout simplement un artisan forgeron/serrurier habitant cette rue dans les années 40, avant que le destin ne l’emporte vers le maquis d’où il ne revint jamais…
La première forge se situait rue Aristide Briand.



Jean Parés entouré de ses enfants. (Photo : Collection famille Parés)



Source : Bruno Gasteuil… Jean Parés à l’ouvrage. (Photo : Collection famille Parés)

Le dicton reste fort, c’est en forgeant que l’on devient forgeron.
De cette époque, seule l’enclume a résisté aux affres du temps. Les coups reçus au cours des années de bons et loyaux services n’ont pas entamé son âme, toujours fidèle au poste mais reléguée désormais depuis des lustres dans le jardin de Michel.



Photo : Alain BROCHARD Juillet 2016

Elle ne sonnera plus désormais du chant rythmé du forgeron… Un son caractéristique qui marquait l’époque dans nos villages d’autrefois, quand le marteau « à frapper devant » résonnait de tout son poids sur le dos de la « belle » !!!
Le souvenir reste le plus fort et bien que silencieuse cette enclume chante au loin dans la mémoire de Michel.
La seconde forge du serrurier se situait à hauteur de l’impasse portant son nom. Aujourd’hui la maison vendue à plusieurs reprises est devenue « maison de vacances » comme bon nombre de villas de la commune.



Photo : Alain BROCHARD Juillet 2016

À la porte d’entrée de la forge s’est substituée une fenêtre encadrée du parement monumental en partie conservé. Sur la droite du bâtiment, s’élevait la maison d’habitation, toute de bois construite, disparue de nos jours. Sur le côté, un panonceau publicitaire d’une célèbre marque de bière interpellait le passant… (Sans doute Obeinhemer !)
En continuant sa route vers la plage de la Chambrette, le visiteur va découvrir sur sa gauche face à l’école primaire Georges Poirier, le centre culturel Jean Parés, ainsi que la résidence Jean Parés.
Tout ceci a pris la place du stade Jean Parés qui occupait précédemment l’ensemble de cette surface du territoire communal.

 

L’entrée du stade municipal Jean Parés photographié par Bruno Gasteuil en 2007, avant sa démolition.
Il faut rappeler ici, ce qui est d’ailleurs noté au bas de la photo affichée dans le hall du centre culturel, que Jean Parés fut le premier capitaine de l’équipe de « foot » du Verdon-sur-Mer.



Photo : Alain BROCHARD Juillet 2016



Photo : Alain BROCHARD Juillet 2016

Sur cette photo, au fond le centre Jean Parés, de chaque côté la résidence du même nom.



Photo : Bruno GASTEUIL


Pose de la première pierre du Centre Culturel Jean Parés par Mr Alain MARTINET ancien maire du Verdon-sur-Mer en 2007. Au second plan Michel et Philippe Parés et leurs épouses.




Photo : Bruno GASTEUIL

Inauguration du Centre Culturel Jean Parés par la députée Pascale GOT
Mais revenons à Jean Parés ! Avec mon ami François, nous sommes allés sur la stèle marquant du bord de la route l’endroit où Jean Parés et Léo Neveu furent abattus !
Là une dernière balle touche Léo au menton qui s’écroule sans un mot. Léo aura à peine senti la mort le frapper. Le vieux photographe voulait en découdre, il fera désormais partie de ces héros sans qui la France n’aurait jamais pu retrouver sa souveraineté.


Documents Internet

Léo Neveu âgé de 64 ans, Mort pour la France sera inhumé dans la concession familiale au cimetière d’Arcachon. Au-delà de ses photos aériennes, il fut l’un des plus grands photographes d’Art d’Arcachon, cet ancien combattant de 14-18 qui fut blessé d’un éclat d’obus dans les reins en septembre 1914. Comme l’indique la stèle de Vensac il était Sergent au bataillon Duchez.


Source : Internet : © Photo : photo archives DR

Conduit par Robert Duchez, le bataillon des combattants volontaires entre dans Arcachon le 22 août 1945, lors du premier anniversaire de la Libération, par la rue qui deviendra avenue de la Libération.

