LES POIDS LOURDS AU SAHARA

WILLÈME

Les légendes et articles sont de Jean François COLOMBET
Rédacteur en chef de « Charge Utile Magazine »

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           Orienté de façon historique vers les gros porteurs dont il se fait l’un des spécialistes en France, Willème est logiquement le fournisseur des premiers camions lourds appelés à évoluer en zone saharienne, d’abord pour effectuer des transports classiques, puis pour servir dans le cadre de la recherche puis de l’exploitation pétrolières naissantes. En cela, Willème est bien servi par un concessionnaire très dynamique dans le sud algérien. Si les premiers véhicules envoyés en Algérie ne sont que les modèles lourds de la gamme métropolitaine, des châssis spécifiques ne tardent pas à être développés. Willème est ainsi le premier constructeur à créer une cabine spécialement adaptée aux conditions d’utilisation du sud algérien. Dès 1954, cette dernière équipe en effet le RC 615 DP, un 6 x 4 auquel succéderont ensuite les futurs fers de lance du constructeur, en l’occurrence les LD 4 x 2 de 19 tonnes et RD 615 DP de 26 tonnes de poids total en charge. Peu à peu, Willème se constitue une véritable gamme qui trouve son couronnement en 1957 avec la présentation des W8 SA et W8 SAT, gros 6 x 6 conçus pour l’exploitation pétrolière et qui répondent aux nouveaux impératifs du moment en termes de charge utile et d’aptitude à la circulation hors pistes.

 

Peu courant en Métropole, où les versions 6 x 2 sont de loin les plus nombreuses, ce R 115 TP 6 comporte deux ponts arrière moteurs. Immatriculé en 1950 dans l’ancien système qui perdurera en Algérie jusqu’à la mi-1951, ce camion équipé en tracteur appartient à la société Relizane. Équipé de roues disque à jante amovible, il véhicule des tubes destinés à la recherche pétrolière.

 

Directement dérivé du précédent, le RC 615 DP est lui aussi un 6 x 4. Il peut bénéficier sur demande de la nouvelle cabine Sahara type ZA, apparue courant 1954. Spécialement étudiée pour endurer les écarts climatiques importants qui caractérisent la zone saharienne, cette cellule est pourvue d’un pavillon isolé et d’une visière pare-soleil intégrée. De conception spartiate, la robustesse et l’aspect pratique ayant visiblement primé sur l’esthétique, elle est composée d’éléments en tôle d’acier emboutie de forme simple, ce qui doit faciliter la réparabilité en cas de choc. Heureusement, car les cabines Sahara équipant les différents modèles Willème ne brilleront jamais par leur standardisation, bien qu’elles semblent quasiment identiques les unes aux autres. Ce RC 615 DP n’a jamais existé. Il résulte de la greffe par le dessinateur d’une cabine Sahara sur un « nez de requin » classique.

 

Immatriculé en août 1951, ce R 115 TP 6 est vraisemblablement un des premiers véhicules français en Algérie à avoir été doté d’un équipement spécifiquement destiné à la recherche pétrolière. Comme ses successeurs, l’engin est doté d’un filtre à air Supertubix positionné devant l’aile avant droite. Directement dérivé du modèle routier, ce 6 x 4 n’est peut-être pas le véhicule idéal pour évoluer dans le sable. Immatriculé dans l’algérois, il est ici en fâcheuse posture à Ouargla.
(Cliché Fondation de l’automobile Marius Berliet)

 

Comme le montrent nombre de dépliants Willème de l’époque, le Sahara constitue un des débouchés majeurs de la marque.

 

Réceptionné en juin 1955 en Métropole, le LD 4 x 2 T se fait rapidement une place au soleil (c’est le cas de le dire) sur le marché des transports lourds sur pistes en Algérie. Ce modèle, qui diffère du modèle routier LD 610 T par son châssis renforcé, sa suspension de type « décontrainte » brevetée par Willème et sa cabine Sahara, est donné pour 19 tonnes de poids total en charge et 35 tonnes de poids total roulant, mais le véhicule accepte sans sourciller des surcharges raisonnables. Immatriculé dans l’Algérois en décembre 1956, ce LD 4 x 2 T est attelé à une classique semi-remorque à un essieu, sous le plateau de laquelle sont fixés des réservoirs d’eau potable.

 

Ce LD 4 x 2 T attelé à une semi-remorque fardier est lui immatriculé dans les Territoires du sud algérien.

