Gilbert HEIM

appelé du contingent 57 / 4
Armée de l'Air - Génie de l'Air

janvier 1958 – mars 1960

 

 

Les commentaires, photos et légendes sont de Gilbert HEIM

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    Mon incorporation remonte au 1/11/1957 à la base aérienne Caen-Carpiquet.
    Après deux mois d’instruction, six d’entre nous furent mutés en Algérie dès les premiers jours de janvier 1958, à la Base Aérienne de Hussein-Dey située à la sortie d’Alger, sur la route moutonnière.
    Là on nous informa que trois d’entre nous seraient détachés de l’Armée et mis à la disposition du Service de l’Infrastructure Aérienne de l’Algérie (SIAAL), l’équivalent des Ponts et Chaussées pour les infrastructures routières.
    Je fus l’un des trois tirés au sort.
    L’Administration nous proposa trois postes à pourvoir : aéroport d’Alger-Maison-Blanche, aéroport d’Oran et un chantier dans le sud : Reggan.
    Je n’eus aucune difficulté à obtenir ce dernier poste.

 


    OBJET DES TRAVAUX :
    Le SIAAL a été chargé de la construction de toute l’infrastructure de la base aérienne de Reggan. Ces travaux comprenaient la piste principale avec taxiway et parking, la piste secondaire courte, non revêtue, l’aérogare avec sa tour de contrôle ainsi que quelques ouvrages annexes.
    La base de Reggan se trouve sur un plateau qui domine l’oasis, à l’Est, à une dizaine de Km.
    Les travaux de terrassement des pistes et de revêtement de la piste principale furent exécutés par deux entreprises métropolitaines déjà installées en Algérie.
    L’aérogare fut réalisée pour la partie charpente par une entreprise algérienne, pour les panneaux de bardage et pour la partie électrique par des entreprises métropolitaines.
    L’ensemble devait être achevé pour le dernier trimestre 1959 (la piste proprement dite pour fin 1958, début 1959).
    Ces délais furent respectés.
    Le chantier ne présentait pas de difficultés techniques, les seuls problèmes étant ceux liés au climat et aux conditions de travail propres aux régions sahariennes : chaleur en été, poussières, vents de sable, éloignement (problèmes d’approvisionnement, liaisons avec la direction à Alger).
    Le revêtement de la piste par de l’enrobé chaud (environ 140°C) s’est révélé particulièrement pénible pendant la saison chaude.

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    SAHARA ET SAHARA :
    Le Sahara est synonyme de désert. Mais le désert peut prendre des aspects très différents : le désert relativement plat et empierré, le « reg », le désert de dunes de sable, l’« erg », le désert de sable et de grands rochers, le désert de montagnes volcaniques (Hoggar).
    Les quelques photos (900 à 907 et 910 à 919) dont une partie prises d’avion, en donnent une illustration.

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    ARRIVÉE ET DÉCOUVERTE DE REGGAN :
    À l’époque, début 1958, le nom de Reggan était encore inconnu. Une petite oasis, la dernière à l’entrée du Tanezrouft, sans aucune infrastructure digne de ce nom.
    J’ai pris mes fonctions aux bureaux de la section travaux du SIAAL situés juste à côté de la base d’Hussein-Dey, ce qui présentait pour moi le grand avantage de pouvoir profiter du mess pour le repas de midi.
    Après une petite dizaine de jours pour prendre connaissance du dossier, je fus envoyé à Reggan.
    Et voilà ce que j’ai trouvé (photo 104) : isolée dans la nature, une baraque préfabriquée à peu près achevée : celle affectée au logement du personnel. Une deuxième prévue pour les cuisine, réfectoire, sanitaires et atelier d’entretien, et dont seule la charpente était montée. Une troisième était prévue pour les bureaux et le logement de l’ingénieur chef de chantier (mon patron direct). Il est certain que nous n’étions pas gênés par les voisins.
    Près de nous (quand même quelques centaines de mètre !) au NW le bordj du Mer-Niger entouré de quelques tentes de militaires (photo 106), et à l’Ouest l’oasis de Reggan (photo 105).