Le 23 novembre 1944, c’était la libération de Strasbourg, Léo Neveu et Jean Parés n’auront sans doute jamais su que la fin du conflit était bien engagée. Plus que d’autres, ils avaient été frappés dans leur chair, de ces engagements militaires, quand tant de leurs frères d’armes y laissèrent également la vie. Léo venait de rendre l’âme, le combat continuait dans le marais du Gua.

Marais du Gua… Photos : Alain BROCHARD Septembre 2016



Chenal du Gua… Photo : Alain BROCHARD Septembre 2016

Selon François une stèle ou un panneau serait érigé dans les marais !
Le marais et surtout la traversée du chenal du Gua était en hiver, des plus difficiles pour les troupes françaises qui partant d’Arcachon remontaient vers la pointe de Graves. D’autant que le marais dès l’automne était en grande partie inondé et aussi parsemé de mines qu’il fallait éviter !



Photo : Collection brigade Carnot Bordeaux
La Poche du Médoc (Dominique Lormier).

Les troupes allemandes avaient construits ci et là de nombreux fortins réalisés à l’aide de rondins récupérés dans les bois environnants. Au bout du chemin partant de la route de la stèle à Vensac (où se situe le petit monument en hommage à Léo Neveu et Jean Parés), les troupes ennemies avaient positionné un de ces abris en lisière de forêt, face au marais. Il était donc nécessaire aux maquisards de faire sauter ce point de surveillance allemand pour assurer un passage plus facile des troupes françaises à cet endroit.
Le texte qui suit est inspiré du livre de Robert Escarpit « LES VA-NU-PIEDS ». Ce livre selon les témoignages recueillis aurait selon Escarpit lui-même été un tant soit peu romancé !
« La porte de l’abri en rondins des Allemands s’ouvre un militaire apparaît sur le seuil, il est aussitôt abattu sans autre forme de procès ! Le dénommé Fourès bondit en jetant dans l’entrebâillement de la porte, une charge de cheddite (explosif à base de nitrates) équipée d’un bouchon de grenade qu’il vient de dégoupiller. Quelques secondes plus tard le fortin vole en éclats, alors qu’une fusillade éclate de toutes parts. Parés avait donné nombre d’indications précises à la section de Cuzac qui sort du marais pour effectuer le « nettoyage » du secteur.
Jean Parés avait bel et bien reçu une rafale qui le traversa de part en part !
Une civière de fortune, faite de deux fusils et d’un morceau d’échelle, est vite préparée pour le blessé qui est aussitôt trainé tant bien que mal vers la maison où se situe le P.C. Le chemin sera long, il durera une heure ! Le martyr de Jean Parés commence à ce moment lorsqu’au cours du parcours, quand ses porteurs trébuchant dans la boue du marais lui arrachent des gémissements. La dépouille de Léo Neveu repose déjà sur la table de la cuisine. Il a le visage serein, seul le petit trou à la pointe de son menton marque l’endroit où la mort l’a pénétré !
Parés est placé sous la lampe dans un vieux lit de fer qui n’a plus d’âge et l’adjudant-médecin commence à l’examiner. À priori les blessures seraient moins graves que tous l’avaient pensé. L’adjudant médecin dit : Quatre trous d’entrée et quatre de sortie. Une radio sera nécessaire pour en juger plus ! Jean Parés, qui n’ignore pas la gravité de sa blessure, souffre atrocement sous le regard de tous. Il reste pourtant des plus lucides et donne ses instructions sans se presser :
Envoyer le rapport resté sur sa table à Vendays.
Terminer le croquis de l’avant-port du Verdon.
Récupérer la sacoche qu’il avait laissée à l’observatoire…
Muret et Parés sont transportés à l’hôpital Robert Picquet à Bordeaux, les nouvelles arrivent vite, Muret va bien, il avait pris une balle dans la cuisse. »

Jean Parés, décèdera le 23 novembre des suites de ses blessures, soit 5 jours après avoir été blessé. Ci-dessous, le procès-verbal de déclaration de décès qui comme l’on peut le constater n’est ni daté, ni paraphé… excepté le tampon de l’officier des Détails FFI, Brigade Carnot Bataillon d’Arcachon !

