MOURIR DANS LE DÉSERT

par Alain BROCHARD

 

AVANT-PROPOS

Cette « fiction » sur la base de faits réels s’appuie principalement sur les derniers écrits de Bill. Étrangement les huit jours d’agonie qu’il passa dans la chaleur extrême et les nuits glaciales du Tanezrouft, lui parurent aussi longs qu’une vie entière.

Le désert sut lui révéler ce qu’était sa véritable condition, malheureusement, l’homme ne revint jamais à la civilisation et ne put exprimer ses sentiments qu’au travers de son Log book. Il sut au travers de ses écrits nous transmettre ce que pouvait être notre attente face à la mort !

Cet essai a essentiellement pour objet de redonner une parole à celui qui sut lutter jusqu’au bout de sa vie, sachant nous dire qu’en toutes circonstances mêmes extrêmes, il fallait y croire, ne jamais lâcher prise, ne jamais baisser les bras !

NOTA : Les sources utilisées pour cet essai s’appuient sur l’excellent travail de traduction du Colonel Charles Mélin, qui en février 1962, dès la découverte, fut le premier traducteur en langue française du Log book de Bill…

Je me suis appuyé également sur l’ouvrage de Ralph Barker qui sut faire un travail des plus fouillés. Il publia en 1969 sous le titre: « VERDICT ON A LOST FLYER The Story of Bill Lancaster », le seul document à mon sens qui refléta l’exacte vérité de cette affaire. Ralph rechercha au-delà de la romance, les véritables faits de cette tragédie, encore d’actualité !

 

SOMMAIRE

- LE VOL JUSQU’À REGGAN
- LE LOG BOOK REVISITÉ
- POURQUOI AVOIR CHOISI CE TITRE ?
- IN FINE
- PENDANT CE TEMPS-LÀ
- ET APRÈS
- DIVERS

 

LE VOL JUSQU’À REGGAN


Le vol jusqu'à Reggan m'avait paru long ! Un vol des plus fatigants quand il avait fallu se battre contre les éléments. J’avais décollé de Lympne ce 11 avril 1933 à environ 5 heures 30 du matin. La piste était légèrement boueuse mais ce n'était rien pour ce bon vieux biplan que mon père m'avait aidé à racheter.

Mon objectif était de battre le record de la traversée Londres-Le Cap que détenait Amy Mollison depuis l'année dernière.

Londres-Le Cap, une broutille par rapport à mon raid précédent Londres-Darwin. Amy avait mis un peu plus de 4 jours pour régler le problème, j'arriverai bien à gagner une petite heure minimum par rapport à son exploit.

J'en étais à ces pensées tout en survolant la France, j'avais décidé de me poser à Oran pour refaire le plein et repartir aussitôt direction Reggan.

Les vents contraires sur la France ne me semblaient pas vraiment favorables! Si le biplan se comportait parfaitement bien, la lutte contre les rafales qui m'arrivaient de face m'obligeait à pousser un peu plus que prévu la mécanique augmentant de fait la consommation de carburant. Je fus finalement obligé de me poser à Barcelone pour refaire le plein.

Je redécollai aussitôt pour Oran. En survolant Carthagène je savais qu’Oran n'était plus très loin. Vers 21 heures j'étais en vue de l'aérodrome et je m'y posais aussitôt pour refaire à nouveau du carburant, quelques vérifications et ce serait bientôt le désert. Malheureusement pour moi, à La Sénia l'aérodrome d'Oran, les autorités françaises s'opposèrent à ce que je puisse survoler le Sahara sans acquitter les 800 livres sterling exigées pour couvrir les éventuels frais de recherches au cas où je me perdrais, et pas question de partir de nuit !

Vu l'heure tardive, de toutes les façons l'interdiction de décoller fut de mise.

Je pris donc quelques repos, sans vraiment dormir et le jour se levant je redécollai aussitôt ignorant totalement l'interdiction qui m'avait été faite la veille sur la question du survol du désert.

Après avoir survolé Colomb-Béchar puis Beni Abbès j'arrivai sur Adrar, quand mon moteur Gipsy se mit à cafouiller. Tout allait bien jusque-là, je décidai donc de me poser, Reggan serait pour plus tard !

C'est vrai il y avait un léger vent de sable, le carburateur en avait-il avalé ? Après un examen rapide, je ne décèle rien d'inquiétant et je redécolle direction Reggan. Tout se passe bien, à nouveau le moteur ronronne parfaitement, après le décollage d’Adrar direction Est, je reprends la direction Sud survolant et traversant la piste qui se dirige vers Aoulef. Au bout d'une heure de vol, je survole à ce moment un aérodrome inconnu, de plus la piste qui devrait filer droit vers le Sud, se dirige désormais plein Est ? Je décide de me poser !

Et là, quelle n'est pas ma surprise en découvrant que je viens de me poser à Aoulef. Renseignement pris, on m'indique qu'il me faut désormais naviguer plein Ouest pour rejoindre Reggan. Je redécolle et gouvernant au compas, je me pose finalement à Reggan, il est à ce moment 11 heures 40.

En arrivant sur Reggan, j’avais aperçu des foggaras qui m’avaient dirigé droit sur la palmeraie et le petit aérodrome de Reggan.

Finalement mon détour vers Aoulef ne m’avait pas vraiment retardé, mon biplan avait tenu le coup, le moteur n’avait pas eu de ratés.

Je décidai de faire la vidange du moteur, de compléter mes réservoirs et de repartir aussitôt.

 Pourtant c’était sans compter l’insistance du Colonel GAY. Ce dernier avait été averti de mon arrivée par la radio de Béchar. Le Colonel m’invita à me restaurer, ensuite il me proposa de prendre un peu de repos, mais j’avais assez perdu de temps et il me fallait repartir.

Je rejoignis l’aérodrome, raccompagné en voiture par les militaires, où une équipe s’affairait toujours autour de mon biplan pour terminer le plein d’essence.

Malgré les conseils du chef de poste de la Société Transsaharienne, je redécollai au plus vite direction Gao.

La nuit allait tomber, à Reggan on m’avait d’ailleurs déconseillé de partir de suite sachant que le clair de lune ne serait guère avant 22 heures. Peu importe, je naviguerais au compas, un militaire m’avait prêté sa lampe torche compte tenu de l’éclairage du tableau de bord de l’avion qui ne fonctionnait pas.

La lampe torche me permettrait de jeter un coup d’œil de temps à autre sur le cap.

Au cas où je devrais me poser dans le désert, monsieur Bauret m’avait d’ailleurs promis de partir à ma recherche, si cela devait se produire. J’étais donc confiant et rassuré à la fois, rien désormais ne pourrait gêner mon vol, mon cap était parfaitement axé et demain matin en arrivant sur Gao j’aurais le plaisir d’admirer la boucle que fait le Niger en se dirigeant vers l’Ouest.

J’avais quitté Reggan depuis environ deux heures, la nuit était d’encre, le cap bien calé, mais pendant un instant j’eus l’impression d’avoir perdu de l’altitude…

Qu’à cela ne tienne un petit coup de gaz, en prenant un peu d’altitude, je serais en sécurité.

Tout en accélérant le moteur je remarquai aussitôt que son comportement devenait anormal, plusieurs ratés puis il s’arrêta ! Aussitôt l’avion se mit à chuter, je maîtrisai autant que faire se peut cette descente non prévue, quand à mon grand étonnement je touchai immédiatement le sol !

Il était environ 20 heures et je ne reprendrai connaissance que le lendemain matin vers 5 heures.

 

LE LOG BOOK REVISITÉ

Nous sommes le 13 avril 1933, il est 5 heures du matin et après m’être extirpé de dessous le cockpit, je réalise que cet accident sera le dernier du Southern Cross Minor. Je constate qu’après avoir touché le sol l’avion a rebondi sur environ 70 mètres, s’est retourné en se fracassant, en me maintenant inconscient prisonnier sous le poste de pilotage.

