Dunlop au désert
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Le Livre d'or de l'Exposition coloniale internationale de Paris 1931
Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


Dunlop au désert – Retour de chasse moderne


   
Depuis quelques années, les traversées du désert en automobile se multiplient. Et ce n'est pas une des moindres singularités de notre époque que de voir cités fréquemment comme des sites bien connus, sinon comme des buts d'excursion, les noms prestigieux de Tombouctou et de Gao. Nous apprendrons bientôt qu'il y aura une circulation à sens unique à Tombouctou la Mystérieuse.... Sans préjuger de la réalisation hypothétique du chemin de fer transsaharien, l'on peut dire que l'usage raisonné de l'automobile tend à résoudre d'une façon pratique le problème de la traversée du désert.
Les premiers essais furent faits en partant de l'idée qu'un système spécial et approprié de moyens de propulsion était indispensable pour permettre à l'auto de circuler sur les pistes sahariennes. Mais ni les tracteurs agricoles à Caterpillars du système Baby Holt, que leur formidable consommation d'essence fit rapidement abandonner, ni les chenilles souples des Citroën-Kégresse (qui pourtant parvinrent les premiers à Tombouctou avec l'expédition Audoin-Dubreuil), ne donnèrent une solution commerciale de la question. L’utilisation du pneu allait permettre de progresser rapidement. L'expédition Renault, dont les voitures étaient équipées avec six roues jumelées, équipées en pneus de gros diamètre à basse pression, atteignit le Niger en 119 heures de route, se jouant des dunes, des ergs et des regs.
On ne tarda pas à s'apercevoir que les possibilités du pneu à basse pression sont bien supérieures à ce que l'on avait espéré, et qu'il n'est pas nécessaire de recourir à des équipements anormaux pour aborder les pistes. Celles-ci sont d'ailleurs améliorées en certains points de leur parcours. Quelques trous sont remblayés, quelques seuils adoucis, quelques bosses trop menaçantes nivelées, mais il ne s'agit là bien entendu, que de points isolés. Dans son ensemble, la piste reste ce qu'elle est. Il n'est pas question de la macadamiser ni de la cimenter.
Après la voiture à chenilles qui a ouvert la voie, et la voiture à multiples roues jumelées qui établit la transition, le jour de la voiture normale est arrivé.
Et les raids succèdent aux raids.


Débarquement des voitures à Alger

Pendant l'hiver 1928-29, le prince Sixte de Bourbon-Parme emmène d'Alger au Tchad son équipe tricolore des trois Delahaye 11 CV, camionnettes de séries analogues à celles qui effectuent quotidiennement des livraisons dans Paris. Les pneus étaient seulement de gros diamètre : 910 x 212. Mille deux cents kilomètres sont ainsi parcourus sans incidents.


Raid Dunlop Delahaye Transsaharien

À la même époque, le lieutenant Loiseau effectue un raid analogue, mais dans un tout autre esprit. Il ne cherche pas à reconnaitre comme le prince Sixte une grande voie commerciale, mais à établir la possibilité de vitesse sur une piste en partie connue. Il part donc à la tête d'une équipe de cinq 10 CV Bugatti, auxquelles le seul reproche qu'il adresse est d’être trop lourdement chargées : 800 kilogrammes par voiture.
Malgré cet excès de poids, l'oiseau s'envole vers Cao, roulant parfois à 110 à l'heure, traverse le Niger, pousse jusqu'à Ouagadougou, capitale de la Haute Volta, et revient ayant parcouru 10 500 kilomètres sans le moindre accroc que la rupture de tuyaux d'essence due aux effroyables cahots subis par ces voitures.
La mission Peugeot-Proust, pendant l'hiver 1929-30, accomplit un périple qui fait pendant à celui du prince Sixte, ayant pour objectif non plus le Tchad, mais l'Atlantique. La particularité de ce raid est d'être effectué par une équipe très disparate, quatre voitures de série, mais de séries différentes : une 18 CV, une 12 CV commerciale, une 12 CV de tourisme et une 6 CV 201. Même succès : beaucoup d'anecdotes, mais pas d'histoire. Et les pneus ne font pas parler d'eux. Et, quoique disparate, l'équipe reste étroitement groupée de bout en bout.
Nous n'avons mentionné là que les expéditions les plus typiques. La place nous manque malheureusement pour les décrire toutes. Citons seulement la promenade soudanaise et équatoriale des camions gazogènes Panhard et Levassor, le raid du lieutenant Estienne, etc....
Aujourd'hui, le trafic saharien est entré dans l'ère des réalisations commerciales, des compagnies puissantes se sont créées, qui exploitent des lignes régulières à l'aide de véhicules appropriés dont certains sont fort luxueux.
Le succès, somme toute, est venu le jour où les voitures ont pu chausser les pneus appropriés. Ces pneus doivent être à gros volume d'air et à basse pression pour présenter à la fois une grande souplesse et une large surface d'appui. Ils doivent être à tringles pour résister victorieusement aux réactions d'accrochement latéral, fréquentes sur des sols ni sablonneux ni rocailleux où une glissade transversale s'arrête souvent sans douceur sur un obstacle résistant. Ils doivent être constitués d'une gomme de premier ordre résistant aux alternatives de brûlure et de gel ainsi qu'à l'action destructrice du sable. Nous avons demandé à Dunlop (auquel s'adressent tous les constructeurs qui organisent des expéditions sahariennes, même s'ils ne sont pas clients habituels de cette marque, et aussi tous les exploitants de services automobiles africains) de bien vouloir nous révéler le secret du pneu saharien. Dunlop nous a répondu qu'il n'y avait pas de pneu saharien mais que les bons pneus, fait de bonne gomme et de bon coton étaient également aptes à tous les services.
Rien d'étonnant, dans ces conditions à ce que l'on soit maintenant habitué à réunir dans une même pensée celle des difficultés vaincues de la traversée du désert, et celle de l'utilisation des pneus Dunlop.