 

Madame Parés reverra son mari avant son décès à l’hôpital Robert Picquet !
Elle devra s’acquitter du coût (1418 francs 10 centimes) pour le transport de la dépouille mortelle de son mari auprès du bureau des Pompes Funèbres de Bègles, ce qui pour ma part vu d’aujourd’hui me semble parfaitement scandaleux au regard du sang versé pour la France. Une collecte provenant d’un groupe de Lesparre sera réalisée pour soutenir au mieux Mme Parès.




La Stèle Photo : Alain BROCHARD Juillet 2016

Un monument fut érigé sur la commune de Vensac, puis remplacé par la stèle actuelle. Cette stèle qui comme il est possible de le noter sur la photo précédente a été fracturée puis restaurée, elle marque l’endroit, à quelques cinq cents mètres de là, en s’enfonçant dans les bois par le petit chemin forestier, l’endroit même où Léo Neveu et Jean Parés sont morts pour leur France !
Nous avons suivi le petit chemin pour essayer de retrouver les lieux où furent abattus les deux braves.



Photo : Alain BROCHARD Juillet 2016

Après 72 ans, la nature a repris ses droits et ce que nous avons pu voir ne ressemble plus en rien à ce qu’était ce bout de forêt fin 1944.



Photo : Alain BROCHARD Juillet 2016

Sur la gauche le sentier où se passèrent les évènements !

Une dizaine de mètres plus loin, nous arrivons au bout du parcours, quand le marécage prend ses droits. De la route au marécage nous avons franchi environ 500 mètres.



Photo : Alain BROCHARD Juillet 2016

Inutile de s’aventurer plus loin au risque de s’embourber et peut-être plus. Les joncs couvrent toute cette zone fortement minée à l’époque du drame ! Où, selon certains écrits, nombre de dépouilles sont restées, inhumées tout naturellement dans ce marais ! Respect donc à ceux tombés ici et là, abandonnés de leurs villages natals !

NOTA : Évidemment le fortin fait de rondin a disparu d’autant qu’il avait été en partie pulvérisé par l’action des FFI. Le gué autorisant la traversée du chenal n’est plus visible, la nature a vraiment repris possession des lieux ! Rien ici ne marque le souvenir des combattants dont certains reposent selon les dires au fond de ce marais dans la totale indifférence du temps qui passe ! Pour ma part une question néanmoins me vient à l’esprit, pourquoi avoir construit un fortin à cet endroit ? L’occupant avait sans doute imaginé et anticipé la montée des FFI d’Arcachon via Vendays en direction de la Pointe de Graves, difficile à dire. Les maquisards bénéficiaient du marais pour effectuer une progression sans doute hasardeuse mais plus sécurisée ! Le maquis avait repéré ce poste avancé allemand, la suite est simple à comprendre. Le livre de Robert Escarpit sous le titre « Les Va-nu-pieds » est aussi flou que romancé, sans parler de sa « Chronique de la guerre du Médoc » hors sujet, par contre le livre de Dominique Larmier « La Poche du Médoc » nous donne au-travers des nombreuses photos, un grand nombre d’indices !

Sur le schéma précédent emprunté au livre de Dominique Lormier, il est facile de comprendre quel trajet empruntait les maquisards. La flèche au centre du dessin nous montre la traversée du marais du GUA par le maquis en direction du bois des Arrestieux.

Nous observons au bout de notre petit chemin au-delà de la végétation jouxtant le bois de l’autre côté des joncs, une mare dans laquelle s’ébrouent aujourd’hui une bande de cormorans qui semblent pêcher, fracassant l’eau de leurs ailes, insouciants d’un passé que nous recherchons !



Photo : Alain BROCHARD Juillet 2016

Le chenal au centre de ce marécage est celui du « Gua» il traverse quelques kilomètres plus à l’Est la départementale D1215 où se situe le pont du GUA, évoqué à diverses reprises par les FFI. De même du côté Ouest, le chenal du Gua traverse la D101 où se situe également un petit pont, un coin très prisé par les pêcheurs.