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    Notre premier soucis fut d’achever au plus vite notre base vie : les deux bâtiments manquants, mais aussi d’assurer l’approvisionnement en eau et en électricité.
    Un puits fut creusé, un petit château d’eau érigé et deux groupes électrogènes installés. Ces travaux durèrent quelques semaines et furent menés parallèlement aux premiers travaux d’implantation et de terrassement de la piste principale à « Reggan-Plateau ».
    Notre base, à l’état achevé, est représentée sur les photos 110 et 111 prises par avion. Elle fut progressivement agrémentée d’un bassin et de plantations de palmiers (photos 112 à 114). La dernière montre l’état de ce bassin après une tempête de sable.
    En allant sur GOOGLE EARTH on peut encore repérer notre base (photo 116). Les trois bâtiments existent toujours et, surprise, les palmiers que nous avions plantés semblent avoir résisté au temps.
    Ce qui était un désert autour de notre base est maintenant complètement urbanisé.

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    LA VIE À REGGAN :
    Au début les conditions de vie étaient très frustes : pas de toilettes, pas de douches, pas d’électricité, seul un petit frigo capricieux marchant au gaz. Le ravitaillement était assuré par camion venant d’Alger (durée du trajet 4 à 5 jours). Aucune denrée périssable ne pouvait nous être envoyée. Nous vivions telle la population locale. Notre alimentation se limitait uniquement en denrées ne nécessitant aucune conservation réfrigérée : conserves et légumes. Cette période « pionnier » dura deux à trois mois.
    Lorsque nous eûmes l’électricité et l’eau courante et les bâtiments achevés, la vie changea. Une armoire frigorifique permit de recevoir des denrées périssables par avion. Des humidificateurs rendaient la chaleur un peu plus supportable. Mais jamais, même début 1960, nous avons connu le confort du personnel d’exploitations pétrolières. Ce manque de confort était cependant compensé par la bonne ambiance de notre équipe qui s’étoffa progressivement, sans dépasser 10 personnes, personnel local non compris.
    Le climat local étant très sec, des températures jusqu’à 40°C étaient parfaitement supportables. C’est à partir de 45° que les choses deviennent nettement plus difficiles. À ces températures il est indispensable de boire beaucoup et régulièrement. L’eau de Reggan est magnésienne et de ce fait difficilement supportable. Nous disposions de boites d’eau d’Evian de 1 litre en alu. Toutes les boissons nous étaient envoyées par camion, en « bagages accompagnés » avec les matériaux de construction (ciment, ferrailles, bois d’œuvre etc.). Nous avions notre camion hebdomadaire toute l’année.
    L’alimentation, le courrier et le personnel venaient par avion militaire.

    LE PERSONNEL :
    L’ingénieur TPE responsable du chantier était A. L. d’origine nantaise, très compétent, énergique et travailleur. Nos relations étaient excellentes et j’ai beaucoup apprécié de travailler avec lui. Nous avions gardé quelques contacts après mon retour en France alors qu’il était affecté à l’aéroport de Berlin-Tempelhof, puis à l’aérodrome militaire de Lahr en pays de Bade. Mais nos carrières respectives très mouvantes nous ont fait perdre de vue. J’ai fini par retrouver ses traces à Aix-les-Bains.
    Les autres personnes présentes avaient tous connu un parcours qui n’avait rien d’un « long fleuve tranquille ». Les souvenirs de cette époque me font toujours penser à Joseph Kessel : « Tous n’étaient pas des anges » tant il est vrai que le sud permit à bien des personnes d’échapper à leurs soucis et tracas.
    Notre personnel était très divers en toutes choses :
    – Deux anciens légionnaires. Un allemand, l’autre italien.
    Le premier avait été incorporé en fin de guerre à 17 ans. Fait prisonnier par les américains, il s’est échappé puis engagé dans la Légion pour combattre en Indochine.
    Le second, très cultivé, avait eu des démêlés avec différents cercles de jeu et cherché une nouvelle vie à la Légion.
    – Deux tâcherons (mini-entrepreneurs) qui, eux, cherchaient à se refaire une santé financière. Tous deux portaient un nom d’origine alsacienne (Aldeger, Herrgott). Tous les deux très compétents, travailleurs et... roublards ! J’ai appris bien des choses en leur compagnie.
    – Puis pêle-mêle, arrivés dans le sud tels des objets abandonnés sur la grève : un ancien marin breton fuyant le travail (pour lui une erreur de plus !), un chauffeur de poids-lourd aveyronnais par dépit amoureux, un bijoutier pied noir prenant ses distances avec la justice.
    Cette équipe hétérogène a su s’amalgamer, les conditions de vie spartiates et le manque total de tentations de tout genre y ont sûrement contribué.
    Malgré l’usure du temps le souvenir de cette équipe m’est resté très vivace.


