1924 : La ligne impériale
Alger — Reggan — Bidon V — Gao

par Gaston GRADIS


Les Annales Coloniales n° 49 de novembre 1955
Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

 

    Il était évident, dès 1923, que le Sahara, à travers lequel, alors, on cherchait une voie, devait, après une période transitoire, devenir un trait d’union entre nos possessions nord-africaines et celles d’A.O.F.
    En douze ans, le Sahara s’est transformé avec une rapidité extraordinaire. Des explorations d’abord, puis des exploitations régulières en ont fait rapidement la voie d’accès rationnelle de l’Afrique Tropicale et Équatoriale. Le Tanezrouft vaincu, la route par Bidon V devenait désormais le Grand Axe Impérial Français.
    L’Automobile d’abord, puis l’avion, ont permis la réalisation de liaisons rapides entre la Métropole et nos colonies ; les usagers n’hésitent plus à passer par la voie du Sahara.
    Nous devons ce progrès immense à l’industrie privée et plus particulièrement aux pionniers du désert ; quoi qu’il m’en coûte, je dois, à leur tête, placer la Compagnie Générale Transsaharienne, que je fondai en 1923, dans le but de reconnaître, équiper et exploiter une voie automobile et aérienne.
    Après avoir reconnu, de 1924 à 1926, et adopté en 1927, le tracé le plus direct d’Algérie en A. O. F. (Béchar—Reggan—Bidon V—Gao), évitant les zones de sable mou, la Compagnie Générale Transsaharienne amplifie son action.
    Ses travaux d’infrastructure se complètent successivement d’installations indispensables :
    — C’est d’abord à Reggan, la construction d’un bordj, comprenant hôtel, atelier, garage, poste de T. S. F., dépôt de ravitaillements.
    — C’est en plein Tanezrouft, au point dit « Bidon V », maintenant universellement connu, l’aménagement de réserves d’eau, d’huile et l’établissement d’une citerne à essence.
    — C’est à Gao, un peu plus tard, la construction d’un hôtel, avec salles de bains, électricité, machine à glace, et d’un atelier de réparations moderne.
    — À Colomb-Béchar, enfin, c’est la création d’un centre important, doté de moyens perfectionnés pour assurer la remise en état du matériel, qui poursuit sans arrêt ses randonnées.
    Chaque année, l’infrastructure se développe ; le service automobile s’étend, dès 1932, jusqu’à Fort-Lamy.
    Enfin, la voie aérienne peut être ouverte.
    Après quelques voyages d’expérience, la Compagnie Générale Transsaharienne établit, au début de 1934, un service régulier transsaharien bimensuel par avion. La régularité des Caudron-Renault « Phalène » est parfaite. La poste est transportée à simple titre de démonstration.
    En novembre 1934, le service qui aboutissait à Niamey, est prolongé jusqu’à Cotonou. Cette liaison Niamey-Cotonou et retour, bimensuelle au début, est rendue hebdomadaire dès mars 1935, constituant un affluent ouvert à la ligne impériale.
    L’itinéraire, tout au long de la traversée, est balisé (travail considérable effectué en 1932, grâce au ministère de l’Air). Le désert traversé, constitue, sur sa plus grande partie, un terrain d’atterrissage toujours praticable, rendant la sécurité très grande, encore accrue par les voitures de la Compagnie Générale Transsaharienne qui sillonnent la piste, et par les postes de T. S. F. de ses bases.
    Il convient de noter que la Compagnie Générale Transsaharienne n’a reçu, pour la création de ses services aériens, et ne reçoit aucune subvention de l’État.
    Quand je me reporte en arrière, je mesure, avec une joie profonde, l’immensité des progrès accomplis ; j’admire la ténacité, l’énergie de ceux qui ont contribué à triompher du désert, mais, hélas ! je salue aussi la mémoire de ceux — trop nombreux — qui ont trouvé la mort au cours de ces douze années de dur labeur, dans cette dangereuse pénétration.