SAHARA

 

LE Sahara est le désert le plus vaste du monde. Il s’étend sur 7 millions de km², des chaînons méridionaux de l’Atlas au Soudan, et de l’Atlantique au Nil. C’est aussi la région la plus aride de la terre, celle qui, dans toute sa plénitude, mérite l’appellation de désert.
    Le Sahara n’est d’ailleurs que le premier maillon d’une longue chaîne de déserts ou les caravanes pourraient théoriquement circuler sans discontinuité, de l’océan Atlantique aux confins de la Chine.
    Malgré des aspects convergents, ces déserts sont des ensembles géographiques d’origine très différente : le cœur du continent asiatique est desséché parce que les dépressions atmosphériques, génératrices d’humidité, s’éteignent avant de l’atteindre ; la même cause joue aussi pour les régions centrales du Sahara.

Les causes de la sécheresse

    Mais d’autres causes d’aridité s’ajoutent aux précédentes, et c’est là l’originalité du Sahara par rapport aux autres déserts de l’Ancien Monde. Le grand désert africain ne résulte pas seulement des particularités topographiques de ce continent ; il est imposé par la structure de l’atmosphère, par un phénomène qui est à l’échelle du globe et non plus seulement à celle d’un continent. Entre le tropique du Capricorne et le tropique du Cancer, qui traverse le Rio de Oro, le Tanezrouft, le Hoggar et passe entre le Fezzan et le Tibesti, les rayons du soleil à midi sont au zénith, perpendiculaires à la surface du sol, ou peu éloignés de l’être. Dans l’axe de cette zone, un véritable four naturel est réalisé en permanence et l’air surchauffé, qui s’élève et se détend en altitude pendant une bonne partie de la journée, est à très basse pression. L’air qui s’est élevé au-dessus de ce que l’on a appelé la cheminée équatoriale, se répand tout autour, vers l’hémisphère sud, ce qui ne nous intéresse pas ici, mais aussi vers le nord, c’est-à-dire vers le Sahara. Il est dévié vers le Nord-est par suite de la rotation de la Terre, rabattu au sol et s’accumule aux alentours du tropique en une énorme masse à haute pression, dont l’air est attiré vers l’équateur où la pression de l’air est plus faible.
    En réalité, cette explication qui date des débuts de la météorologie doit être complétée à la lumière des travaux des écoles norvégienne et américaine de météorologie: les masses d’air à haute pression sont divisées en deux cellules, dont la plus occidentale, seule, l’anticyclone des Açores est en liaison avec la structure générale de l’atmosphère ; l’air apporté par le contralizé s’accumule sur le Sahara occidental plus qu’ailleurs, parce qu’au delà, la grande masse de l’air polaire froid et lourd le refoule sans cesse, avec des alternatives saisonnières diverses. De toute manière, l’air équatorial qui s’abaisse vers le Sahara, se comprime, se réchauffe et se trouve complètement asséché au terme de son voyage.

Records de température

    L’alizé, au Sahara, se lève tous les matins, si bien que l’atmosphère du désert est rarement calme. Cette agitation perpétuelle accentue encore la sécheresse de l’air à proximité du sol. Cet air sec donne des ciels très purs. Mais du fait de l’absence de voile de protection que donnerait la vapeur d’eau, les changements de température sont très sensibles entre le jour et la nuit et entre les différentes saisons. Dans le nord du Sahara, des écarts de 30° entre le jour et la nuit ne sont pas rares. En été, le Sahara est une fournaise infernale ; le sol est souvent porté a 6o ou 70° ; la température de l’air frise les records mondiaux : 53° à In-Sa1ah, 55°4 à Tindouf ; on aurait même enregistré 58° à Azizia, en Libye. La nuit, il est pourtant prudent de ne pas oublier de se munir d’une couverture de laine. L’hiver, au centre et au nord du désert, est nettement plus froid que sur les plaines méditerranéennes de l’Afrique du Nord.
    Les possibilités d’évaporation prennent des proportions qui ne sont atteintes nulle part ailleurs ; 2,5 m à 6 m de pluies pourraient être évaporés selon les lieux. La pluie est un événement insolite. Partout les pluies sont inférieures à 150 mm par an. Dans les bassins du centre du Sahara, Bilma reçoit en moyenne 22 mm d’eau par an et Reggane 5 mm. Les moyennes donnent d’ailleurs une idée fausse de la réalité, car le cycle des pluies s’étend sur plusieurs années : au Tademaït, l’intervalle entre deux pluies utiles pour les cultures est en général de trois ans. Dans le Hoggar il atteint cinq ans, dans le Tanezrouft près de sept ans, si bien que, dans cette région, le désert absolu est atteint. Ces chutes d’eau si rares sont pourtant, dans certaines régions, de véritables trombes.
    On a cru longtemps que ces cataractes, plus violentes encore que les averses méditerranéennes, étaient le seul type de pluie du Sahara. En réalité, des bruines aussi fines que celles des régions océaniques imbibent parfois l’atmosphère de Tamanrasset et de nombreux autres lieux. Ces pluies fines n’imprègnent pas réellement le sol et s’évaporent rapidement.


