Aimé MOLLION
appelé
du contingent 66 1/A
CCS
– Radio
Médaille
de la Défense nationale échelon bronze
avec agrafes « défense » et « essais nucléaires
»
CIT 152 à Laon le 5 janvier 1966
3ème GT du 18 juillet 1966 au 23 mars 1967
Les photos et légendes sont de Aimé MOLLION
Quel coup sur la tête le jour ou le FB (fonctionnaire brigadier) nous a révélé notre destination, pendant nos classes au CIT 152 de Laon, le 3ème GT.
– « C’est où çà ? »
– « Au Sahara… »
Je ne sais plus combien de temps après cette « bonne nouvelle » nous avons envisagé une forme de contestation (les copains de la 3ème compagnie, 5ème peloton s’en souviendront peut-être mieux que moi) nous avons répondu présent à l’appel du soir au garde à vous, au pied du lit, en tenue de nuit avec le casque lourd sur la tête.
Résultat : tout le monde en tenue de combat, sac à dos et fusil sur l’épaule… le Laonnois by night… d’où on aperçoit à des kilomètres à la ronde le quartier Foch où il y a la piaule... le lit…Petites appréciations sur les classes, il fait très froid en ce début janvier 1966, tout est gelé. Le margis (maréchal des logis) qui encadre notre peloton nous conseilla, pour la toilette d’utiliser de l’eau de Cologne en substitution à l’eau qui refusait obstinément de couler des robinets.
Pour mieux apprécier les conditions climatiques de ce même mois de janvier où il avait neigé abondamment, « tout le monde en tenue de sport ». C’est parti pour un cross dans les bois de Semilly (short, maillot de corps, dit «marcel», socquettes et espadrilles). Durant le parcours, « tout le monde à plat ventre », et cela côte à côte (je rappelle qu’il y a de la neige). Le premier de la rangée se relève et, comme pour traverser une rivière où les pierres sont à fleur d’eau, il court sur les fessiers des copains allongés et se recouche une fois sur « l’autre berge »… Authentique ! et là tu vérifies bien qu’il n’y a pas un caillou, une motte de terre, invisibles sous la neige et qui seraient malencontreusement placés en dessous du haut de tes cuisses…
De retour à la caserne, sous la douche tu essaies d’apprécier le mince filet d’eau tiède qui semble goutter… Les copains de la 1/A peuvent témoigner.
Donc SAHARA.
Comme beaucoup d’autres je tente de reculer l’échéance. C’est bon pour le peloton et, comme j’avais bien réussi le test morse à la présélection de Cambrai, dans la foulée, ce sera la compagnie technique pour le stage radio.
Juillet 1966 arrive… faut y passer… train spécial Laon – Paris, Vincennes et la grande bataille de polochon, puis le Bourget, 2 Noratlas nous attendent, escale à Bou-Sfer, près d’Oran pour le plein, puis des centaines de kilomètres de sable en dessous de nos pieds.
Après les trous d’air qui nous font descendre de 30 mètres d’un coup, des sacs qui ne se remplissent plus car il n’y a plus rien à vomir (j’y ai échappé) c’est l’atterrissage à Reggan Plateau. Lorsque les moteurs se sont arrêtés après 12 heures de vol, j’ai été surpris d’entendre la voix d’un des membres de l’équipage, je croyais être sourd, j’étais à coté d’un moteur.
Dans le camion qui nous emmené à Reggan Ville, on avait l’impression d’avoir le visage au dessus d’une cuisinière dont on aurait enlevé le couvercle tellement l’air était chaud et irrespirable.
Retrouvailles avec les copains de la classe. En attendant qu’un lit se libère aux transmissions, je serai dans une piaule de la CCS avec les cuistots.
Derrière ce pimpant Brigadier, à gauche le foyer, à droite l’entrée de la station fixe de radio de Reggan. |
Là j’ai failli me bigorner avec le gars qui couchait au-dessus de moi.
Sur l’armoire qui jouxtait notre lit à étage, il avait disposé des boîtes en alu, vides de bouffes mais remplies d’animaux qu’il capturait (scorpions, tarentules), qu’il promenait le soir sur son lit et qui étaient maintenus par la queue (pour les scorpions) avec du fil à coudre.
Le pourquoi on en est venus aux mains c’est que seul un morceau de grillage lesté d’un cailloux obstruait l’orifice. Imaginez un mauvais geste durant le sommeil et tu te retrouves avec, dans ton lit, des invités que tu n’attendait pas… il les à viré vitesse grand V.