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    Nous n’avions pas eu de problème pour embaucher du personnel local, appelé PLBT (Population Laborieuse du Bas Touat). Cette population était un curieux mélange d’arabes et de noirs, probablement des souvenirs de caravanes d’esclaves qui dans le passé remontaient du sud. Ceux du type arabe avait un teint nettement plus hâlé que ceux du nord (appelé « les blanquettes » par ceux du sud).
    Leur revenu moyen annuel avant notre arrivée était estimé à l’époque à 300F/an. Il est certain que les emplois nouveaux créés à un tarif qui s’inspirait de ceux pratiqués au nord a changé la donne en suscitant des besoins nouveaux alors que la pérennité de ces emplois n’était pas garantie.
    Pour être complet il faut citer les Touareg, population à part. Je n’ai eu qu’une seule occasion de rencontrer un nomade Touareg à Reggan. Arrivant à vive allure en dromadaire, allure altière, visage voilé. Descendu de sa monture, il était impressionnant avec sa longue épée portée à gauche tel un chevalier du Moyen Âge. La population locale gardait une distance respectueuse.
    Il précédait une caravane remontant du Niger (environ 1 000 Km de désert) avec un troupeau de moutons. Cela supposait une connaissance parfaite du terrain et des points d’eau.
    À ma question « combien de temps te faut-il ? », la seul réponse fut « je pars, si Dieu le veut, j’arrive ».
    Nous lui avons acheté un mouton qui est devenu notre mascotte et chien de garde. Ce mouton avait la particularité d’attaquer de dos tout intrus, ce qui se terminait par un vol plané de l’intéressé non méfiant.
    Par la suite j’ai eu l’occasion de rencontrer d’autres Touareg à Tamanrasset et de partager le thé avec eux. Même à cette occasion je n’ai jamais pu voir leur visage. Pour boire leur thé ils passaient le verre derrière leur voile.
    La croix du sud représentée sur la photo 002 est de leur fabrication réalisée à partir... d’une pièce de 5 Francs en argent.

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    EAU :
    Grâce aux contacts que j’avais avec les employés locaux j’ai pu visiter la palmeraie. C’est un coin de paradis dans l’immense désert qui l’entoure. Espace de verdure, des arbres, des oiseaux, de l’eau qui coule... Les photos en donnent une bonne illustration.
    L’eau conditionne la vie dans cet environnement. Elle est recueillie grâce à un réseau de canaux souterrains (foggaras) qui partent de l’oasis pour rejoindre le pied du plateau qui se situe à quelques Km. Des puits espacés d’une dizaine de mètres permettent d’accéder à ces canaux pour en assurer l’entretien. La section des canaux correspond à la taille d’un homme petit, plus large au niveau des épaules, plus réduit au niveau du fond. Ce dernier est garni d’argile pour limiter les pertes en cours de trajet. Ces puits sont parfaitement visibles d’avion : des ramifications en pointillé qui partent de l’oasis et qui se perdent au loin (exemple : Reggan-GOOGLE EARTH et vues de la grande place d’Adrar) (photos 198, 941, 199, 201).

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    Dans l’oasis l’eau est distribuée par des petits canaux, puis attribuée à chaque particulier par un système de peigne en pierre. Les parties blanches près de canaux correspondent à des dépôts de sel : les eaux de Reggan sont magnésiennes. (photos 202 à 210).