Réserves précaires, les mares sahariennes s’évaporent
sous le soleil brûlant

L'eau est si rare dans les immensités désertiques du Sahara que les points d'eau les plus modestes
sont des centres de vie. Ils constituent des lieux de rassemblement pour les troupeaux et les tribus
nomades et des points de convergence pour les caravanes qui viennent s’y ravitailler et abreuver
les chameaux. L’intérêt que les nomades leur portent est tel que le vocabulaire pour les désigner est
très riche : aïoun, sources situées au pied d'escarpements qui limitent des plateaux ; neba, suintements
entre des dunes ; ogla, trous d’eau atteints en grattant le sol ; sur notre cliché, une guelta (ou, en tamacheq,
langue des Touaregs, aguelman), mare de fond d'oued au voisinage d’El-Goléa.

La végétation raréfiée

    La végétation du désert est, dans ces conditions, extrêmement réduite. Au nord du Sahara, à proximité des montagnes de l’Atlas, la steppe à alfa et à armoise que l’on rencontre dans l’ouest algérien à peu de distance d’Oran quand on se dirige vers le Sud, couvre toujours le sol de manière discontinue. Mais ces plantes qui ont besoin de quelques pluies chaque année se raréfient vite et le sol, complètement dénudé, s’offre sans protection aux ardeurs du soleil. Toutefois, un certain nombre d’espèces végétales prennent le relai, par des adaptations ou des préadaptations étonnantes. Certaines plantes tirent profit avidement des pluies printanières, poussent, fleurissent et déposent leurs graines en quelques semaines ; elles forment alors un tapis végétal continu et fleuri, particulièrement dans les fonds d’oueds. D’autres plantes vivaces, munies de bulbes ou de racines profondes ct démesurément longues captent à moindre humidité et vivent au ralenti le reste du temps, protégées de l’évaporation par des épines et des feuilles vernissées ou velues. Il existe donc au Sahara une végétation désertique et des pâturages qui permettent aux chameaux de subsister, particulièrement l’acheb, le pâturage temporaire de printemps. Mais si la vie végétale n’est pas exclue du Sahara, elle est réduite à des positions de défense et absente sur des étendues aussi vastes que la France.
    Dans de telles conditions, la roche à nu est à la merci des changements de température. La succession quotidienne de phases de dilatation et de contraction de la roche, sensibles sur un double décimètre d’épaisseur, provoque la fissuration et l’éclatement de la partie exposée. Les granites ont tendance à se réduire en sable poudreux.
    Cette action du climat sur le relief du Sahara est sans doute ralentie par rapport à ce que l’on enregistre dans d’autres déserts, par suite de la faible quantité d’eau susceptible de geler et d’agir avec efficacité dans la formation du paysage saharien. Toutefois, les sites spectaculaires mis en place par une longue exposition aux intempéries ne manquent pas au Sahara. Ce sont les escarpements en surplomb, les rochers en forme de champignons corrodés à la base par les grains de sable projetés en mitraille par le vent, qui rendent parfois insupportable la marche à travers le désert. Le vent balaie les surfaces planes, enlève les débris fins qu’il accumule dans les secteurs où il perd sa vitesse ; il ne laisse que des graviers ou des éclats plus volumineux ; il dessine parfois des zébrures ou des stries entrecroisées sur les plateaux de grès.



Corniches abruptes des Tassili


DÉCHARNÉS comme des squelettes, les tassili sont de vastes plateaux de grès, découpés en une dentelle de vallées, témoins d'une époque où l’eau était encore abondante. La surface horizontale du tassili est tranchée en équerre par des corniches abruptes, portées par des assises de roches peu résistantes, dont les pentes plus douces sont drapées d’éboulis. Les oueds venus du Hoggar, qui s’insinuent dans la ceinture de plateaux périphériques, ne sont plus que les faibles héritiers de ceux qui ont percé autrefois de véritables trouées. Pendant de longs mois, ce ne sont que des traînées d’alluvions, jalonnées de loin en loin d’« aguelman », mares où vivent quelques poissons reliques.


Le désert de sable

    Mais les paysages les plus impressionnants du Sahara, dont on ne trouve l’équivalent dans aucun autre désert, ce sont les immenses massifs de dunes, les grands ergs qui couvrent le huitième de la superficie du Sahara. Le désert de sable est infiniment plus varié qu’on ne l’imagine d’après les photographies classiques où le voyageur à dos de chameau se détache sur l’arête fine d’une dune.
    La langue arabe comme le berbère sont d’ailleurs extrêmement riches en termes pour décrite les diverses formes modelées par le vent dans le sable.
    Celui-ci provient des vastes étendues gréseuses, où la roche se délite facilement, des arènes des roches cristallines, des alluvions des oueds qui sont déposées au fond de dépressions sans évacuation vers la mer. Souvent il se déplace en écheveaux ou en nappes au gré du vent. Ailleurs, un obstacle, roche ou arbuste, qui ralentit les filets d’air, provoque la chute et l’accumulation de grains de sable. Une dune de modestes dimensions, une nebka légèrement ondulée, entoure l’obstacle. Ces dunes isolées tracent de belles figures géométriques : elles s’élèvent en pente douce dans le sens du vent et sont tranchées vers l’avant par une pente très raide. L’intersection des deux versants forme une arête très vive et courbée comme une lame de sabre, sif en arabe.
    De belles dunes sont, au Sahara, beaucoup moins fréquentes que dans les déserts de l’Asie Centrale. Toutefois, certaines s’égrènent en chapelets longs de 10 km en Libye orientale et en Egypte, les draa.
    Les chaînes de dunes dessinent aussi des quadrillages, qui délimitent des creux, les gborrafa, ou suinte parfois une eau bienfaisante ; des pyramides se dressent à la réunion de plusieurs bras dunaires, les ghourd. Des couloirs nus, les gassi, ou sableux, les feidj, séparent les principaux quartiers. Enfin, le sable s’ordonne en massifs, particulièrement sur les faibles pentes bordant les grandes cuvettes qui accidentent la topographie du S0ahara.