Je suis blessé mais en vie, après m’être dégagé péniblement de cette carcasse, je me mets à genoux pour remercier Dieu de m’avoir épargné une mort terrible.

Mon biplan est totalement brisé et il n’est plus question d’imaginer de pouvoir désormais voler avec cet engin. Pour l’heure, je constate que ma provision d’eau n’a subi aucun dommage et c’est bien, cela me permettra d’attendre les secours promis à Reggan. J’essaie de situer mon point crash et je pense être à peu près à 250 Km au Sud de Reggan et à environ une quarantaine de kilomètres de la piste cheminant de Reggan vers le Sud.

Je pense à ce moment que les militaires de Reggan vont me retrouver !

J’imagine Smithy regardant son avion brisé et me félicitant d’être resté en vie.

Lui-même avait eu quelques soucis avec cet appareil lors de son vol d’Australie vers l’Angleterre, c’est la loi de l’aviation, quand tout peut aller mal. Mes parents ne seront pas avertis avant quelques jours, même si Gao a transmis de suite un message indiquant ma disparition. Et Chubbie ma bien-aimée… Je suis loin du raid vers Darwin quand pourtant tant d’incidents nous avaient freinés. Je suis heureux malgré tout d’avoir voyagé en solo, d’ailleurs il ne pouvait en être autrement, le réservoir supplémentaire occupant complètement la place avant.

Toute cette essence devait me permettre de franchir les longues distances, mais c’était sans compter le poids supplémentaire alourdissant d’autant l’avion, ce qui m’avait certainement conduit à cette chute brutale.

Mes blessures me font mal, je suis coupé au-dessus du nez et des yeux.

Tiens, j’aperçois un vautour qui fait des cercles au-dessus de moi, je ne suis pas encore moribond, il lui faudra attendre. Finalement je lui crie après et le rapace s’éloigne.

Il n’est même pas 11 heures du matin et la chaleur est extrême. Si l’aile de l’avion me protège du soleil, la chaleur reste ardente. Je ressens tout à coup une immense fatigue et si ce devait être le cas j’espère mourir rapidement ! Curieux n’est-ce pas, j’ai traversé tout au long de cette vie des tas d’incidents et aussi d’accidents m’ayant conduit à différentes reprises à l’hôpital et seulement aujourd’hui, l’idée de la mort vient de me traverser !

Avec Chubbie nous avions failli à plusieurs reprises, lors du raid vers Darwin, perdre la vie, mais ce ne furent que des incidents dont le souvenir nous avait fait rire par la suite… Lors des essais des premiers parachutes en Angleterre où je m’étais porté volontaire, la seule sortie de l’avion pour nous installer sur l’échelle avant de sauter pouvait nous être fatale… Mais non, nous y croyions et rien ne pouvait nous arrêter, sans doute la bonne étoile !

Pour le moment, l’étoile est ce terrible soleil duquel je me suis trop approché et qui ne semble pas vouloir lâcher prise, inondant les alentours d’un éclairement si fort que mes yeux déjà fragilisés par mes blessures ne peuvent qu’à peine s’entrouvrir ?

Ma bonne étoile m’aurait donc quitté !


11 heures

Le temps me semble long, je suis à l’abri de l’aile, mes blessures remplies de sable me font mal et je n’ai rien pour les nettoyer. J’ai soif, mais je sais déjà qu’il me faudra lutter pour préserver cette précieuse eau qu’il me reste. Je ne l’emploierai donc pas pour nettoyer mes plaies. Le soleil est fixe, comme accroché au ciel et j’ai réellement l’impression qu’il ne se déplace pas ! Les minutes sont des heures et les heures s’éternisent… Le vautour est toujours là volant en formant des cercles au-dessus de moi !

Il attend, comme tout prédateur le ferait imaginant la proie que je puisse être. Je l’enfourcherais bien pour qu’il me sorte de là, pour qu’il puisse m’amener à la mare d’eau la plus proche.

Mais où est-elle cette mare, où se situe l’oasis où l’eau filtre doucement alimentant çà et là palmiers et autres végétaux ? Un petit oiseau vient de me rejoindre, il est brun et blanc et de la taille d’un moineau, mais je ne sais pas de quelle espèce il est.

Sans doute est-il venu d’une palmeraie proche, entrainé par le vent chaud ?

La chaleur m’épuise, j’ai les yeux tapissés de sang et de sable, mes plaies m’ont sans doute affaibli ?

Quoi penser après une demi-journée dans cet enfer qu’est le Sahara ?

Ces quelques heures sous l’aile de mon avion m’ont semblé aussi longues que toute ma vie confondue. Ici le temps semble ne pas exister, alors j’écris !

Qu’ai-je donc fait de mal dans ma vie pour me retrouver plongé dans cet enfer ? Pourtant : « Je ne veux pas mourir, je veux désespérément vivre ! »

Ma vie ne peut pas être ici : « J’ai l’amour d’une bonne maman et papa et une bien-aimée. »

Ils savent désormais que je n’ai pas rejoint Gao, je sais qu’ils pensent à moi et sont préoccupés par ma disparition.

Sans doute se disent-ils, « il est encore trop tôt pour vraiment s’inquiéter, Bill a dû se poser en catastrophe et nous aurons bientôt de ses nouvelles. » Mais les nouvelles arriveront-elles à temps ?

Il est un peu plus de 14 heures, j’ai préparé quelques torches grossièrement faites avec des bandes de toile et des fils de haubans récupérés sur l’avion. Imbibées d’essence ces torches permettront de me signaler lorsque la nuit sera tombée. La chaleur est toujours intense malgré une brise intermittente.

Chubbie chérie, repartez chez votre mère, repensez à tous les bons moments que nous avons passés ensemble, abandonnez l’aviation, les plaisirs de la vie sont ailleurs. Aujourd’hui, prisonnier de ce désert, prisonnier de mon propre ego, j’ai fait l’erreur de reprendre le « manche » pour gagner ce raid Londres-Cap Town…

Quelle erreur, dans toute cette précipitation, je n’ai pas pris soin d’examiner en détail l’avion que nous avons acheté à Smithy. Aujourd’hui je suis là, près de cette carcasse totalement brisée, j’observe l’horizon sans fin de ce désert sans vie, je ne sais pas si je pourrai tenir longtemps !

Le temps s’égrène, il est un peu plus de 15 heures, la température me semble un peu plus fraîche avec cette petite brise, peut-être 2° de moins ?

Je viens de retirer mes vêtements, j’ai conservé mon caleçon et ma veste, j’ai sorti le coussin du poste de pilotage pour plus de confort.

Les oiseaux sont repartis, le vautour également, je garde précieusement la barre de chocolat que mère m’a donnée au départ, je n’ai pas mangé depuis Reggan, j’ai peu de nourriture mais étrangement je n’ai pas faim !


15 heures 30

Je continue à penser, à écrire. Chubbie doit désormais chercher une solution pour me retrouver, elle me l’avait dit la petite chérie.

Toutes les pensées possibles me traversent l’esprit, je suis à la fois inquiet, mais serein, c’est pourquoi je continue mon écriture. J’ai toujours aimé écrire tout au long de ma vie, sans doute pour transmettre mon vécu.

Mais là, écrire me réconforte énormément, écrire me permet de croire qu’ils vont venir me chercher, qu’ils vont me retrouver. Et puis mon Log book sera retrouvé, je ferai en sorte qu’il soit préservé si je dois disparaître.

Je vous en supplie cher ami français que j’ai rencontré à Oran, vous savez désormais que je me suis perdu. Alors décollez maintenant et venez me rechercher !

La journée s’éternise, il est tout juste 16 heures 30, le soleil semble encore au zénith. Je viens d’apercevoir un moineau, puis un autre, sans doute suis-je proche d’une palmeraie ? Cela me donne du baume au cœur et l’espoir d’être retrouvé.

Je pense que désormais les voitures vont partir de Reggan pour me rechercher.