 

L’installation d’importantes bases de vie dans les zones pétrolifères du sud impose un ravitaillement régulier en denrées alimentaires. Le plus souvent importées de France, ces dernières sont acheminées par la route puis par la piste jusqu’à destination. Ce LD 4 x 2 T des transports Cassagnes & Cie, de Ghardaïa, est attelé à une semi-remorque frigorifique. Typiquement saharien, le véhicule est muni d’un filtre à air Supertubix, d’un pavillon isolé avec visière pare-soleil et, chose rare sur ce type de cellule, d’une cabine couchette.

 


Une fois sur place, le ravitaillement des bases est stocké dans des conteneurs réfrigérés spéciaux, tel celui-ci, un Isofrigo transporté sur une semi-remorque pétrolière Titan tractée par un LD 4 x 2 T.

 

S’il est normalement doté de pneumatiques 1200 x 20, le LD 4 x 2 T peut aussi recevoir sans difficulté des pneus 1400 x 20, qui augmentent ses capacités de franchissement mais le classent hors code en largeur. Le moteur qui équipe ce modèle est un six cylindres WilIème 518 T 6 de 13,540 litres et 190 chevaux.
(Cliché Fondation de l’automobile Marius Berliet)

 

Comme les Berliet, les WilIème ont la vie dure. Ce LD 4 x 2 T photographié en avril 1967 dans un parc du Génie à Colomb-Béchar procède au chargement d’une niveleuse.
(Cliché Maurice Bethoux)

 

Avant la sortie de son modèle W 6 D, Willème conçoit un châssis spécifiquement destiné à la recherche pétrolière. Baptisé K 215 RP en porteur et K 215 TRP en tracteur, ce camion est doté d’une cabine hybride intégrant la cellule et des éléments du R 115 et des éléments de pare-chocs des « nez de requin ». Les roues sont de type artillerie. Assez spectaculaire, l’engin est monté sur pneus 1400 x 24. Celui-ci a été équipé d’un plateau oil field body.
(Cliché collection Jean-Jacques Ehrlacher)

 

Ce K 215 TRP retouché illustre la deuxième version de ce châssis, qui adopte logiquement la nouvelle cabine Willème Sahara dès son apparition.

 


Le Willème W 6 D est le pendant du modèle LD en 6 x 4. Comme ce dernier, il est dérivé d’un modèle routier, à savoir le RD 615 DP, et bénéficie d’une construction renforcée le rendant apte à résister aux usages sévères. Muni d’origine de roues de 24 pouces, le W 6 D présente une bonne garde au sol. Celui-ci a reçu un treuil dont le bâti forme porte roue de secours, et une chèvre ici en position repliée. Le véhicule attend sa livraison au carrossier dans la cour de l’usine de Nanterre.

 

Le W 6 D est disponible dans une variante à châssis extra long idéale pour recevoir une installation, de type oil field body. C’est ce type de carrosserie qu’a reçu ce véhicule aux couleurs de la Serept (Société d’études et de recherches pétrolières tunisienne).

 

Afin d’accroître la mobilité de leur W 6 D, les établissements Willème l’équipent de pneumatiques de dimensions supérieures, des 1800 x 24. Ceci donne naissance au W 6 Dh, que l’on retrouvera par ailleurs dans des carrières en Métropole, et au tracteur de semi-remorque W 6 DhT. En raison de leur silhouette 6 x 4 et de la puissance trop faible de leur moteur, les W 6 Dh et W 6 DhT ne connaîtront pas le succès. Prêt à être expédié en Algérie, cet exemplaire de W 6 DhT est curieusement doté d’une monte en pneumatiques hétérogène faisant appel à des pneus de type chantier à l’avant et à des pneus sable à l’arrière. Malgré son apparence, le véhicule est un 6 x 4.
(Cliché collection Philippe Leroy)

 

Malgré l’angle de cette prise de vue, on reconnaît facilement un W 6 DhT du fait de l’absence de cuvette de pont à l’avant, mais surtout du fait de la position des phares avant, situés de part et d’autre du capot, alors que le W 8 SA est muni de phares logés dans le pare-chocs.
(Cliché Fondation de l’automobile Marius Berliet)

 

Le W 6 DhT est aisément reconnaissable par rapport au W 8 SAT 6 x 6 d’une part par les moyeux de son essieu avant, d’autre part par la longueur de son capot, qui n’abrite que le six cylindres 518 T 6 de 190 chevaux.