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Les oasis du Souf gravent l’empreinte de l’homme aux confins du désert

    Dans le Souf, région du Sahara septentrional qui s’étend sur l'Erg oriental, d'habiles sédentaires ont établi une palmeraie selon une méthode très originale : au lieu de faire monter l'eau à la surface du sol, on a creusé des ghout ou houd, vastes entonnoirs qui permettent aux racines des palmiers, plantés au fond, d'atteindre la nappe souterraine. Ces entonnoirs sont protégés contre l’ensablement par des murailles circulaires. À gauche, on voit des jardins cultivés d’une manière intensive et desservis chacun par un puits permettant l'arrosage. Chaque petit canal d'irrigation trace une ligne de verdure active qui signale la partie vivante du jardin.

Les massifs de dunes

    Les grands massifs dunaires sont au nombre de cinq : le plus occidental s’étend entre l’erg Chech et la côte de Mauritanie méridionale ; les suivants sont le Grand erg occidental, entre Adrar et Ghardaïa, au nord du Tademaït, et le Grand erg oriental, entre le sud tunisien et le Hoggar; ce massif est entouré lui-même de dunes ; enfin, un dernier ensemble dunaire s’est fixé autour du Tibesti et se prolonge au nord-est vers le désert de Libye. Les ergs soudanais du Tibesti et du Hoggar méridional sont fixés par la végétation — ce sont les ergs aklé, mais les autres sont sans cesse repris par le vent et leur topographie est modif1ée parfois de fond en comble après les grandes tempêtes de sable.
    Rien n’arrête le vent au Sahara, car la plus grande partie du désert s’étend sur des plaines immenses, certaines plus vastes que la France entière, reliques de périodes géologiques extrêmement reculées. De Port-Etienne, sur la cote de Mauritanie, à l’oued Tamanrasset, sur plus de 2 000 km, le relief ne s’élève jamais au-dessus de 300 m. Ces plaines occupent souvent le fond de vastes cuvettes emplies de matériaux meubles que le vent déplace ou que les écoulements d’eau temporaires emportent en d’impressionnantes coulées boueuses, qui foncent en grondant, arrachent tout sur leur passage et s’épuisent toutes seules vers l’aval. Vers les bassins fermés convergent des éventails et des couronnes de lits d’oueds, dont les bourrelets de sable et de graviers sont remarquablement visibles d’avion. Au centre des bassins, un lac stagne, qui souvent s’évapore complètement au cours de l’été. Les sels remontent alors par capillarité et le fond du bassin est imprégné d’une croûte saline qui donne l’illusion d’un miroir : c’est le sebkha, qui se signale du reste quelquefois par des touffes de plantes adaptées aux régions salées (halophiles). Néanmoins, toutes les cuvettes ne sont pas salées. Les eaux infiltrées peuvent échapper à l’évaporation dans les roches ou un drainage souterrain s’organise. Tels sont les maaders où poussent de véritables prairies de plantes adaptées au désert.

Les cours d’eau temporaires

    Les cours d’eau temporaires qui n’atteignent jamais la mer sont ainsi très fréquents au Sahara et certains prennent même des proportions démesurées : el Djouf, en Mauritanie, au pied de la hamada el-Haricha, traverse le désert sur 1 000 km de long et 200 km de large : un bassin qui irait de la Flandre au Roussillon ! Sur ces longues distances, on ne rencontre que des obstacles mineurs : des vallées très amples complètement desséchées, ou parfois jalonnées de quelques mares, des collines en forme de bastion (les gara), d’aiguilles ou de statues, dont le socle disparaît parfois sous l’effet des mirages, et qui émergent du désert comme des îles sur la mer, dans le Tanezrouft oriental ou le Seguiet-el-Hamra.