Monsieur Bauret me l’a promis, j’allumerai à nouveau ce soir quelques torches et de la piste, sans doute pourront-ils m’apercevoir ?

Maman, Chubbie vous me manquez terriblement, votre prévoyance et vos soins attentifs me font terriblement défaut. Pendant que je suis ici, prisonnier d’une immensité où l’horizon se confond avec un ciel envahi par la lumière si intense du soleil ! Nul besoin de murs ni de barreaux à ma cellule, je suis bloqué dans ce désert de l’impossible, quand la vie semble impensable ici.

Que peut représenter dans cet univers une vie comme la mienne, je suis tel un grain de sable balloté par la brise de cet océan qui semble sans fin. J’ai terriblement soif, j’essaie de réfréner ce désir en concentrant mes pensées sur ma vie passée. Une vie courte si elle doit s’achever ici, une vie remplie de bonheur malgré tout, d’incertitudes il est vrai. Une vie où les erreurs se sont confondues avec les réussites. Mais si d’aventure cette vie devait s’achever rapidement, elle aura malgré tout été pleine de nombreux évènements auxquels je repense en ce moment, c’est ma seule force.


17 heures

Je viens de retrouver un miroir dentaire dans le nécessaire de premier secours. J’ai examiné mes blessures, ce ne sont que de vilaines coupures, j’en ai profité pour vider dessus la bouteille de mercurochrome de la trousse de secours.

Je pense à nouveau que les voitures vont partir de Reggan, peut-être vers 18 heures. Avec un peu d’espoir elles pourraient apercevoir mes torches à la nuit tombée. Certainement qu’à Londres la presse évoquera ma disparition ? Je ne pense qu’à une chose au moment où le soleil commence à s’éloigner vers l’Ouest, à un bon bain même si l’eau doit être sale, je pourrais même en boire ! J’espère que Chubbie et mère pourront se rencontrer ?

La vie m’a un peu éloigné de ma propre famille, l’amour peut déraisonnablement guider une vie, mais je réglerai ces différends dès mon retour.

J’ai bu en partie le café de la bouteille thermos qui était pleine, plus un verre d’eau de l’autre thermos, il me reste à présent les 9 litres du bidon qui était dans le coffre arrière. Il est vrai qu’il a fallu me bagarrer pour ressortir de dessous le cockpit où j’étais coincé et le café m’a réconforté.

Cet après-midi j’ai à nouveau bu du café. Il me faut absolument me rationner car sans eau ici la vie s’arrête aussitôt.

Je boirai donc une thermos d’eau par jour, cela devrait me permettre de tenir 7 jours et d’attendre patiemment les secours.

Je ne connaissais pas le désert, mais là j’y suis ! Pour ceux qui ne connaissent pas le désert c’est l’enfer, la soif c’est l’enfer et cela rend fou, il me faut m’accrocher désespérément pour survivre et ne pas vider mon bidon d’un seul coup, je pense aux secours qui vont arriver !


18 heures

Je suis certain qu’un véhicule est parti de Reggan pour me rechercher, je pense qu’à 22 heures 30 il aura parcouru les 250 Km de piste pour arriver à ma hauteur, c’est à ce moment que j’allumerai mes torches.

Je les allumerai à une demi-heure d’intervalle, je les lèverai à bout de bras, ainsi les occupants de la voiture pourront à coup sûr m’apercevoir.


18 heures 30

Je suis très abattu, je me concentre sur mes torches que j’allumerai vers 22 heures 30. Je ne résiste pas à un petit remontant à base « d’ammonia » et d’une pinte d’eau. Je sais que ce produit est un tant soit peu une drogue, mais lorsque l’on est à la limite de l’évanouissement, l’utiliser permet de reprendre ses esprits !

J’ai essayé sans succès de manger un bout de poulet, mais je n’ai pas pu, par contre j’ai pu avaler un petit peu de chocolat.

En ce moment je pense et je crois avec force que quelqu’un viendra et me retrouvera.

Cette première journée dans ce désert m’a paru une éternité, j’ai repensé ma vie pour toutes ces années d’aventures qui m’ont conduit d’un bout à l’autre de la planète. Ces dernières 24 heures m’ont semblé plus riches d’enseignements que toutes les autres. Est-ce cela le désert, quand il ne semble n’y avoir aucune vie ni animale ni végétale ?

Pourquoi ces étendues sans fin nous interpellent tant ? Sans doute car dans cette situation, nous nous retrouvons face à nous-mêmes.

Nous pouvons déjà entendre respirer la terre par cette brise ininterrompue qui lorsqu’elle s’arrête créée autour de nous un vide absolu.

À ce moment il nous est possible d’entendre le silence… Ce silence qui nous manque tant dans notre vie de tous les jours.

Ici, il est là autour de nous en nous et il nous surprend pendant que le soleil a tout figé dans son incessant rayonnement qui nous éprouve d'une réverbération infinie.

Chaque grain de sable, chaque pierre participent à la chaleur qui nous étouffe jusqu’à suffoquer. Le sol est brûlant et nous indique la prudence que nous devons avoir pour essayer et réussir à survivre.

Sans doute beaucoup ont disparu et d’autres disparaitront sans laisser de trace dans cet immense linceul quand la mort semble être le seul gardien de cette apocalypse.

La nuit est tombée, la lune tardera à éclairer le ciel, c’est pourquoi à Reggan, ils m’avaient déconseillé de partir sans attendre le clair de lune.

Sans doute, en suivant leur conseil aurai-je pu suivre la grande piste, la lune m’aurait permis d’apercevoir les balisages… J’avais pensé que mon compas suffirait pour me guider. Je n’imaginais pas la panne de mon avion et surtout j’aurais eu la possibilité de mieux évaluer mon altitude et peut-être pu me poser de façon plus délicate. Mais non, je suis là, loin de la piste, loin de Reggan, perdu au milieu de nulle part pour avoir voulu montrer aux autres que rien ne m’arrêterait, c’était sans compter les lois de la nature qui l’emportent toujours au détriment de ceux qui ne les respectent pas !

Je vais essayer de dormir, car personne ne peut être à moins de 5 ou 6 heures de l’endroit où je me trouve.


Vendredi 14 avril
6 heures du matin


J’entame ma deuxième journée de désert, j’ai passé une nuit tranquille, sans douleur. Je suis content car mes torches ont été un succès, elles ont chacune brillé pendant environ une minute, c’est à la fois peu et beaucoup, mais en les allumant toutes les 15 à 30 minutes, je me suis largement signalé. Malheureusement, certainement que personne n’a pu les voir.

Je me suis mis à nouveau à l’abri sous l’aile, j’ai bien bu une pinte d’eau pendant la nuit. Mais jusqu’à 8 heures 30 ce matin je devrai me limiter à une bouteille. J’ai tout à coup l’impression que je me trouve plus loin de la piste que je ne l’avais prévu, ceci pourrait expliquer pourquoi personne n’a pu apercevoir mes torches.

Je vous en supplie envoyez vos avions maintenant, je me sens vraiment faible, mon dernier vrai repas me semble déjà si loin.

Je vais de nouveau arracher des bandes de toile de l’avion pour reconstituer mes torches !


9 heures du matin

Mes yeux m’inquiètent. Ils sont tellement enflés que j’ai du mal à les ouvrir !

J’ai trouvé un peu de « Joncolia », une préparation d’origine américaine contre les coups de soleil. Sans hésitation j’en applique une bonne épaisseur autour de mes yeux et cela calme un peu la douleur. Le soleil monte progressivement dans le ciel, la chaleur sera encore extrême aujourd’hui.

La petite brise, bien que faible me fait du bien et me réconforte.

La nuit passée fut froide, j’ignorais totalement qu’un tel contraste pouvait exister entre nuit et jour. La nuit le moindre vêtement est indispensable et je me couvre avec tous les habits en ma possession et pourtant j’ai froid.

La chaleur de la journée est d’une telle intensité que l’on se croirait véritablement dans un four.