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    Cette oasis, comme bien d’autres, est menacée par les dunes de sable (photo 910). Une défense plus ou moins efficace est de bloquer l’arête de la dune par des branches de palmier (photo 911).
    J’ai pu observer de près comment une dune se déplace : côté vent dominant la pente est douce, nettement plus raide du côté opposé. L’arête, même en absence de vent, est en équilibre instable et le sable s’écoule en permanence, tout doucement, à peine visible du côté le plus pentu. Ce phénomène permanent est d’autant plus accentué que le vent est plus fort. La photo 912 montre la formation d’une « mini dune » en forme de croissant dans le reg, (photo prise au sud d’El-Goléa sur la piste menant à In Salah).
    Mais il y a aussi l’eau de pluie ! En un peu plus de 26 mois de séjour j’ai connu 2 pluies, très fortes. Je n’ai jamais pu savoir si elles étaient les bienvenues ou non pour la population locale. Il est certain qu’elles endommagent plus ou moins leurs constructions faites en une sorte de torchis.

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    Le côté agréable est la renaissance de la nature : très vite apparaissent des touffes de verdure et même de fleurs. Mais c’est un phénomène très éphémère (photo 211 : 10 jours après une pluie).
    Le danger est que de telles pluies souvent orageuses transforment des oueds totalement à sec en des rivières au débit torrentiel qui emportent tout sur leur passage. On m’avait mis en garde avant ma liaison Alger-Reggan en 2 CV de ne jamais passer la nuit dans un lit d’oued, un éventuel orage lointain peut être fatal. (photo 212 : lit d’oued entre El-Goléa et In Salah).

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    UNE DES PLAIES D’ÉGYPTE :
    Les paysages, la vie dépouillée de tout artifice, où jour et nuit ont toujours la même durée, avec un soleil qui se lève et se couche à la verticale, les nuits aux cieux lumineux avec ces millions d’étoiles, comment ne pas penser à la Bible ? Et voilà que ce rêve devient cauchemar avec l’arrivée de ce fléau : les sauterelles. Le ciel se voile, elles arrivent et s’abattent sur l’oasis, puis débordent, elles sont partout, même à l’intérieur de nos baraques. Manger est un problème car elles veulent y participer. Rouler en voiture est un problème car les radiateurs se bouchent et les voitures chauffent. Après la verdure elles s’attaquent au papier de nos sacs de ciment.
    Là encore comment ne pas penser à la Bible et les plaies d’Égypte ?
    Puis elles disparaissent, du moins celles qui n’ont pas succombé grillées sur les radiateurs, écrasées sur la chaussée, mangées par les poules ou détruites par le DDT répandu partout.
    Après leur départ triste spectacle : en guise de palmes les palmiers n’ont plus que des manches à balai ! Je n’ai pas osé aller voir l’état des cultures...
    (photo 213 un représentant de cette horde sauvage)

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    MOYENS DE TRANSPORT :
    Tous mes trajets Alger-Reggan étaient assurés uniquement par des avions militaires, sauf le premier.
    Sur place nous disposions au début d’un véhicule 4x4 DODGE bien adapté aux conditions locales (pneus ballons, important filtre à air, double circuit d’alimentation en essence, réservoirs protégés contre les projections de pierres etc.). Son seul défaut : la consommation, ce qui nous obligeait, pour les grandes liaisons (Bidon V, Ouallen), d’embarquer en complément un ou deux fûts de 200 l de carburant.
    Parallèlement on nous avait affecté un camion BERLIET, véhicule aussi rustique que robuste. Jamais il ne nous a causé de soucis et une camionnette-benne RENAULT.
    Au fur et à mesure de l’avancement des travaux, d’effectifs plus importants et de pistes en meilleur état, voire goudronnées, notre parc est devenu très hétéroclite : une JEEP-HOTCHKISS, une 203 familiale, un BERLIET équipé d’une citerne, une 2 CV fourgonnette et... un vélo SOLEX !
    La 2 CV et le BERLIET-citerne à mi-charge se révélèrent les plus confortables.

 

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     J’ai été libéré de mes obligations militaires le 9/3/1960, soit 28 mois après mon incorporation.
     Le premier essai nucléaire a été réalisé vers la mi-février 1960. J’étais alors à Tamanrasset à l’agence locale du SIAAL.
     À Reggan seul le Colonel GUERNON commandant la base, était au courant de ma situation particulière de militaire détaché de l’armée. Il n’a jamais fait allusion à cette situation particulière et nos rapports furent toujours excellents. J’en garde un grand souvenir.

 

 

REGGAN-VILLAGE

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RENCONTRES

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GHARDAÏA

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EL-GOLÉA

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AOULEF
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ADRAR

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OUALLEN

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Le Père de Foucauld

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