Plaines de cailloux et plateaux ravinés

    Ces plaines de sable ou de graviers sont l’un des paysages les plus caractéristiques du Sahara, celui dont le nom est le plus répandu, le reg, en pays targui, le ténéré en Libye, et en Egypte, le serir : il revient et se répète sans cesse, dans des domaines topographiques pourtant différents : au pied des montagnes de l’Atlas, sur les pentes douces formées par les alluvions des oueds (Saoura, Guir, Zousfana), sur la partie centrale parfaitement plate des bassins intérieurs occupés par des sebkha (Touat, Tidikelt, plaine du Kiri, entre le Tchad et le Tibesti, plaine de Qattara, en Egypte), sur les plateaux du Fezzan, du Tibesti septentrional, de l’Egypte méridionale.
    Les plateaux ne sont pas toujours aussi monotones que le reg ou les hamada du Sahara septentrional, dont la surface repose sur une croûte calcaire unie qui recouvre les alluvions répandues par les oueds descendus de l’Atlas. La hamada est, dans le Mzab, découpée en une dentelle de ravins, la chebka. Les plateaux de grès, les tassili, qui ornent le massif du Hoggar, bien que très plans, sont coupés d’une infinité de ravins vertigineux, qui ont parfois détaché des buttes en forme de bastions, dont la base est stratifiée en marches d’escaliers, bien dégagée par le vent qui emporte les débris des roches peu résistantes. Les tassili sont limités par de hautes falaises, qui sont, à une autre échelle et dans un cadre beaucoup plus éclatant, des répliques gigantesques de la côte de l’Ile de France, dans la région du vignoble champenois, ou des côtes de Lorraine. Un escarpement rocheux de ce genre s’esquisse au Mzab, s’infléchit vers le sud-ouest sur 5oo km, rejoint le Tademaït, se dirige vers l’est, disparaît, se relève à Flatters, trace un large demi-cercle et ne se termine qu’au Tibesti. L’escarpement est couronné par une corniche verticale qui dresse un rempart infranchissable au-dessus de pentes drapées d’éboulis.

Des montagnes de plus de 3 000 m

    Les montagnes sont rares au Sahara, mais elles en forment le cœur. Elles sont d’ailleurs aux dimensions du désert : le Hoggar, dont les sommets culminants atteignent 3 000 m, est cinq fois plus étendu que le Massif Central français. Le Tibesti, plus à l’est, aux confins de la Libye et de l’A.E.F., est constitué par des chaînes plus longues que les Pyrénées.
    Les lignes de faîte de ces montagnes se découpent au loin en coupoles ou en crêtes de coq dans un ciel très pur. On y trouve des sommets très isolés en pain de sucre dans le granit, mais aussi des cônes ou des aiguilles volcaniques. En effet, les vieilles roches cristallines qui donnent son assise au continent africain ont été rigoureusement cisaillées par des failles jalonnées de cratères et de nappes de lave. À 3 415 m, le sommet du Tibesti, l’Emi Koussi, est un gigantesque volcan dont le cratère est l’un des plus vastes du monde.
    Le vent est ici un sculpteur raffiné ; certains sommets jaillissent, épurés de toute couverture, chaque détail de la roche finement dégagé. Les cratères sont magnifiquement dessinés, entourés de remparts aigus tranchants où les matériaux en apparence les plus légers semblent en équilibre.
    Parmi les sommets déchiquetés ou bossus, enserrant des plateaux, des vallées s’insinuent : la montagne a été attaquée par des torrents qui aujourd’hui n’existent plus ; les vallées profondément tranchées en coups d’épée, les gorges où l’on attendrait un cours d’eau sont à sec, ensevelies sous des amas de pierrailles, que l’eau ne déplace qu’une fois par an. Dans un invraisemblable désordre de roches de toute grosseur, on découvre, au tournant d’un couloir profond, une guelta, petite conque d’eau isolée.
    Dans ces massifs campés en plein centre du Sahara, la singularité des formes, le mystère attaché à chaque vallée pénétrant la montagne ont pu facilement donner naissance aux légendes les plus naïves et les plus curieuses, entretenues par des populations à l’imagination très vive, dont la civilisation se ressent fortement de la pression sévère du milieu naturel.

La population du Sahara

    Le Sahara est la région la moins peuplée du globe, mises à part les régions polaires. La partie française du désert est peuplée de 1 700 000 habitants pour 4 300 000 km².
    On peut estimer à 300 000 habitants la population du désert égyptien et environ au même chiffre celle du désert de Libye. Le Sahara, dans son ensemble, sur 7 000 000 de km², ferait vivre moins de 2 500 000 habitants, soit une densité moyenne inférieure à 1. Mais cette statistique déforme la réalité ; dans les oasis s’entassent jusqu’à 1 200 habitants au km², comme dans de nombreuses villes d’Europe, et au delà des fortifications de pisé de ces îlots de vie, le désert commence, souvent totalement vide, au plus peuplé de quelques tribus en déplacement, une poussière dans l’immensité du désert. L’isolement dans le Sahara est d’autant plus sensible que le peuplement est essentiellement périphérique. Les 4/5 des populations vivent dans les steppes marginales du Nord. Les régions réellement peuplées de l’intérieur du Sahara sont les montagnes, le Tibesti et le Hoggar qui ont fixé 20 000 habitants, et quelques groupes d’oasis, le Fezzan (40 000 habitants), le Touat et le Tidikelt.

La vie nomade

    La faiblesse des ressources assurées par le désert oblige une grande partie de ses habitants à mener un genre de vie nomade. Les troupeaux de chameaux ou de moutons sur les marges du désert épuisent rapidement la végétation très discontinue dont ils disposent, et, pour leur permettre de vivre, il faut sans cesse partir à la recherche d’un autre pâturage. De même, on ne s’éloigne pas trop des puits ou des gueltas, où les moutons reviennent boire un jour sur deux et les chameaux tous les trois ou quatre jours. Il faut enfin, à intervalles réguliers, mener les chameaux vers des pâturages d’herbes salées, pour les maintenir en bon état. Les éleveurs de bétail, au cours d’une année favorable, sèment du blé, de l’orge ou du mil et reviennent moissonner plus tard. Ils se déplacent aussi vers les oasis pour toucher les redevances que la tradition leur accorde en échange de leur protection armée. Ils achètent dans les ksour du grain et des dattes. Enfin, certains d’entre eux participent encore à de grandes caravanes commerciales à travers le désert, malgré le déclin accéléré de ce genre de transport.