Par contre la froideur de la nuit refroidit mon bidon d’eau, j’en transvase dès le matin dans ma thermos, ainsi toute la journée j’ai une boisson fraîche.

Je bois une gorgée toutes les demi-heures, j’ai compris de suite que dans le désert il faut être très strict pour ne pas se laisser aller à boire tout d’un coup !

Aussi je dois combattre après chaque gorgée pour ne pas me laisser aller.

J’ai l’impression de pouvoir tenir le coup pendant au moins deux jours, je profite de ne pas encore être trop faible pour préparer de nouvelles torches.

J’ai effectivement pris des bouts de hauban que j’ai recourbé, puis j’ai enroulé sur ces tiges de la toile arrachée de la carcasse de l’avion, un peu d’essence dessus et j’allume, puis je soulève les torches à bout de bras pour qu’elles puissent être aperçues de plus loin. J’ai en ma possession 18 allumettes, j’essaierai de les économiser au mieux.

Je vais brûler des morceaux de l’épave pour avoir un feu allumé toute la nuit. Le feu est le seul moyen de me faire repérer ! Par contre je ne brûlerai pas la toile de l’aile sous laquelle je m’abrite, c’est l’aile inférieure car l’appareil s’est retourné lors du contact avec le sol. Demain si des appareils sont envoyés de Reggan, on devrait me retrouver vivant. Je ne peux en ce moment que penser à ceux qui me sont chers, leur transmettant ainsi ma plus grande affection et l’expression de ma tendresse. « Oh Chubbie chérie, vous reverrais-je ? »

« Douce petite maman, pour l’amour de votre fils aîné, prenez Chubbie sur votre cœur et guidez la dans la bonne direction si je devais mourir. Car si je vis je jure que ce sera ma seule occupation ! »

Quelle fin ignominieuse pour l’avion de Smithy, s’il voyait ça il en serait certainement très triste. C’était « un bon petit taxi ». Lorsque je suis parti de Lympne c’était avec toute l’affection de mon père et de ma mère, je devais le battre ce record et pourtant je suis là !

Le sort en a voulu autrement, le destin m’a plongé dans ce désert, pourquoi ? Je me sens épuisé, à plus tard !


10 heures 30

Mes blessures m’inquiètent, je les ai à nouveau examinées. La plus importante est la coupure entre les yeux, qui se situe un peu plus au-dessus de mon œil gauche. Il est vrai que dans le crash, ma tête a dû heurter je ne sais quoi, sans doute le haut du tableau de bord ?

J’avais mis un pansement dessus, mais il s’est collé au sang coagulé et ce fut douloureux de l’arracher. De plus beaucoup de sable s’est incrusté dans la plaie et j’ai peur d’une infection. Ici le sable semble s’infiltrer partout. Il semble voler dans la brise et je dois m’en débarrasser le visage de temps en temps !

Je repense et suis désappointé de ne pas avoir vu de lumière de phares la nuit dernière. Désormais il faut que ce soit les avions qui viennent à ma rescousse, n’hésitez surtout pas à Reggan envoyez en plusieurs, des tas d’avions ! J’ai encore et toujours soif, l’eau, l’eau, de l’eau !

Je devrais presque m’attacher à l’avion pour ne pas céder à la tentation d’aller vider la bouteille d’eau… L’eau ici possède le meilleur des nectars.

J’en délire et pense maman que si vous preniez un bain en ce moment, je me précipiterais et me plongerais la tête dans la baignoire pour boire et encore boire !

Je ne rêve pas, je viens d’apercevoir un papillon dans ce désert, un papillon blanc. De plus il est accompagné d’une libellule, l’espoir d’être à proximité d’une oasis et près de la piste me reprend. Dépêchez-vous aviateurs je suis là, je ne bougerai pas, je vous attends.

Curieusement j’ai eu autant soif la nuit dernière que dans la journée.

Mon corps commence à réclamer de l’eau, ce qui signifie que je devrai être encore plus vigilant pour ne pas me résoudre à boire toute la bouteille d’un coup !

Le vent a changé d’axe il est passé du Nord-est au Sud-ouest. Il souffle fort et il est plus chaud. Je m’évanouis !

J’ai l’impression d’avoir cédé à cette grande fatigue durant une heure.


11 heures 30

Je cesserai d’écrire dans ce cahier quand je me sentirai devenir vraiment faible. Puis je le protégerai au mieux et l’adresserai à ma mère.

Quelques morceaux de toile d’aile devraient suffire à préserver ce Log book.

Ces écrits seront le vrai compte-rendu de mes pensées et de ce que je peux ressentir en attendant les secours ou la FIN.

Je prie Dieu si ce devait être la FIN pour moi, qu’il me permette de m’éteindre comme un gentleman !


13 heures 45

J’ai des douleurs dans les mains, sans doute est-ce après avoir démonté le compas ! J’ai voulu récupérer l’alcool qui se trouve dans l’instrument, j’y ai goûté… Ce n’est vraiment pas bon. Du coup je me le suis appliqué sur la tête et l’évaporation de l’alcool fut rafraîchissante pendant quelques secondes.

Je pense ne pouvoir écrire à nouveau que pendant deux jours. Je serai ensuite trop faible et mes pensées vont à Maman et Chubbie que j’aime toutes les deux.


15 heures

J’ai presque fini ma bouteille, mais je ne toucherai pas à la réserve avant 18 heures. Je pense avoir encore assez d’eau pour tenir 5 à 6 jours, d’autant que dans les 4 ou 5 jours à venir je pense qu’ils m’auront retrouvé !

Je suis disparu désormais depuis 2 jours.


Samedi 15 Avril (3ème jour)

J’ai pas mal dormi durant la nuit. J’étais réellement épuisé et la fatigue m’a fait sombrer dans un profond sommeil. Je dois désormais m’économiser au mieux, pour garder la moindre parcelle d’énergie pour rester vivant pendant 3 ou 4 jours en attendant patiemment les secours. Je pense qu’aujourd’hui les avions vont décoller pour commencer les recherches.

À moins que ne devienne fou et que je ne boive tout d’un seul coup, j’aurai de l’eau encore pendant 3 à 4 jours. Sans eau ici la vie est impossible, il n’y a aucune ombre. Sans la protection de l’aile de l’avion, je serais déjà mort depuis longtemps. Autour de moi, tout est figé par cet ensoleillement d’une telle intensité, que rien ne bouge, c’est l’enfer absolu !

Lorsque le soleil est haut, la chaleur qui m’enveloppe, réveille la douleur de mes blessures. J’ai perdu beaucoup de sang et cela m’inquiète terriblement.

Mais je ne me plains pas. Nul que moi-même n’est responsable de cette situation. J’ai voulu ce vol, le hasard du jeu m’a conduit dans ce désert, il me faut donc aller jusqu’au bout du jeu !

J’espère que Chubbie a éveillé l’intérêt pour que des recherches soient entreprises !

Maman sans doute avez-vous su inciter des gens à agir sur le gouvernement français ! Le pilote français, un grand type que j’ai rencontré à Oran va certainement revenir sur ses pas pour aider à me rechercher ?

S’il y a plusieurs avions à Reggan, les pilotes devraient pouvoir me retrouver en partant de là. Je ne suis qu’à 250 Km de Reggan !

Dans la journée, de 11 heures à 16 heures 30, ces heures sont terribles à supporter, la chaleur du soleil est épouvantable.

Si on me retrouve, je serai vraisemblablement en état de survie et inévitablement malade. Peu importe pourvu que j’ai de l’eau, mon désir constant.


DE L’EAU

Dimanche 16 avril (4ème jour)

Le vent est tombé. Hier après-midi le vent était fort avec de nombreuses bourrasques de sable. Je n’ai pu que me couvrir entièrement y compris la tête avec ma chemise et rester allongé à l’abri d’une aile de l’avion. Je prenais une gorgée d’eau toutes les demi-heures. Du coup j’ai bu deux bouteilles Thermos hier et j’ai dû batailler fermement pour rester éloigné du bidon d’eau principal. J’ai bu environ la moitié du bidon. Je pense avoir encore de l’eau pendant 3 jours. Ce sera ma limite !

