Je me souviens...

BLU 1 Quoi t'est-ce ?

Alain BROCHARD – 63/1 – Technicien radio – Base Aérienne 167

 

 

En fait nous avions des essais de propagation2 à réaliser grandeur nature sur le Sahara, c'était la concrétisation d’un projet de THOMSON. Alger était équipé d’une station de 100Watts, idem sur Colomb-Béchar, Reggan possédait également un émetteur de 100Watts, lequel pouvait être couplé à un ampli linéaire de 2 Kwatts3.

Toute la sainte journée les transmissions étaient réalisées aux vacations prévues ou sur appel d’Alger et sans cesse les indicatifs fusaient >>> RICHELIEU appelle CASTILLE ou l’inverse, à ce moment nous notions le résultat de l’écoute >>> fort et clair ou 5/5 ou moins suivant la gradation établie. Un compte rendu rédigé noir sur blanc permettait de thésauriser les différents essais et la vie continuait jusqu’à la prochaine vacation.

Un jour il y eu surabondance de >>> RICHELIEU appelle CASTILLE, l’adjudant qui d’Alger4 supervisait les manips5 n’avait pas à l’entendre l’air très sympa, il nous vint l’idée d’effectuer un léger décalage de notre fréquence d’émission pour calmer un peu ses ardeurs. Nous savions qu’un léger décalage ne serait pas sensible de notre côté, par contre, lui se poserait certainement des questions. Ce qui fut dit fut fait et notre adjudant ne tarda pas à nous apprendre que nous n’étions pas sur la bonne fréquence, sur ce, nous jurâmes aux grands dieux que notre système était parfaitement calé et qu’il lui fallait regarder de son côté. Nous avions visé juste et faisions la preuve qu’une grande gueule n’a pas forcément les arguments techniques. Les essais furent arrêtés huit jours, toujours çà de pris, puis les vacations reprirent tranquillement l’adjudant ayant compris qu’il avait été piégé et que la pédale douce6 serait la bienvenue.

Le chef R..., qui supervisait nos vacations se sentant ce jour-là une âme de bricoleur décida de faire une « vérif. », sur l’ampli linéaire pourquoi ? Nul ne le saura. J’étais moi-même en train de dépanner un émetteur d’origine allemande (sous-marin), dont les capas d’alim fuyaient tellement que lorsque nos braves PLBT chargés de balayer la station prenaient la HF de plein fouet lorsqu’ils touchaient au bâti. Pour nous c’était la distraction du moment, jusqu’au jour ou M..., en ayant assez de les voir se sauver, demanda de remédier à ce défaut, ce qui aurait pour effet d’éviter les fuites de ces braves gens, réglant ainsi les problèmes intempestifs d’arrêt de travail.

Étant à proximité, le chef R..., m'avait donc demandé de mettre l’ampli sous tension lorsqu’il me le dirait. Jusque là ce n’était pas très compliqué et vu que j’étais occupé à autre chose, je n’avais pas du tout suivi la manœuvre que notre chef bien-aimé avait prévu.

L'ordre arriva et je mis donc l’engin sous tension. À ce moment je crus que l’orage m’était tombé dessus, je coupais aussitôt mais trop tard le mal avait eu lieu. On était dans le contexte plus de son, plus d'image. J’étais bien sûr le premier sur les lieux du crime, pardon de l’accident ! Ayant fait le tour de l’installation je constatais que le chef était à terre, les bras en croix, un trou dans les godasses7, la main brûlée par un tournevis ressemblant plus à un outil de charron qu’à celui d’un électricien. Ce qui s’était passé, c’est que le coquin avait voulu faire je ne sais quelle manip dans le tiroir Haute Tension, du coup un énorme court-circuit avait fait le reste, pour preuves les condensateurs de filtrage dégueulaient de partout.

Tout le personnel de la station était là, M ..., décida d'envoyer R... à l’hôpital, la suite serait pour plus tard. R..., électrisé ! Enfin, électrocuté, fit un séjour d'une semaine à l’hosto suivi d’un peu de repos, nous ne le revîmes que trois semaines plus tard.
Entre temps il fallut remettre en état l’ampli, car si l'émetteur de 100Watts nous permettait de continuer à trafiquer, l’ampli linéaire devait redevenir rapidement opérationnel.
M ..., lui-même retroussa les manches aidé de son homologue TERRE avec qui il partageait le même bureau, ces deux là étant particulièrement complices ce qui était bon pour le moral des troupes.

On aurait pu imaginer au premier abord que les deux compères en question n’étaient que de vagues administratifs, mais la démonstration nous fut faite que nos chefs étaient de vrais techniciens, excellents électroniciens qui surent remettre l’équipement en route à une vitesse grand V, nous faisant participer autant que possible à leur action, chapeau messieurs !


Vous pouvez retrouver des photos de ces équipements sur les pages de Jacques Gardin et Denis Crouvezier, lien >>> Ils y étaient >>> À Reggan

PS : En reprenant ce document, j’ai une pensée pour l’ancien avec qui nous étions sur ce coup, un pince sans rire qui avait plus d’un tour dans sa poche, malheureusement j’ai oublié son prénom. Depuis le 1ère classe Picornot nous a quittés pour d’autres paysages …
_____________
1 BLU : Système de Transmission Hertzienne en Bande Latérale Unique.
2 La bande latérale unique ou BLU (en anglais : SSB – Single-sideband modulation) est un mode de modulation pour la radio qui consiste en une modulation d'amplitude dans laquelle on a supprimé la porteuse et l'une des bandes latérales. Il ne subsiste donc qu'une seule bande latérale, d'où le nom de la technique. Grâce à son efficacité en occupation de spectre radioélectrique et en énergie émise, la BLU est surtout utilisée pour les liaisons de téléphonie HF, dans le domaine maritime, militaire, aviation ou radioamateur. (Source WIKIPÉDIA).
3 Jean BELLEC
4 Il s’agissait plutôt de la Reghaïa situé en banlieue près de la mer, site pilote de l’armée de l’air en Algérie.
5 Au sens d’essais.
6 Aucun rapport avec un film bien connu.
7 Des naïls, fines sandales de cuir n’ayant aucun caractère de protection contre les effets électriques.


Alain BROCHARD - Juin 2006              revu et corrigé Juillet 2011.