Une tribu nomade patriarcale : les Regueibats

    Ces peuples nomades sont des arabes, ou, si leur origine est différente, ont été profondément arabisés. Ils parlent arabe et ont adopté la grande tente rectangulaire, formée par une série de flidj, bandes de laine noires cousues ensemble, et divisée en deux compartiments, l’un destiné aux hommes et l’autre réservé aux femmes. La vie de tribu ne se maintient plus guère au Sahara, telle qu’on la rencontre encore dans la péninsule arabique. Toutefois, une tribu berbère arabisée conserve encore les coutumes ancestrales. Ce sont les Regueibats du nord-ouest du Sahara. Ils groupent 50 000 personnes qui vivent presque exclusivement de leurs troupeaux, et particulièrement du lait de chamelle utilisé sous diverses formes.
    Chez les Regueibats, le campement patriarcal est la cellule de base de l’organisation sociale. Un groupement plus large, le djere, maintient un lien entre gens de même origine, qui conservent le souvenir de l’ancêtre commun et respecté. Ce groupe était initialement un campement patriarcal qui s’est morcelé à la suite de son accroissement progressif par les naissances. Les fractions de tribus associant plusieurs de ces groupes n’ont plus qu’une notion très confuse de l’origine commune, mais sont étroitement associées par des intérêts économiques et politiques. Cette association est matérialisée dans le désert par la marque des troupeaux, qui est la même pour toute une fraction de tribu. Le chef de la grande famille, véritable patriarche, commande l’ensemble de la tribu, fédération des différentes fractions. À l’intérieur d’une vaste confédération, dont le rôle est très réduit, sauf dans des circonstances politiques exceptionnelles, les tribus sont hiérarchisées par des liens de type féodal. Un bon nombre de tribus vassales sont soumise à d’autres dont les titres historiques ou religieux sont respectés, tribus nobles ou tribus de saints personnages, les marabouts.

Les Maures

    Malgré la large diffusion des coutumes et de la langue arabes, un certain nombre de peuples nomades sahariens conservent farouchement une originalité plus marquée encore que celle des Regueibats : les Maures, les plus métissés d’Arabes, les Touaregs et les Toubous.
    Les 40 000 Maures, malgré leur extrême diversité d’origine, éthiopienne, berbère, arabe et noire à la fois, sont néanmoins remarquablement unis, surtout par leur foi islamique très vive. Ils ne se cantonnent pas en Mauritanie, proprement dite, mais occupent les territoires autrefois tributaires de l’empire almoravide lorsqu’au XVe siècle le sultan du Maroc vainquit l’empire noir des Songhaïs : les Maures nomadisent depuis le Maroc méridional jusqu’au Tchad. Ce sont des éleveurs et des guerriers très fiers de rappeler qu’ils font partie d’un peuple de vainqueurs et non de captifs, notion d’une importance primordiale dans la hiérarchie sociale sévère du Sahara. Parmi les Maures, il existe toutefo1s des tribus vaincues de berbères installées sur place avant la conquête de la fin du Moyen Age ; elles se considèrent aussi comme Maures, mais doivent l’impôt de sujétion aux tribus guerrières des Hassan et aux tribus à ascendance berbère qui détiennent le pouvoir religieux. Les Haratin, noirs soumis, qui comptent pour le tiers de la population, mènent souvent une vie sédentaire autour des points d’eau, ou sont forgerons, métier méprisé au Sahara comme dans certaines parties de l’Afrique Noire.

Les Touaregs

    Les Touaregs (au singulier targui), forment le peuple le plus nombreux (900 000) et figurent parmi les peuples les plus anciennement installés au Sahara. Ce sont des berbères très blancs de peau. Les deux tiers d’entre eux, vivant à l’extrême Sud du désert, sont aujourd’hui métissés à la suite d’unions avec les noirs soudanais. Élancés, bien découplés, dotés d’une musculature très fine, les Touaregs parlent une vieille langue autochtone, le tamacheq, mais abandonnent peu à peu leur écr1ture originale, le tifinagh. Contrairement aux autres nomades qui vivent sous la tente de laine, le targui monte une tente en peau tannée enduite d’argile, l’éhen. Les esclaves sont encore nombreux ; les uns sont des esclaves domestiques qui gardent les troupeaux, entretiennent les puits et l’habitation ; au fond humecté d’eau des quelques vallées, les autres cultivent le mil pour les nomades.
    Les Touaregs se déplacent beaucoup moins que les Maures ; leurs troupeaux trouvent une nourriture suffisante dans les vallées du Hoggar ou dans les steppes méridionales du désert, à la limite du Soudan.