S’il vous plaît, avions décollez maintenant je vous en supplie, commencez vos recherches !

Cette nuit j’ai fait bouillir un peu d’eau dans l’un des couvercles extérieurs d’un thermos…

J’ai fondu un peu de la barre de chocolat que mère m’avait donné. C’était bon, mais je l’ai bu trop vite et je n’ai pas pu le conserver.

J’en avais seulement consommé les deux tiers, j’ai attendu que le reste soit froid et je l’ai bu, je l’ai beaucoup apprécié en le dégustant doucement, je l’ai conservé. Le goût du chocolat m’a ramené à des souvenirs d’enfant, ce fut très agréable.

La nuit dernière, chose incroyable il s’est mis à pleuvoir. C’était fantastique, les gouttes d’eau étaient glaciales. Mais la pluie fut tellement éphémère que je n’ai même pas pu en recueillir une cuillère à café !

Malgré ces quatre jours passés ici, mon esprit est clair en ce moment !

J’avais quitté Reggan à 6 heures 30 et j’avais le temps de voler jusqu’à Gao.

Au départ de Reggan j’ai essayé de suivre la piste, mais la nuit est devenue vraiment sombre, une nuit tellement noire que je ne pouvais plus voir le sol.

Je volais à environ 300 mètres et grâce au compas je pouvais suivre correctement l’axe de Gao, ma destination. Après avoir volé environ 1 heure 40, le moteur toussa. J’avais refait le plein d’essence à Reggan et mon chargement était au maximum. J’ai essayé de pousser un peu, mais pendant 5 minutes il ne se passa rien. À nouveau le moteur se mit à tousser et des sales ratés se produisirent. Je commençais à perdre de l’altitude, je descendais et encore, je ne pouvais plus me maintenir en l’air. Avant de l’avoir imaginé je heurtais le sol, l’avion fit un bond de 70 mètres, je heurtais à nouveau le sol et le biplan se retourna. C’est tout ce dont je me souvienne !

Ma tête heurta quelque chose dans le poste de pilotage et je fus blessé au visage. Ensuite, après être revenu à moi, je suis sorti de ce cockpit où j’étais enfermé en creusant désespérément le sable et en rampant sous la carcasse de l’avion. Une mauvaise odeur d’essence subsistait à l’intérieur du cockpit sans doute due à une petite fuite suite à l’accident.

Maintenant je sais que je suis à la droite de ma trajectoire vers Gao. Ce qui m’inquiète, c’est que ceux qui sont partis à ma recherche ne pourront pas penser que je me sois crashé aussi tôt pendant mon vol.

Pourtant je ne peux que rester accroché ici jusqu’à la fin, ce que j’avais promis à Chubbie, de ne pas m’éloigner de l’avion ! Les journées, à partir du moment où le soleil se lève sont indescriptibles. Le matin le ciel s’embrase d’un rouge orangé.

Puis le disque solaire apparaît à l’Est et le rouge s’estompe d’un coup d’un seul dans un éclairement qui passe de l’orangé au jaune pour devenir ensuite d’une extrême blancheur quand les yeux ne peuvent plus le supporter. Progressivement, le soleil grimpe sur son zénith, à ce moment la chaleur, qui revigore après une nuit où je n’ai fait que grelotter, devient insupportable, énorme. Le soleil brûle tout sur son passage.

Le désert reste figé, comme pour se protéger encore et encore de cet étouffement où vivre reste dans l’impossible. En dehors des grains de sable poussés par la brise, je n’ai pas observé la moindre étincelle de vie animale. Bien sûr des oiseaux de passage m’ont survolé, certains mêmes se sont posés pour repartir aussitôt. Je repense aussi au papillon blanc désespérément perdu ici… Pendant ce temps je reste étendu sur le dos à l’abri de l’aile, le temps qui passe me semble une éternité quand mes souvenirs les plus fous m’inondent. Sans doute aurais-je mieux supporté si je n’avais pas été blessé, mais le choc fut tel, que j’aurais pu être tué sur le coup !

J’imagine que si je m’en sors, à chaque repas je boirai de l’eau, un nectar que nous n’imaginons pas lorsqu’elle coule à profusion ! De même, je ne fumerai plus, je n’en ai d’ailleurs ressenti aucun besoin depuis que suis ici. Je suis tout à fait lucide, mais mon corps est faible, si faible. De plus j’ai des contractions autour de l’estomac et des côtes. Cela ne peut venir que du fait que je ne me suis plus alimenté depuis quatre jours.

« Chubbie mon amour et maman ma meilleure amie et père mon copain n’ayez pas de remords, il n’y a que moi à blâmer pour tout. Le fol orgueil de moi-même. »

« La vie est un court instant dans le cadre général des choses. J’aurais voulu faire plus de bien pendant mon temps. C’est tout. Il y a encore un espoir, mais je désire que mon dernier message soit correct. Vous devrez trier les mots dans ce carnet grossier et les mettre en ordre pour qu’ils aient un sens. »

« Rien de plus probablement jusqu’à demain. Que Dieu soit avec vous tous. »

Bill Lancaster


6 heures 30 du matin

Le soleil est déjà levé depuis longtemps, il prend de la force, j’arrête d’écrire.


10 heures 15 du matin, le même jour

Le soleil est monté dans le ciel, la brise est toujours là et cela aide !

Je sirote un peu d’eau toutes les demi-heures. J’ai l’impression d’être proche d’un point d’eau, car un petit oiseau semblable à un moineau est venu de l’Est pour me rejoindre. Sans ma promesse faite à Chubbie, j’abandonnerais l’épave de l’avion et je marcherais vers l’Est !

Je ne cesse d’espérer que Chubbie est en train de tenter quelque chose pour me retrouver.

« Chubbie faites attention en venant ! »

Vous pouvez me croire, jamais plus je ne volerai au-dessus d’un désert !

Malgré tout je pense que je pourrai tenir encore 2 ou 3 jours. Puis ce sera la folie, car sans eau la seule issue n’est que la mort. À ce moment il faut qu’elle arrive vite pour en terminer !

Je vais attendre jusqu’au moment où le soleil descend.

Maman vous ne pouvez pas imaginer ce que peut être cette chaleur.

Oh ! Si je le pouvais je me précipiterais dans votre cuisine et m’aspergerais totalement en ouvrant le robinet d’eau froide pour sentir le liquide glouglouter dans ma bouche. Ce serait le ciel !


6 heures 20 du matin, 17 avril (5ème jour)

Je me sens mal ce matin et j’ai envie de pleurer, car hier dans la soirée, juste avant le crépuscule j’ai aperçu une fusée tirée à quelque distance d’ici. J’ai aussitôt répondu en allumant ma dernière torche. Peut-être m’a-t-on repéré, je le crois !

J’aurai assez d’eau pour aujourd’hui et demain. Hier ce fut un enfer !

La chaleur était telle que si aujourd’hui c’est la même chose, je devrai boire un peu plus qu’hier. Il m’est très difficile de supporter les heures de 10 heures 30 du matin à 16 heures de l’après-midi. Je pense toutefois qu’on va venir me chercher !


9 heures 15 du matin

Je commence à délirer, je subis de véritables tortures mentales. Je suis certain d’avoir vu une fusée la nuit dernière. Certainement que la personne qui l’a tirée a pu voir la lumière de ma torche. Pourtant rien n’est venu confirmer que j’avais pu être repéré. Aucun avion dans le ciel…

Cela me fait regretter d’avoir bu cette bouteille d’eau supplémentaire la nuit dernière. J’ai raccourci mes chances de survie au moins d’une journée !

Les choses ne sont sans doute pas comme je les avais imaginées, tout semble aller de travers. Si cette lumière que j’ai aperçue la nuit dernière était bien réelle, j’aurais pensé avoir quelque chose ce matin.


