Cols bleus
: hebdomadaire de la Marine française n° 770 du 12 novembre 1960
Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France
MARINE Sahara !... Cette exclamation fera certainement sourire nos loups de mer, c’est cependant une réalité et l’on peut apercevoir des pompons rouges à Reggan, bien qu’en fait le traditionnel bonnet ait fait place au chapeau de brousse beaucoup mieux adapté aux conditions climatiques.
Nos marins sont transformés en méharistes ! bien sûr il y a les vaisseaux du dessert ! En fait, seul l’insigne du 621e Groupe des Armes Spéciales, auquel est intégré le détachement marine, rappelle les vieilles traditions sahariennes : la croix du Sud, au milieu de laquelle se détache un champignon.UNE OASIS CÉLÈBRE
Reggan, dernière oasis située à la limite du plateau du Tademaït et du Tanezrouft « pays de la soif et de la peur », comme nous l’ont enseigné nos manuels de géographie, se trouve à 1 500 km, dans le Sud d’Oran et à 490 km dans le Nord de Bidon V, sur la piste impériale n° 2 reliant Colomb-Béchar à Gao.
Ce lieu pratiquement inconnu du commun des mortels il y a quelques années, a connu une soudaine célébrité à la suite des dernières expériences nucléaires françaises.
Le Centre Saharien d’Expérimentations Militaires comprend deux bases : la première, la plus importante, servant de support logistique se trouve sur un plateau à une dizaine de kilomètres de Reggan, est appelée « base vie », l’autre, situé à plus de 40 kilomètres dans le Sud, dénommée « Hamoudia », est en fait le point avancé vers le champ de tir : zone dans laquelle s’effectuent les expériences.
Il y a trente mois, il n’y avait absolument rien hormis le sable et les cailloux. Aujourd’hui se dresse une véritable ville, avec des bâtiments à étages, un hôpital, un foyer, un cinéma, des routes, un aérodrome, tous ces bâtiments conçus selon la dernière technique, avec climatisation, eau courante, égouts.
Ce travail gigantesque, dans un pays aussi aride, a été en partie réalisé par le génie militaire. La France peut s’enorgueillir car cette réalisation dans le plus grand désert du monde a été une réussite totale.QU’Y FONT-ILS ?
Que peuvent bien faire nos marins dans cette base ?... Le détachement marin affecté au C.S.E.M. comprend deux officiers des équipages, douze officiers mariniers et une cinquantaine de quartiers-maîtres des spécialités de mécanicien et d’électricien. Ce détachement est divisé en deux sections d’importance à peu près égale.
L’une qui se trouve à Hamoudia, est particulièrement chargée de la conduite et de l’entretien de la centrale électrique, de la production et de la distribution de l’énergie produite, de l’exploitation de l’eau et enfin de la climatisation des différents bâtiments.
La Centrale Électrique est relativement étant donné la puissance électrique demandée par les différentes installations disséminées sur le champ de tir et la base avancée. Il ne suffit pas de faire exploser une bombe, mais encore faut-il en tirer leçons, c’est à dire vérifier, contrôler, enregistrer les différents effets de façon à en connaître les résultats.
Cette section s’occupe en outre d’un certain nombre de groupes électrogènes mobiles.
L’autre section, se trouve à la base vie et, est particulièrement chargée, de la climatisation, des installations « froid », de la production et de la distribution de l’eau. Quand on pense que plusieurs milliers de moteurs électriques d’une puissance variant de 20 CV à 1/4 CV sont actuellement en service, on se rendra compte du travail demandé, pour garder ce matériel en état de bon fonctionnement, dans un climat aussi hostile.
L’eau, problème vital au Sahara, est exploitée à partir de forages dont la profondeur varie de 150 à 170 mètres, de plus cette eau d’une teneur saline assez élevée (magnésium), crée des problèmes d’entretien importants. L’eau de boisson est produite à partir de l’eau des forages, en subissant un traitement par électrodialyse.
Le détachement marine s’acquitte de sa tâche avec une compétence et le dévouement propres à notre corps et vit en parfaite harmonie avec les autres armes. Le personnel malgré des conditions particulières et difficiles, en dépit du climat hostile, remplit sa mission à la satisfaction de tous.