Quand j’ai posé la question à un copain de la zone sur les gars qu’on croisait et qui étaient partiellement peints en bleu, il m’a dit : « tu verras, tu vas vite comprendre ». À l’extinction des feux j’ai effectivement pigé : j’ai senti un monde inconnu qui me grouillait dessus… des punaises… « Et surtout évite de te gratter… » La semaine suivante c’était l’opération punaises.
Ses 20 ans, comme tout le monde ici, on les fête au Sahara. Ce soir là, à l’heure où, en principe, on organise un pot entre copains à la base, moi c’était à l’entrée des gorges d’Arak près du Bordj de la Légion, même pas une « Kro » (on n’a pas toujours l’argent au moment où il faut).
Arrivé à In Amguel, un copain me paie un coup au foyer. Là un « vieux » légionnaire s’adresse à moi fortement. N’ayant pas compris je le fait répéter. Je refuse d’obtempérer à sa requête. Il renouvelle son ordre, je refuse à nouveau. On vient me chuchoter quelques conseils à l’oreille… je m’incline. Il m’invite à sa table, commande une caisse de bière, la suite… je ne sais plus.
Ce qu’il m’avait demandé préalablement c’était d’enlever mes galons. Ici pas de gradés, tous au même niveau…
Autre mission sur In Amguel, toujours au poste de la Légion, au bivouac, à l’entrée des gorges d’Arak. En tant que bip-bip (radio) je montais le dernier tour de garde et préparais le café. Le copain que je relève me dit « le gars qui ronfle dans le sable là bas c’est le bi-chef Dubois, les légionnaires l’ont ramené sur un brancard et basculé là ». Connaissant l’animal il était allé au poste de Légion et avait du les provoquer, mais il n’était pas de taille avec eux à la bibine. Lorsque je l’ai réveillé un coup d’œil à suffit. Je lui ai conseillé de consulter un rétroviseur.
Les légionnaires lui avait rasé la tête et laissé un toupet au sommet du crâne. Il a du terminer le travail lui-même…
J’ai effectué 3 missions Béchar, 3 missions In Amguel puis la grande mission sur Agadès au Niger, aller et retour car je suis remonté par la piste en tant que radio du convoi de servitude, et pour finir la sortie à Ouallen.
Ouallen, c’est un fortin abandonné, entouré de barbelés et miné dans son pourtour.
Il a été construit par l’armée pour contrôler les allées et venues des caravanes, des nomades.
Je crois que nous étions là, dans le cadre d’une sortie organisée pour les hauts gradés et leurs épouses venues pour Noël. Il fallait donc un radio… ce fût moi.
Le fait le plus marquant de cette journée, pour moi, fut d’avoir à notre table de bivouac un voyageur qui traversait seul le désert avec son méhari. Il venait de très loin et se rendait au Mali. Il avait enlevé ses chaussures et n’à accepté, pour tout repas, que les friandises qu’on trouve dans les boites de ration (confiture, nougat etc.…).
Pendant les essais nucléaires que la France a réalisé dans cette région, ce fortin a été doté d’appareils destinés à relever les retombées radioactives. C’est très rassurant quand on vous apprend cela…Pour la mission du Niger, aux dunes du Laouni, point incontournable entre Tamanrasset et le poste frontière algéro-nigérien d’In Guezzam… la galère.
À ce point de l’itinéraire, nous avons parcouru quatre kilomètres dans la journée. Ce jour-là, pas de gradés, pas de radios, pas de galons ni de barrettes à respecter, TOUT LE MONDE EN BAS avec les pelles et les plaques à sable, sous un cagnard d’enfer. Les ensablements se succédaient à un rythme fou, j’ai cru qu’on ne sortirait jamais de cet endroit.
Une anecdote sur une des missions sur Béchar :
Nous approchions du village de Sba, au dessus d’Adrar. Le chauffeur est pris d’un besoin urgent à satisfaire. Le margis chef, un moustachu, refuse d’arrêter le convoi « pas de temps à perdre ».
N’en pouvant plus, le copain me demande de prendre sa place au volant, tout en roulant, décidé à se soulager du marchepied.
En tant que radio, dans un GLR, j’étais assis, derrière le chauffeur, perpendiculairement à la marche. Je me desharnache et enjambe le siège. Voyant ces manœuvres scabreuses, voire dangereuses, l’homme aux baccantes stoppa le convoi.
Le copain, après avoir sauté, a tout juste eu le temps de sortir l’appareil de son habitacle.
J’allais descendre de la cabine, bien décidé, moi aussi, à irriguer ce coin de désert quand on vit accourir vers le camion, les bras en l’air, un habitant du village.
Il s’adresse au chauffeur qui manifestement s’en moque et continue de vider sa vessie.
Le chef s’adresse à moi, je suis à genou sur le siège chauffeur, le moteur tourne toujours : « qu’est-ce qu’il dit » ?