10 heures

La chaleur commence à se faire vraiment ressentir. Elle va être encore plus forte aujourd’hui. Je pense à maman et à Chub.


10 heures 20

Pas un souffle d’air, désormais je suis résigné à finir ici, si cela doit en être ainsi. Je pense pouvoir tenir jusqu’à après-demain, mais pas plus. Oh, de l’eau, de l’eau !

Chubbie ma chérie abandonnez l’aviation, reprenez une vie plus calme et soyez un réconfort pour votre mère sur ses vieux jours.

Maman, j’aurais souhaité être d’un plus grand réconfort pour vous. Mais peu importe, pensez garder le souvenir de tout ce que j’ai pu vous donner d’agréable. Je voudrais en cet instant, espérer que mon sauvetage soit toujours possible, j’ai toujours la foi en ceux qui me recherchent.

Fin du 5ème jour c’est-à-dire 6 heures 45 de l’après-midi du 5ème jour.

Le Southern Cross Minor n’a plus grande allure désormais. J’ai dû arracher beaucoup de toile pour faire des torches. Il ressemble maintenant à un pauvre canard au dos brisé auquel il manque beaucoup de plumes.

Je suis résigné à mon destin. Je comprends maintenant que je ne pourrai pas être sauvé à moins d’un miracle !

Chubbie souvenez-vous, j’ai tenu parole, « je suis vraiment resté collé à l’avion ».

Maman chérie, mes pensées ne vous ont pas quitté aujourd’hui. Je sais que l’une et l’autre avez été tellement gentilles avec moi, je ne peux pas l’oublier et ne voudrais pas vous quitter sans vous le dire.

J’espère seulement que la fin ne sera pas trop dure à supporter. J’ai énormément souffert de la soif aujourd’hui… J’ai pourtant réussi à m’en tenir à ma règle en économisant au maximum le peu d’eau qui me reste. Peut-être pourrais-je encore survivre deux jours ? Je deviens extrêmement faible, car naturellement je n’ai pas eu de nourriture depuis longtemps. Étrangement, je ne ressens que la soif !

Je veux que ce rapport soit le plus rationnel possible et souviens-toi maman que Chubbie doit avoir l’original ou une copie fidèle.

Maman, voyez les petites Pat et Nina. Embrassez-les également pour moi et expliquez leur ce que j’ai véritablement dans le cœur. La vie nous conduit parfois sur des chemins hasardeux, mais rien ne peut rompre les liens du sang et l’amour d’un père. Voyez Kiki, vous pouvez lui dire que désormais elle peut vraiment oublier cette part de vie ! Deviendrais-je maintenant trop sentimental ? Je le dois aujourd’hui, parce qu’en réalité j’ai toujours été par nature un vrai sentimental !

Je me demande si le pilote dont j’avais vu les fusées va réapparaître pour en lancer d’autres. Merci de permettre qu’il le fasse à nouveau. Maintenant il fait trop sombre, j’écrirai quelques notes demain matin.


Le sixième jour, mardi 18 avril
6 heures du matin


La nuit fut beaucoup plus froide, j’ai dormi de 3 à 5 heures mais je me suis réveillé en frissonnant malgré tous mes vêtements. Certainement que le corps humain peut supporter tous ces contrastes. La journée je reste étendu, ne souhaitant que deux choses de l’air et surtout de l’eau. Par contre la nuit, je tremble de froid et j’ai besoin d’un peu de rhum.

Je débute ce sixième jour en priant qu’il se passe quelque chose aujourd’hui. Il serait désormais presque incroyable que je sois sauvé.

Mes pensées se tournent à nouveau vers ceux qui me sont proches et me sont chers. Je me sens très mal sur le fait qu’une ou deux personnes puissent avoir du chagrin. Chubbie, Maman et Papa souffrent et je le sens. Je suppose que finalement je dois être plus loin de la piste que je ne l’ai supposé. Peut-être qu’un pilote un peu plus audacieux que les autres, osera venir s’aventurer et survoler ce secteur, après tout ?

Je vais m’attaquer maintenant aux six heures d’enfer. Sans mes blessures je n’aurais pas autant souffert. J’espère pouvoir encore écrire dans ce cahier demain matin. Mais peut-être que quelque chose arrivera aujourd’hui ?

Bill Lancaster


Sixième jour, 11 heures 15 du matin

Il n’y a pas un souffle d’air. C’est mauvais aujourd’hui, avec ma pauvre tête entaillée. Je sens que je pourrai tenir encore aujourd’hui, mais probablement peu demain. À moins que du côté de mes blessures les choses restent en l’état. Je guette toujours le bruit d’un moteur. Si ce devait être le cas, ce serait pour moi la plus belle des musiques.

Je souhaite que vous ayez ce cahier Maman chérie, je vais donc l’envelopper au mieux, car je ne veux pas attendre plus tard et être trop faible pour le faire. J’écrirai mes derniers mots sur la couverture.


Le septième jour, mercredi 19 avril

C’est le dernier jour d’une semaine que je viens de passer au milieu de ce désert du Sahara avec un avion léger crashé et un bidon d’eau.

Chubbie chérie, j’ai tenu bon et je suis resté près de l’appareil et cela pendant toute cette semaine, comme je l’avais promis. Mes blessures m’ont énormément gêné.

Aujourd’hui mon eau sera finie. Ensuite, je ne pourrai pas tenir bien longtemps. Ce sera alors simplement une question de quelques heures. S’il vous plaît mon Dieu, faites que ma fin soit rapide.

Comme ceux-ci sont mes derniers mots, je désire dire encore quelque chose à tous ceux qui me sont chers. Au cours de cette semaine de souffrances dans ce désert, j’ai réfléchi et examiné les aspects de toutes les questions.

Chubbie, cessez de voler, (vous n’y gagnerez plus d’argent maintenant). Rassemblez tout l’argent possible, remboursez ma mère et mon père, ce qui serait équitable. Ensuite prenez un passage pour l’Australie et rejoignez votre douce maman. Réconfortez la pour les quelques années qui lui restent à vivre. Vous penserez au « vieux Bill » comme à un bon champion. C’est moche de terminer comme ça, pensez à moi de temps à autre et écrivez votre livre. J’aimerais que vous me le dédicaciez !

Maintenant ma Chère Maman que j’ai beaucoup négligée dans ma vie, je veux ma chérie que vous voyez Chubbie et parliez de tout avec elle.

« Pardonnez à vos ennemis » devrait être dans vos meilleurs conseils !

Merci ma chérie pour votre poème « Fleurs », il m’a beaucoup réconforté.

Je ne me moque plus de vos vers maman, ils sont merveilleux. Je reste dans l’espoir que vous et père resterez toujours proches l’un de l’autre. Envoyez mes pensées fraternelles à Jack lorsque vous lui écrirez.

Pour mon père : Vous et moi, avons simplement besoin d’une bonne poignée de main sous forme de pensée. Nous nous comprenons.

Cet accident ne fut en aucun cas de ma faute! Ce fut seulement « le hasard du jeu ».

Pensez bien à moi lorsque vous dégusterez une bonne bière. Une bière serait actuellement pour moi un merveilleux nectar. J’ai fait mon testament avant mon départ. Je ne l’ai pas fait pour blesser quiconque, mais seulement pour que mes désirs puissent être accomplis. Isaac le conserve pour Chubbie.

Bien, le soleil, le soleil va se lever bientôt. Je dois ramper sous une aile et attendre. Je vais envelopper tous ces écrits dans de la toile pour les protéger. J’espère qu’il sera envoyé en bon état à la maison.

Souvenez-vous de ceci :

Il ne faudra pas conserver jalousement ce cahier. Il doit être lu par toutes deux, Maman chérie et Chubbie chérie, séparément ou ensemble. Le vieux Bill voudrait qu’elles le lisent ensemble, souvenez-vous, c’est sa dernière volonté. Je vais maintenant l’attacher avec une note à l’extérieur. Au revoir et que Dieu soit avec vous.