Photo : Alain BROCHARD Septembre 2016

Jean Parés fut inhumé dans le cimetière du Verdon-sur-Mer, village d’où il était parti pour lutter contre l’envahisseur, d’abord dans une première tombe, puis en 2002 avec son épouse.



Photo : Alain BROCHARD Juillet 2016

Sur cette tombe des plus simples, rien n’indique le passé glorieux de l’adjudant Parés. Toutefois il est à noter que l’épouse de Jean retrouva son cher mari quelques 58 ans plus tard. De cette union étaient nés quatre fils : Hubert, Guy, Philippe et Michel.
Michel avait à peine 9 ans lorsque la terrible nouvelle de la disparition de son père arriva jusqu’au Verdon, il me raconte :
Dès l’arrivée des Allemands sur la commune du Verdon-sur-Mer, son père Jean Parès n’ayant aucunement l’intention de travailler pour l’occupant décide en décembre 1940 de quitter son village, sa forge abandonnant tout derrière lui, pour se réfugier du côté de Lège, désormais Lège Cap Ferret.

Il part avec toute sa famille sans regarder derrière lui avec déjà sans doute une idée en tête, rejoindre le maquis. Par contre il lui faut protéger les siens, c’est sa première préoccupation.



Jean et son épouse Marcelle photographiés devant la maison qu’ils occupent à Lège.

La forge étant restée derrière lui, il était nécessaire de trouver du travail pour subvenir aux besoins de la famille. Jean, entouré de toute une équipe, se lance alors dans la fabrication de charbon de bois.


L’équipe de charbonniers photographiée dans les bois du Cap Ferret.

Bien entendu, du fait de l’éloignement des zones de combat et de la proximité du bassin d’Arcachon, quelques moments de détente étaient plus que nécessaires et Jean n’hésitait pas à embarquer avec femme enfants et copains pour un petit tour en barque !



Photo prise fin 1941 sur le bassin.

Au premier plan Jean Parés, à sa droite Philippe, derrière Philippe, Hubert avec à sa gauche Guy puis Marcelle son épouse et au fond Michel.
Mais Jean Parés ne peut pas en rester là, il rejoindra le bataillon Carnot où il est engagé volontaire en 1942.
Ses états de service, (voir ci-après), nous éclairent sur sa personnalité et son engagement.
Le 14 septembre 1944, Jean s’était fait remarquer en servant une section de mortier qui avait neutralisé les nids de mitrailleuses allemandes au pont de la Brède.

Nul doute Jean faisait partie des braves, de ces anonymes qui ont versé sans regret leur sang pour leur pays !


Jean avait été affecté au 2ème Bureau, de ce fait de par sa connaissance du terrain de par ses origines du Verdon il avait à plusieurs reprises traversé les lignes ennemies en civil pour assurer la liaison avec des agents de renseignements ou rapporter lui-même des renseignements. Il avait ainsi pu fournir des renseignements de la plus haute importance sur les postes ennemis.
Malheureusement comme dit plus haut son parcours s’arrêta le 18 novembre 1944.
Bien qu’inscrit sergent sur la stèle de Vensac, le grade de Jean Parés était en réalité sous-lieutenant auquel il avait été élevé par le colonel Milleret le 15 octobre 1944.
Cela bien évidemment après avoir été nommé sergent-chef puis adjudant le 1er juin 1944.
Jean Parés fut malgré tout décoré à titre posthume :
- de la Croix de Guerre 39-45
- de la Médaille Militaire
Un juste mérite pour celui qui donna sa vie à la patrie !

Croix de Guerre
1939-1945
Médaille Militaire


Merci à Michel Parés pour son fidèle témoignage…
Merci à mon ami Serge Blanchard pour l’aide apportée.
Merci à Bruno Gasteuil mémoire incontournable du Verdon-sur-Mer, pour ses photos.
Merci à mon ami François Bonardo qui a su me guider sur les traces de l’histoire de ce maquis dont je n’avais aucune connaissance !

 

Alain BROCHARD Septembre 2016