Les Toubous

    En dernier lieu, les Toubous forment un groupe peu nombreux d’autochtones sahariens irréductibles. Ils sont 100 000 environ, mais il n’en reste plus que quelque 10 000 dans le Tibesti, leur montagne refuge. Leur habitat était autrefois beaucoup plus vaste, car ils descendent vraisemblablement des anciens Garamantes, qui occupaient le Sahara dans l’Antiquité et étaient fort redoutés des Egyptiens et des Romains. Mais ils ont dû se replier devant la poussée arabe, vers les montagnes des régions les plus inaccessibles.
    Ces hommes de couleur brun clair aux traits très fins semblables à ceux des Ethiopiens, sont renommés à travers tout le Sahara pour leur endurance, leur souplesse et leur indomptable esprit de résistance. Ils parcourent sans fatigue des distances énormes à dos de chameau ou à pied, alors que le soleil est au zénith. Éleveurs de chameaux et de chèvres dans le Tibesti, ils sont constamment en déplacement, pour surveiller les jardins qu’ils font cultiver dans les fonds de vallée par les esclaves noirs, les Kamaya, et pour percevoir, une fois par an, le tribut qu’on leur doit dans les oasis du Borkou, entre le Tchad et le Tibesti. Leur société, très fermée, s’est convertie à l’Islam au siècle dernier seulement, sous l’influence des Senoussis du désert de Libye. Mais ils conservent leur langue propre, le teda et leur organisation sociale, fondée sur une très grande indépendance de la famille patriarcale.


Ce jeune noir d’origine haoussa est l’un des nombreux Haratins du Sahara.
Il travaille dans une palmeraie et cultive un jardin appartenant à un nomade targui.
Il est le descendant d'un esclave acheté dans le Sud. Il n’est pas rare, surtout
dans le Sud, de rencontrer des Touaregs fortement métissés de Haoussas.


Cet enfant aux traits fins est un Arabe du nord du Sahara, descendant des envahisseurs
qui submergèrent les Berbères d’Afrique du Nord à partir du VIIe siècle. Les tribus arabes
mirent ensuite longtemps à s’infiltrer au Sahara. Dans certaines régions,
leur installation définitive date seulement du début du siècle présent


Ce forgeron toubou appartient à un groupe humain qui constitue encore une énigme
pour les savants. Il est toutefois vraisemblable que ces hommes au nez aquilin,
au menton court et au teint bronzé sont un rameau des peuples éthiopiens qui
occupaient autrefois une très grande partie des régions arides de l’Afrique


Les femmes toubous aiment les parures, auxquelles elles accordent souvent une valeur symbolique.
Colliers et bracelets, selon leur forme ou leur nature, assurent la fécondité ou préservent des maladies.
Ces pendentifs en forme de croix à volutes sont l’œuvre de forgerons-bijoutiers qui les gravent au burin

 

La captation des eaux souterraines

    La plus grande partie des ressources alimentaires du Sahara est assurée par les eaux souterraines, eaux juvéniles d’origine géologique, eaux fossiles héritées d’une période plus humide, eaux d’infiltration provenant de la périphérie du désert, des massifs montagneux qui le bordent et entre autres de l’Atlas. Ces eaux sont captées par des procédés très ingénieux. Les puits à bascule ou à « délou », les puits artésiens sont classiques et connus des habitants de tous les déserts, mais les « foggaras » sahariennes témoignent d’une technique originale déjà très perfectionnée.
    Les foggaras sont des galeries souterraines qui captent l’eau de sous-écoulement dans les alluvions des oueds, et la canalisent parfois sur plusieurs dizaines de kilomètres. Elles sont jalonnées par des puits qui permettent de s’introduire dans la galerie pour l’entretenir.
    La chaleur du désert devient extrêmement propice à la végétation et aux cultures lorsque l’approvisionnement en eau, régulier et abondant, est assuré. Ainsi naissent les oasis, représentation terrestre du paradis pour les nomades : l’eau bruisse doucement le long des canaux d’irrigation, au milieu des jardins, sous les couverts des palmiers-dattiers. Par des techniques très simples, mais au prix d’un labeur acharné, les habitants des oasis utilisent de manière très intensive les minuscules espaces disponibles. Ils réussissent ainsi à cultiver tout ce qui est indispensable à leur existence.

Palmeraies et cultures diverses

    L’essentiel des besoins alimentaires est assuré par les 15 millions de palmiers-dattiers cultivés dans l’ensemble des oasis du Sahara. La première récolte des dattes est l’occasion de festins gargantuesques. Une partie de la récolte des dattes sèches est conservée sous forme de farine, et les dattes molles sont comprimées dans les couffins en peau de bouc où elles se transforment en une pâte fort appréciée des nomades. Entre les palmiers, ou en anneau autour de l’oasis, les fellahs sèment le grain en octobre ou novembre, blé et orge surtout au nord du désert, mil et maïs sur les marges soudaniennes du Sahara. Le gros mil (sorgho) est avantageux parce qu’il pousse vite : il peut être mûr en six semaines. Le maïs est apprécié pour sa rusticité : on le sème et on ne s’en occupe plus jusqu’à la récolte, qui a lieu entre mars et juillet selon les lieux. Le rendement, faible par rapport à ce que l’on obtient dans les bonnes exploitations européennes, est satisfaisant pour l’Afrique : il est, entre autres, très supérieur à celui des exploitations indigènes du Tell algérien. La terre produit parfois deux récoltes par an, mais souvent il faut choisir entre la céréale d’été ou la céréale d’hiver, ou laisser la moitié ou les deux tiers du sol en jachère. En plus des céréales, des arbres fruitiers, figuiers, abricotiers, grenadiers, occupent le sol sous les palmiers.
    Au pied de tous ces arbres poussent des fèves, des pois, des lentilles, un mélange très varié de légumes, parmi lesquels les pastèques, les melons, les courges, les aubergines rampent à fleur de sol. Les seules cultures qui ne sont pas destinées à l’alimentation sont le cotonnier, le tabac et le henné, dont toutes les femmes du désert se servent pour leurs soins de beauté.
    Ces cultures multiples occupent une population très dense, qui vit entassée dans des villages fortifiés, les ksour, où les habitations de boue séchée, serrées derrière les murailles de l’agglomération, ne sont guère desservies que par des ruelles étroites et sombres.