Bill


Maman et Chub. S’il y a un autre monde et s’il y a autre chose après ceci (et je sens qu’il y a quelque chose), je serai juste en train d’attendre.

Bill

Plus tard :

Je vais sous l’aile passer les heures de tourment qui m’attendent.

Bien évidemment cette épave doit être difficile à voir du ciel. Elle ne ressemble plus beaucoup à un aéroplane.

Je garde la tête haute. J’espère être arrivé à la fin.

J’attache maintenant ceci dans la toile. J’écrirai le reste sur des morceaux et je les glisserai sous le fil de fer qui ligotera la toile.

Au revoir.

Bill

FUEL BOOK

À ma chère Maman et ma chère Chubbie.

Sur le Log book, j’ai fait un rapport des sept jours passés. Ceci est le septième jour depuis Reggan. J’espère que vous entrerez en possession du rapport et que vous le lirez ensemble pour l’amour de moi. Personne n’est à blâmer, le moteur a été défaillant, j’ai atterri sens dessus dessous dans l’obscurité absolue et voilà…

Allez voir Nina Ann et Pat, embrassez les pour moi… « K » comprendra. J’ai attaché le rapport principal qui contient toutes mes pensées et mes souhaits au longeron de l’aile gauche. J’espère qu’on le trouvera et qu’on vous le remettra. Au revoir…

Mon vieux père écrivez à Jack et adieu mes chéries.

L’aube du huitième jour est arrivée. Je n’ai pas d’eau…

Il n’y a pas de vent. J’attends patiemment, venez bientôt s’il vous plaît. La fièvre m’a éprouvé la nuit dernière.

J’espère que vous aurez mon « Fuel log ».

Bill

POURQUOI AVOIR CHOISI CE TITRE ?

Au cours de ces huit jours à attendre dans l’immensité du Tanezrouft où rien ne pouvait le sauver, Bill se retrouva face à lui-même face à son destin. Face également à cette vie passée un tant soit peu légère ou insouciante quand l’aventure ne fut autre que son quotidien… Il y crut Bill qu’il serait sauvé, il eut cet espoir insensé que les français allaient venir le récupérer. Quelque part il eut raison, mais ce fut bien trop tard. Lorsque l’Adjudant Polidori le retrouva, le hasard fit bien les choses. À ce moment, plus personne n’évoquait le souvenir du Capitaine Lancaster. En février 1962, ses parents l’avaient rejoint dans l’éternel Paradis de ceux qui nous ont quittés. Son épouse Kiki avait également fait le voyage et désormais ils pouvaient deviser ensemble sur ce bref instant qu’est la vie de l’homme sur cette terre. Une vie des plus courtes pour Bill remplie d’histoires aussi fascinantes les unes que les autres.

Sans doute, ne fut-il pas le seul à vivre autant de passions, sans doute fut-il le seul à nous crier son désarroi au travers de sa souffrance du fin fond du désert où il nous écrivit ses joies et ses peines…

Quelques jours après son crash, Bill eut conscience qu’il devait se trouver bien plus loin de la piste qu’il n’avait pu l’imaginer ! Il sut alors qu’il serait difficile de le retrouver. Malgré ça, l’homme continua à y croire, il profita de ce temps pour prodiguer quelques conseils à Chubbie, à sa chère maman.

Affaibli par ses blessures, quand il avait perdu pas mal de sang, se protégeant au mieux de l’enfer du soleil du désert qu’il n’avait jamais imaginé, il resta néanmoins lucide face à la mort qu’il ressentait à chaque instant, la repoussant toujours avec force volonté de croire qu’au bout du compte il serait sauvé.

Jusqu’au dernier jour Bill ne lâcha pas prise, ce ne fut seulement qu’après avoir épuisé toute l’eau dont il disposait qu’il sut que le dernier moment arrivait !

Bill était prêt pour le dernier voyage, dignement, se tenant instinctivement la gorge qui le brûlait, il regarda une fois encore l’astre qui l’avait tant fait souffrir et qui terminait sa course dans un ciel incendié, comme dans un dernier au revoir en hommage à celui qu’il avait défié au-delà du possible pendant huit jours, pendant une éternité !


IN FINE

Bill avait pressenti sa mort !

Il avait rédigé au cours des années précédentes un poème le reliant directement à l’au-delà !

SONNET ON THE DEATH
To lay this garb of flesh forever by
And move relieved of all its lustful weight,
A purer, brighter, more angelic state
For which in days or sin I sadly sigh,
And pray that God my life will terminate
Before to earthly things myself I tie;
Before with brain on fire through dread of fate
I fight to live, fearing alas! To die.
We then shall meet with those who, gone before,
Have watched for us upon the silent shore. United now we onward, upward move,
An atmosphere of blissful peace around,
Till, safe at last within the realms of love,
We see our God, and know our rest is found.

SONNET SUR LA MORT
Pour mettre à jamais à bas cet habit de chair et pouvoir me déplacer soulagé de tout son poids lubrique, dans un état de pureté et de lumière angélique.

Pour celui des jours où je soupire tristement du péché, priant Dieu pour que ma vie ne prenne fin avant que je ne sois totalement attaché aux choses terrestres.

Avant d’avoir la tête en feu par crainte du sort, je me bats pour vivre, désespérant hélas de mourir !

Nous rencontrerons alors ceux qui sont partis avant nous ! Tout en observant le silence de l’autre rive. Nous serons désormais réunis pour aller vers l’au-delà, entourés d’une atmosphère de paix bienheureuse. Jusqu’à ce que la porte du royaume d’amour s’ouvre.

Alors nous verrons notre Dieu et nous saurons que notre repos éternel est enfin trouvé !

Après avoir récemment interrogé Debbie, (fille de Nina et petite-fille de Bill), elle m’explique que ce poème a bien été écrit par son grand-père dans les années 20 (1920), alors que Bill était en Inde avec son épouse Kiki et sa fille Pat.

À l’issue de sa vie Bill aurait pu écrire ce qui suit :

La mort je ne l’ai que trop attendue.
Elle est là, elle arrive, je la sens.
Huit jours déjà qu’elle me tourne autour.
Huit jours d’enfer, huit jours d’espoir, huit jours de souffrances !
Aujourd’hui, je n’en peux plus, la mort me sera douce et je suis prêt.
Mon corps est déjà mort, mais mon esprit résiste, encore un peu et ce sera fini !
La mort je l’ai côtoyé tout au long de ma vie, pourtant j’y ai toujours échappé !
J’ai encore un peu de temps, ce soleil qui a tant brûlé mon corps va bientôt réchauffer mon âme. Je le regarde encore, il me nargue, car il sait lui que demain il renaîtra à nouveau !
Je repense au poème que ma chère maman m’avait confié.

Le poème est retrouvé dans les papiers de Bill

Le même poème tenu par Debbie

KINDNESS
I shall pass this map but once, any good thing therefore that I can do or any kindness that I can show to any human being, let me do it now.
Let me not defer it or neglect it, for I shall not pass along this man again.

BONTÉ
Je vais traverser ce monde une fois seulement. Donc tout ce que je puisse faire de bon, ou toute bonté que je puisse montrer à tout être humain, permettez-moi de le faire maintenant. Permettez-moi de ne pas le reporter ou de le négliger, car je ne retraverserai plus le monde de cette façon.

Maintenant il est temps, je vous quitte chers tous pour ce dernier voyage, l’enfer restera derrière moi.
Le paradis est là, je pourrai bientôt me reposer de cette vie d’aventures, je sais déjà que vous ne m’oublierez pas !

Alain - Novembre 2015

AVERTISSEMENT :

Précision de mon ami Michel FERNEZ administrateur du site du 3ème Groupe de Transport :
http://www.3emegroupedetransport.com/

Concernant l’origine de ce poème il est indispensable de consulter l’auteur de ce texte :

Sur le lien :
https://en.wikiquote.org/wiki/Stephen_Grellet

et la traduction :
https://translate.google.fr/translate?hl=fr&sl=en&u=https://en.wikiquote.org/wiki/Stephen_Grellet&prev=search

 


PENDANT CE TEMPS-LÀ

Nous avons vu précédemment que Bill disparaissait dans la nuit du 12 au 13 avril 1933.

