ESCADRON DE TRANSPORT 2/64 « MAINE »
L’ACCIDENT DU BREGUET 761S 101 F-RAPA
SUR LA BASE AÉRIENNE DE REGGAN

 

– L’ACCIDENT –
C’était dans les derniers jours de juillet 1961. En soirée, arrivant d’Alger, le Breguet 761s numéro 01 immatriculé F-RAPA et appartenant à l’Escadron de Transport 2/64 « Maine » basé au Bourget, se prépare à se poser sur le plateau de Reggan.
À cette époque de l’année cette partie du Sahara est sous l’influence du front intertropical (1) et durant la journée la météo a été assez maussade. La température est encore voisine de 40°C. Un vent de sable souffle du sud à 25 nœuds avec des rafales de 30 à 35 nœuds. (2)
La piste en service est la 25 (3) et l’avion a reçu de la tour l’autorisation de se poser. En finale il s’aligne donc, train et volets sortis, avec un cap décalé de quelques degrés à gauche de l’axe afin de compenser la dérive due à un vent soufflant à environ 70 degrés par le travers avant.
Des conditions d’atterrissage délicates car, de par leur profil de grosse daurade, des « Deux Ponts » sont sensibles au vent de travers. De plus l’air chaud est peu porteur et la piste réputée pour être un peu étroite.
L’approche finale semble lente aux gens qui, des yeux, le suivent depuis la tour de contrôle. Mais peut-être est-ce seulement un effet dû à l’éloignement de l’entrée de piste ou à un moment de fort vent debout, ce qui diminue la vitesse sol.
L’avion a maintenant touché la piste et roule. Les observateurs le voient alors se déporter sur sa gauche puis quitter la piste et s’immobiliser.
Le pilote a-t-il trop épaulé le vent de travers ou réaligné l’avion trop tard. A-t-il été surpris par une brusque chute du vent ? Nous n’avons pas son rapport sur l’accident.
Les secours se hâtent vers l’avion mais il n’y a pas de blessés. Il y a eu plus de peur que de mal pour les passagers qui sont évacués vers l’escale.

– LES DÉGATS –
En se déportant, les roues du demi-train gauche de l’appareil sont venues passer sur une balise.
Alignées de chaque coté de la piste, ces balises sont constituées d’une pyramide en tôle surmontée d’une lampe et ancrées dans le sable par un massif en béton. Écrasées et raidies, les tôles ont tranché net l’un des pneus du diabolo.
L’avion embarque alors sur sa gauche et hors de la piste. L’amortisseur du demi-train gauche se rompt. L’avion s’affaisse aussitôt et s’immobilise dans le sable, laissant derrière lui le diabolo de roues.
L’hélice du moteur extérieur gauche a touché le sol, le plan central a subi des dommages au niveau du caisson de train. Ni l’aile ni le fuselage n’ont touché le sol.
Étant donné son état, son poids et la nature du sol, il est hors de question de remorquer l’avion vers un parking. Aussi sera-t-il temporairement laissé dans la nature. Par sécurité il est écarté de la piste, fermé et les moteurs bâchés pour les protéger du sable. Dès le lendemain matin la piste est en service.
Dans les jours qui suivront, une « jambe de fer » sera fabriquée. Elle est destinée à recevoir la partie supérieure de la jambe de train et à remplacer temporairement l’amortisseur brisé. Cela fait, l’avion est soulevé, la jambe de fer mise en place posée sur un plateau de madriers. L’aile gauche sera soutenue par un vérin tripode et un étançon vers le bout d’aile. Les cadres du ventre reposent sur des berceaux ainsi qu’un empilage de madriers. L’avion est alors pratiquement revenu à l’horizontale.

Une commission d’enquête viendra constater son état. Les dégâts sont importants et le plan central est à remplacer, un travail qui ne peut être fait que sur place. L’avion en lui-même ne présentant plus un intérêt suffisant, il est réformé illico.
Toutefois un maximum d’organes seront récupérés et sauvegardés afin de servir de rechanges pour les deux Br761 restants en service, le 102 F-RAPB et le 103 F-RAPD.

– LE DÉMEMBREMENT –
Une équipe de mécaniciens du « Maine » et du GERMAS est dépêchée du Bourget sur la base de Reggan début septembre à cet effet.
L’avion est alors trouvé à peu près tel qu’on le voit photographié par Robert Nauze, mais déjà remis d’aplomb.
Hormis les caisses à outils classiques l’équipe, dont je faisais partie, ne dispose, pour la dépose des gros éléments, que d’une poignée de tubes obtenus sur place afin d’élever un échafaudage et de quelques cordes d’arrimages prises dans le cargo de l’avion.
Les pièces récupérées seront soigneusement répertoriées et étiquetées. Une partie rejoindra Dugny où elle s’entassera dans un petit hangar du parking. Le reste, quant à lui, s’ensablera à Reggan dans une petite baraque en tôle, juste près du hangar militaire de l’escale. Quelques tubulures trouveront un réemploi sur place pour dépanner le C-47 en détachement de l’ELA 57 et feront le bonheur de son mécanicien.

L’équipe de récupération, arrivée le 5 septembre avec le Br765 503 repartira 14 du mois suivant avec un Nord 2501. D’autres récupérations auront lieu ultérieurement – notamment celle des moteurs – lesquelles recevront des emplois divers.
Quant à la carcasse de l’avion, elle restera pendant encore un temps abandonnée sur place vers l’extrémité est du terrain jusqu’à ce qu’elle soit ramenée à proximité de l’aéroport.
En 2010, la partie avant de l’avion avec son plan central est encore nettement reconnaissable sur une vue de la base de Reggan prise par un satellite. Elle se trouve légèrement au sud du bout est de l’ex parking militaire français.

– REMERCIEMENTS –
– Pour les informations apportées lors des recherches :
à MM Alain BROCHARD, Jean BELLEC et Robert JASSEY.

– Aux auteurs des photos :
à MM Robert NAUZE et Christian GÉRAULT

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(1) Phénomène météorologique engendré par la rencontre des deux alizés. Ce front se déplace entre les deux tropiques en suivant les saisons. Son effet se fait sentir assez haut dans le Sahara en début du mois d’août.
(2) Vent soufflant aux environs de 45 kilomètres/heure, rafales entre 55 et 65 Km/h.
(3) Cap de la piste affiché en dizaine de degrés à son entrée. La piste unique de Reggan est axée dans le sens NE / SO au cap 250 et donc 70 en sens inverse.



Le F-RAPA hors de la piste



La dépose des gouvernes



L’avion reposant sur un vérin et sa « jambe de fer »



Ce qui reste du F-RAPA en mai 1963 après son démembrement



Google Earth – Parking de Reggan – vue prise par un satellite
Le F-RAPA vu du ciel
26° 42' 18.28" N - 0° 17' 09.63" E


Roland DIDIER
18 mars 2010