La dune sableuse menace la palmeraie


CERTAINES palmeraies proches du Grand Erg oriental sont menacées dans leur existence par la sournoise progression des sables. On connait des oasis ensevelies au Moyen Age, dont il ne subsiste qu’une arrière-garde d’arbres souffreteux qui ne fructifient plus. Mais le mouvement des dunes ne prouve nullement une détérioration nouvelle des conditions naturelles et n’a guère modifié la physionomie du Sahara depuis la formation des grands ergs après l’apparition des premiers signes d’aridité.


Les deux genres de vie du Sahara : la tente et l’oasis


Les femmes préparent le mil devant la tente

LES Ksour, villages de paysans sédentaires du Sahara tracent des figures géométriques irrégulières à l’intérieur ou en marge des palmeraies. Ce sont des agglomérations tassées, desservies par des ruelles étroites, bordées de murs aveugles : la vie familiale se déroule strictement à l'abri des regards indiscrets. Ce cloisonnement en cellules de ruche contraste avec la légèreté de la tente du nomade, facilement démontable, ouverte au soleil, où le maître de la tribu médite accroupi sur le tapis tissé avec la laine de ses propres moutons.


Les toits à coupoles d’El Oued



Si l’eau manquait à ses palmiers, Kouinine disparaîtrait


    L’oasis de Kouinine, dans le Souf, aligne ses murs ponctués de coupoles au pied des dunes du Grand Erg oriental, à proximité d’une piste de l'annexe d'EI Oued. Ses habitants ont planté pied par pied les palmiers que l’on voit au premier plan, à droite, et dans les dépressions des dunes à l’arrière-plan. Ces arbres, très résistants à la chaleur, mais exigeants en eau, profitent du lent écoulement souterrain d'une nappe peu profonde, mais aussi peu abondante, où leurs racines trouvent l'humidité sans laquelle ils périraient : la vie de Kouinine est suspendue aux oscillations du niveau de l'eau, qui dépend sans doute des pluies tombées sur le Sud tunisien.


Ghardaïa bastion du Mzab


GHARDAïA, capitale du Mzab, épouse les pentes d’une pyramide rocheuse dressée au milieu d’une vallée où l’eau ne coule en moyenne que tous les 13 ans. L’eau est parcimonieusement fournie par des puits profonds. Musulmans appartenant à une secte persécutée, les Mozabites sont réfugiés dans cette région désolée du Sahara pour conserver leur indépendance et leur religion. Hommes d’affaires très habiles, ils sont les maitres du commerce avec les nomades dans le Sahara du Nord. L’animation qui règne sur le marché de Ghardaïa témoigne de l’activité des échanges.

 

Timimoun, oasis rouge, étape pittoresque sur la piste d’Alger à Gao


La rue principale de la capitale du Gourara


Une palmeraie proche de Timimoun

TlMlMOUM est un maillon de la longue chaîne de palmeraies qui s’enfonce dans le Sahara de Figuig à ln-Salah. C’est la plus belle oasis du Gourara, secteur le plus riche en eau et le plus peuplé de cette rue de palmiers. Les sources jalonnent le contact entre les terrains primaires et le crétacé. L’eau est captée par des galeries creusées sous terre, les foggaras, et est répartie suivant un système compliqué et équitable entre les propriétaires qui cultivent aussi l’orge, le blé et les légumes. Timimoun et le désert qui l’entoure sont des plus pittoresques avec des contrastes de couleurs remarquables. Les constructions réalisées par l’Administration sont dans le style soudanais.



La métallurgie au Sahara oriental

    La recherche du minerai de fer et la fabrication du métal sont réservées au Sahara à des forgerons qui sont relégués au bas de l'échelle sociale et pratiquent leur métier de père en fils. Le fer provient de latérites fossiles dont on concasse la couche supérieure. Le minerai est fondu dans des bas-fourneaux, comme ceux dont on usait dans l’Europe du Moyen Age et que l'on trouve encore dans l'Inde.