Les couches sédimentaires forment généralement un angle avec l’horizontale. Certaines couches, situées à des profondeurs très importantes dans les régions côtières, sont donc parfois affleurantes à quelques centaines de kilomètres de là. Lorsqu’il existe de fortes présomptions qu’elles recèlent du pétrole, il est donc beaucoup plus simple et surtout moins coûteux d’effectuer des forages dans les zones d’affleurement. Cependant, revers de la médaille, ces dernières sont le plus souvent situées au beau milieu des sables, donc loin de toute voie de communication. Il faut donc pouvoir disposer de véhicules capables d’emporter des charges importantes d’équipement jusque sur les lieux de forage. C’est pour satisfaire cette demande que Berliet présente son GBO 15 P 6 x 6 et son T 100, et que Willème sort un châssis à trois essieux toutes roues motrices, le W 8 SA 6 x 6. Ce dernier est un véhicule dérivé des W 6 et W 8 mais muni d’un pont avant pour accroître sa motricité en terrain varié. Du fait de la puissance requise, le moteur qui l’anime est le 518 T 8 à huit cylindres en ligne. Ce groupe impressionnant de 18 litres de cylindrée développe 250 chevaux. Les porteurs W 8 SA sont le plus souvent carrossés en plateau normal ou, comme sur ce cliché, de type oil field body avec treuil derrière la cabine.

 

Ce W 8 SA 6 x 6 équipé d’un simple plateau à ridelles est le prototype envoyé par Willème en Algérie pour être testé en utilisation réelle dans le sud.

 

Le même véhicule, immatriculé 13 TT 91 (transit temporaire) apparaît ici en cours d’essais dans l’erg, avec des techniciens de Nanterre.
(Cliché collection Fondation de l’automobile Marius Berliet)

 

Le premier Willème W 8 SA est ici photographié sur l’aérodrome d’Edjeleh, à proximité d’un Breguet Deux ponts.
(Cliché collection Gervais Lumet)

 

La production du W 8 SA 6 x 6 reste très limitée. Le tracteur dérivé, qui est désigné W8 SAT 6 x 6 connaît un succès plus important, avec plus de 50 unités produites. Monté sur pneumatiques Michelin 2100 x 24 X, le W 8 SAT autorise une charge utile de 30 à 50 tonnes suivant le profil du terrain. C’est le prototype de l’engin que l’on voit ici, entouré des cadres de chez Willème.
(Cliché Fondation de l’automobile Marius Berliet)

 

Photographié sur un terrain de Nanterre évoquant les immensités désertiques qui constitueront bientôt son théâtre d’opérations, ce W 8 SAT expose ses attributs. Cette vue en contre-plongée révèle l’ouverture en quatre parties du capot, les deux filtres à air Supertubix, le réservoir d’eau situé à proximité directe du réservoir de combustible, ainsi que la hauteur appréciable du bâti de sellette, indispensable pour garantir un bon débattement des essieux par rapport au plateau de la semi-remorque. Si le W 8 SAT possède des qualités indéniables, le modèle souffrira à l’usage de problèmes mécaniques, et notamment de bris de vilebrequins. Il faut avouer que ce dernier est long comme un jour sans pain sur les huit cylindres en ligne maison.
(Cliché collection Philippe Leroy)

 

Le W 8 SAT 6 x 6 est systématiquement muni d’un équipement pétrolier avec treuil derrière cabine. Certains sont livrés avec une chèvre qui est démontée lorsque les véhicules sont attelés à une semi-remorque.

 

Cet ensemble appartenant au Grep (Groupement pour la recherche et l’exploitation pétrolières), un groupement issu de l’association des sociétés Entrepose et SPIE (Société parisienne pour l’industrie électrique), est tracté par l’un des W 8 SAT de l’entreprise.


Ce véhicule est encore le premier W 8 SA à avoir posé les roues au Sahara. Transformé en tracteur de semi-remorque par dépose du plateau, il est ici photographié au cours d’une campagne d’essais en utilisation réelle menée par l’usine.
(Clichés collection Fondation de l’automobile Manus Berliet)

 

Ces huit tracteurs W 8 SAT 6 x 6 appartenant à la SCM (Société commerciale et minière pour l’Afrique du Nord) font partie des 24 exemplaires commandés par un consortium d’entreprises pour transporter les 750 km de tubes du pipe-line In Amenas – La Skhirra, qui doit amener au golfe de Gabes le pétrole brut d’Edjeleh. Ce consortium regroupe les sociétés Eau & Assainissement, Entreprise moderne de canalisations, Grands travaux de Marseille et SCM.
(Cliché collection Philippe Leroy)

 

Ce sont ici les 24 exemplaires au grand complet qui sont exposés au cours d’une réception, avant de rejoindre les sables de l’Afrique du nord.

 

Source :

Avec l’aimable autorisation de
Jean-François COLOMBET – Rédacteur en chef
et de la Société HISTOIRE & COLLECTIONS
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