Je n’ose pas transmettre ce que je crois avoir entendu…
– « Alors, qu’est-ce qu’il veut » ?
– « Je crois… qu’il demande…si on a vu… passer MIMOUN »
– « VOUS VOUS FOUTEZ DE MA GUEULE » ?
Je vous assure que c’est authentique, on se croirait dans un des films de la 7ème Compagnie !.
Je descends du camion, demande à l’individu de répéter puis j’informe le chef.
En fait nous étions à l’embranchement de la piste et il nous demandait si nous passions par TIMIMOUN… Quel quiproquo !
Le gradé l’a envoyé paître de façon désolante.
Au redémarrage, il y eut un véritable caillassage. Les vitres des camions sont vraiment très solides.
Musique :
Dans ce coin perdu du désert, on a vite fait le tour du site et très rapidement on sait qui fait quoi, on est vite informé sur qui est venu, par exemple, avec un instrument de musique…
Un harmoniciste, deux guitaristes, un chanteur, toutes les conditions sont réunies, propices à la création d’un groupe musical, son nom « LES SCORPIONS ».
Le soir, quand on n’était pas sur la piste, en mission, on se réunissait et on s’entraînait sur des succès de l’époque. C’est un excellent remède contre les baisses de moral dans ce camp disciplinaire.
Il n’en faudra pas plus pour être sollicité pour le spectacle de Noël 1966.
Là encore, zéro photo, alors croyez-moi, lorsque je suis tombé sur le site Internet 3ème GT Reggan, j’étais sidéré. Survolant le site, à la classe 66 1/C, j’ai vu le nom de mon copain Jean-Claude BALSÉGUR, guitariste lui aussi du groupe, j’ai cliqué et là… 41 ans après je me suis vu dans la rubrique LES COPAINS, puis sur scène en train de chauffer la salle avec lui puis avec les SCORPIONS… Quelle émotion !
Et puis, chose importante, lorsque le Noratlas a survolé Reggan, avion annonciateur de notre retour chez nous en France, je n’ai pas tout ramené. Deux sacs de paquetage plus le perso, j’ai dû confier ma guitare à un copain de Chauny dans l’Aisne, près de chez moi…
Je l’ai aperçue sur une autre photo. Si quelqu’un peut me dire ce quelle est devenue… D’avance, merci.
Dernière formalité :
Avant de vous lâcher pour la vie civile il y a une étape obligatoire : la visite du libérable.
Dans les épreuves il y en a une où je suis vraiment nul, le tir.
Lorsque le commandant des sites du Sahara, le lieutenant-colonel TRUDGET, au regard de mon résultat , m’a demandé qui était mon officier de tir, je lui ai répondu : « J’en sais rien ». Il faut dire que j’étais souvent hors de la base que je fuyais un maximum. Il m’est arrivé de revenir d’une mission de Béchar et aussitôt de repartir pour In Amguel, ayant transféré mon poste sur l’autre bahut radio avec l’accord de mon adjudant PICAVERT (surnommé «Pickwick»). Je n’étais pratiquement jamais présent lors des exercices.
Quelle mauvaise réponse que celle que je venais de faire. Le lieutenant qui était sensé être mon officier de tir accompagnait le « Jury ».
Une fois le colon éloigné vers un autre peloton il s’est adressé à moi. Les dents serrées et ne parlant pas trop fort pour qu’on ne puisse pas l’entendre.
– « MOLLION vous êtes un imbécile »
– « Oui mon lieutenant »
– « Vous aurez de mes nouvelles »
– « Bien mon lieutenant »
Je n’ai jamais entendu parler de cette affaire.
Je suis heureux de consulter tous les sites des copains car, je le répète encore, je n’ai que quelques photos. Ceci me permet de revoir les endroits où nous sommes pratiquement tous, ou presque, passés (les gorges d’Arak, le tombeau de Moulay Hassan, la montagne blanche, théâtre des 13 essais nucléaires souterrains français (montagne qui, selon les informations, a diminué du tiers de sa hauteur). C’est effrayant et fait froid dans le dos quand on songe au nombre de fois où nous sommes passés à proximité, 8 fois en ce qui me concerne, le cimetière Touareg avec lesquels nous discutions à chacun de nos passages lorsqu’ils étaient présents etc.…
Tous
ces écrits et les photos sont extraits de mes mémoires intitulées
:
« UN PEU COMME N’IMPORTE »
Aimé MOLLION
Décembre 2007
Retrouvailles
Les
« Scorpions » à Reggan Noël 1966 |
Les
«News corpions» à Septmonts le 29 mai 2008 |
Jean-Claude
BALSÉGUR et Aimé MOLLION
le 29 mai 2008 à Septmonts (Aisne) |