Les principales oasis

    Les principales oasis se localisent au nord du Sahara, où les nappes souterraines sont plus abondantes et moins profondes :
    – au sud du Maroc, des oasis jalonnent la vallée du Draa jusqu’à son coude vers l’ouest, et les oueds du Tafilelt. Elles sont mal entretenues et en partie ruinées par suite des dissensions entre Berbères et Arabes ;
    – de Figuig à In-Salah, une véritable rue de palmier suit le cours de la Saoura et rejoint les oasis du Gourara, du Touat et du Tidikelt ;
    – beaucoup plus à l’Est, les oasis du Mzab sont l’œuvre d’une secte musulmane qui s’est installée en pleine hamada pour vivre en sécurité dans l’isolement. Les Mozabites ont dû creuser plus de 3 000 puits de 30 a 70 m de profondeur pour obtenir l’eau, dont le débit est pourtant à peine suffisant pour assurer l’irrigation des jardins ;
    – aux confins du Sud tunisien, dans la cuvette du Grand Erg oriental, on a creusé de nombreux puits qui alimentent les oasis de l’oued Rhir, du Nefzaoua, et, dans le Souf, des entonnoirs où les racines des palmiers, cultivés au fond, plongent dans la nappe aquifère et pompent l’eau directement ;
– en Tripolitaine et en Cyrénaïque, où la nappe phréatique est à faible profondeur à proximité de la mer.
    Les principales oasis de l’intérieur sont celles du Fezzan : de loin en loin, sur 700 km, des sources et des puits jalonnent des dépressions au pied des escarpements limitant les plateaux nus des hamada.

Le relèvement indispensable du niveau de vie

    Les oasis, malgré leur aspect riant, né du contraste avec le désert, sont souvent très pauvres. Le relèvement du niveau de vie des populations autochtones apparaît comme l’un des problèmes les plus urgents posés par le Sahara, car la ration alimentaire des habitants est souvent extrêmement insuff1sante : à Djanet, selon R. Capot-Rey, les sédentaires peuvent consommer 600 g de dattes par jour et 230 g de grain ou de pois chiches.
    C’est pourtant une situation relativement satisfaisante pour le Sahara : un nomade du Hoggar ne dispose en moyenne que de 145 kg de grain par an et d’un revenu de 1 200 f. Or la situation s’aggrave d’année en année par suite de l’augmentation régulière de la population du Sahara depuis que la pénétration française a apporté la sécurité, et surtout une surveillance médicale et un soutien en cas de famine. La population des départements des Oasis et de la Saoura qui s’élevait à 430 000 habitants en 1906, atteignait 820 000 habitants en 1954. Les effets heureux de la présence française ont déclenché une évolution qui, selon un cours classique, porte en elle-même de nouvelles difficultés.


Un désert de lave volcanique : le Hoggar


Les caravaniers font une pose au pied de l’Atakor


Un des maîtres du désert : le Targui

LE Hoggar occupe le cœur du Sahara. C’est un vieux massif montagneux, plus ancien que le Massif Central et vaste comme la moitié de la France. Pour l’atteindre, il faut supporter la traversée d’une longue série de plateaux gréseux très arides, les tassili, dont les bords dressent de véritables remparts au-dessus des vallées desséchées qui les découpent. Le centre du Hoggar est accidenté de reliefs volcaniques aux formes étranges, comme les aiguilles de pierres sonores ou phonolithes de l'Atakor, les murailles de châteaux forts de l 'Akar-Akar, le dôme de l’Oul ou le cratère de l’Imadouzène. Les quelque 10 000 habitants que l’on y trouve vivent de leurs troupeaux, chameaux ou chèvres qui trouvent leur nourriture dans les vallées, en constant déplacement. Ces gens du désert ont un mode de vie qui ne semble pas avoir évolué sensiblement depuis des millénaires.

Les Touaregs résistent au climat le plus inhumain


Un groupe de Touaregs nomades à travers la steppe méridionale


Une tempête de sable oblige hommes et bêtes à s’abriter

LES tempêtes de sable sont fréquentes au Sahara, particulièrement au début du printemps. Le sable obscurcit l’atmosphère, se glisse sous la tente, pénètre dans la bouche et les yeux, efface les pistes pendant un laps de temps suffisant pour dévier les caravanes de leur route. Il arrive que les chameliers terrifiés perdent la raison et s’enfuient à travers l’immensité désertique au cours de la tourmente. Les femmes des Touaregs, vêtues de voiles noirs, ont une situation très supérieure à celle de la femme arabe; très libre dans sa jeunesse, elle est consultée sur le choix de son époux. Celui-ci la prend comme seule femme et lui laisse une certaine autorité dans la gestion des affaires de la famille. Elle est autorisée à recevoir elle-même les hôtes étrangers au lieu de demeurer confinée dans une vie retirée. Des femmes Touaregs sont parfois elles-mêmes propriétaires de palmeraies et en touchent les redevances.

Tamanrasset : seigneurs et paysans


Des Haratins, descendants d’esclaves noirs

TAMANRASSET, l’ancien lieu de retraite du Père de Foucauld, est rapidement devenu le principal centre du Hoggar. Mais ce n’est pourtant qu’une minuscule bourgade à l’échelle européenne : l’annexe du Hoggar, aussi étendue que soixante départements français (350 000 km²) ne compte que 10 000 habitants. Sur ces étendues immenses, les cultures n'occupent que 460 ha. Les Touaregs (à droite) peuplent la région depuis des temps immémoriaux. Ce sont des nomades qui vivent de l'élevage du mouton et du chameau. Mais ces seigneurs du désert disposent aussi de l’aide de métayers noirs, descendants d'esclaves, les Haratins (à gauche), qui cultivent pour les nomades quelques palmeraies, des jardins et des champs de fonds d'oueds. Les Haratins ne conservent pour eux que le cinquième d’une récolte minime.


L’élevage est une des principales ressources des seigneurs du Hoggar

Georges GRELOU



Source :

n° 43 - Hors série - Juin 1958