Il faut attendre le 15 avril pour que la presse anglaise évoque la disparition de Bill.


LONDRES, 15 Avril – Le Capitaine William M. Lancaster, identifié comme aviateur anglais et vétéran de la guerre, s’est perdu dans le désert du Sahara, ce soir.
    L'aviateur britannique en retard de plusieurs heures tentait d'établir un nouveau record de vitesse à partir de Londres jusqu’à Capetown en Afrique du Sud.
    Il n'a pas été encore repéré par une demi-douzaine d'automobiles partis à sa recherche.
    Après le ravitaillement, il a quitté Reggan en Afrique le mercredi. Depuis lors, pas un mot de ses allées et venues n’a été reçu. Il avait d'abord gagné sa renommée en 1927, lorsque lui et Mme Jessie Keith- Miller, une aviatrice australienne, en effectuant un vol de près de 29000 Km de Londres en Australie.
    Le Capitaine Lancaster a été récemment acquitté de l’accusation d'avoir commis un meurtre à Miami, en Floride. Au travers de la mort du jeune Hayden Clark, qui avait remplacé Lancaster dans les affections de Mme Keith Miller.

 

La presse française évoquera la disparition de Lancaster le 17 avril suite à l’information du 14 avril de l’agence Havas.


Qu’est devenu Lancaster ?
Alger 14 avril (Havas)
On signale de Gao que l’aviateur Lancaster qui tente de battre le record Londres-Le Cap et qui est parti de Reggan jeudi matin, n’est pas arrivé à Gao où il était attendu.

NOTA : En réalité Bill avait décollé de Reggan dans la soirée du mercredi 12 avril et non le jeudi matin comme écrit par la presse.









Pourtant, Chubbie ne trouvera pas d’avion pour aller secourir Bill.
Personne ne souhaitera lui prêter l’appareil dont elle aurait eu besoin pour réaliser ce vol de recherches. De plus le 20 avril Bill disparaissait pour l’Éternité. Chubbie n’aurait pu que retrouver sa dépouille et ceci guère avant le 23 avril ! Il fallut attendre 29 ans pour savoir ce qu’était réellement devenu le Capitaine Lancaster.

 

The Emir, who is keen on flying, was particularly interested, and promised that instructions should be issued to his subjects for a search along the boundaries of his territory.


PSYCHIC CHANNELS

"I do not now believe that my son is alive", said Mr. Lancaster to a "Daily Express" representative. "Indeed, I know that is not. Messages have come to us from him from the other side through psychic channels.
"He did not suffer; that is a great relief to his mother and to me.
"Sooner or later, we shall know everything. He and his machine will be discovered very much in the same way as Bert Hinkler was found, after and interval of nearly four months. I have been assured that he will be found."
A remarkable fact is that the bad weather which overwhelmed Captain Lancaster was forecast. On the morning he left England Mr Lancaster had a horoscope taken in relation to his son's attempt.
Clearly marked on the chart for the early morning of April 13 was the note:
"Will meet very bad patch. Difficult weather. "There was the additional prophecy that if the weather was overcome Captain Lancaster would attain his object and break the England-to-the-Cape record.


L'Émir, passionné de vol, a été particulièrement intéressé et il a promis que des instructions seraient données à ce sujet pour une recherche le long des frontières de son territoire.

CONTACTS PSYCHIOUES

« Je ne crois pas maintenant que mon fils soit vivant », a dit M. Lancaster à un représentant du « Daily Express ». « En effet, je n'en sais rien. Mais les messages nous sont parvenus de lui psychiquement de l'autre côté de l’infini.
« Il n'a pas souffert: c'est un grand soulagement pour sa mère et moi.
Tôt ou tard, nous saurons tout. On le découvrira ainsi que sa machine de la même façon que Bert Hinkler a été trouvé, après un intervalle de presque quatre mois.
J’ai été assuré qu'il sera trouvé. »
Un fait remarquable est que le mauvais temps qu’a subi le Capitaine Lancaster était prévu.
Le matin où il avait quitté l’Angleterre, M. Lancaster avait fait prendre un horoscope par rapport à la tentative de son fils.
Il était clairement marqué sur le billet pour le premier matin celui du 13 avril :
« Il respectera très mal le parcours. Temps difficile. » II y avait la prophétie supplémentaire que si le mauvais temps était surmonté le Capitaine Lancaster atteindrait son objectif et gagnerait le record d'Angleterre-the-Cape.

Document source: communiqué par Graham Powell – Traduction: Alain Brochard – Novembre 2012


À la lecture de ce document, il est clair de ressentir le profond désarroi d’Edward LANCASTER, le père de Bill. À cet instant le père de Bill pense avec la plus grande tristesse qu’il ne reverra plus son fils qu’il ressent déjà transporté dans l’au-delà aux confins du désert, disparu sans laisser de nouvelles… Nouvelles que nous donnera Titus Polidori près de trente ans plus tard.


Le Colonel Charles Mélin au cours de ses conférences du Rotary Club à La Rochelle, donne quelques précisions sur le poste militaire de Reggan.
En avril 1933, l’Adjudant Denis commande précisément ce poste où il y a une antenne de la Compagnie Transsaharienne dirigée par Monsieur Bauret. Bill évoque dans son Log book Monsieur Bauret qui lui avait promis de partir à sa recherche au cas où il aurait été obligé de se poser dans le désert. Bill emprunte à ce moment une lampe torche, car son éclairage de bord ne fonctionne pas. Ce sera cette lampe torche que François, « le Lieutenant Moppert » me fera parvenir en juin 2008, après que nous ayons noué contact.
De plus, Monsieur Bauret avait d’ailleurs remis à Bill une boîte d’allumettes pour qu’il puisse allumer un feu en cas d’atterrissage forcé.
Quatre-vingts deux ans plus tard, il est à noter que le grand livre du destin de Bill est toujours ouvert, entre la lampe torche que le pilote récupère à Reggan et les allumettes qui lui permettront d’allumer ses torches, sans succès il est vrai, mais tout ceci s’inscrit dans l’histoire sur laquelle nous sommes toujours aujourd’hui.
Le destin de Bill n’était-il pas de montrer que sans les témoignages, les écrits, les divers documents photos ou films, l’éternité n’est rien.
Tout ça pour souligner que les vivants doivent tout au long de leur vie rappeler la mémoire de ceux qui les ont précédés, cela sans cesse et sans relâche pour que « la nuit des temps » n’efface jamais les racines dont nous sommes issus !

Sur le terrain du côté de Reggan, après avoir reçu le message de Gao annonçant que le Capitaine Lancaster n’avait pas atterri, l’organisation des recherches se met en place. Le Colonel Paul Gay en faire part de nombreuses années plus tard dans une publication du journal La Rahla.


L’immensité du désert est telle qu’il n’est pas surprenant de la difficulté que purent avoir les militaires français à cette époque pour imaginer de retrouver le Capitaine Lancaster.
Le Tanezrouft le fameux désert de la soif si bien évoqué par le Lieutenant Moppert fin 1962, représente en 1933 une difficulté sans pareille. À partir d’avril, à cette date jusqu’en octobre sa traversée en est tout simplement interdite, ce que j’apprenais trente ans plus tard, lors de mon séjour à Reggan en 1963/1964.
Où pouvait bien se trouver Lancaster, ce que nous dit Paul Gay en 1962 est le parfait reflet de la réalité. Lancaster sera recherché le long de la piste Impériale avec quelques inclusions très limitées en dehors de la piste. Il faut se rappeler qu’en 1933, les moyens automobiles tous terrains en étaient à leurs débuts !
Apparemment, tous avaient oublié que Lancaster disposant d’un compas ne pouvait, en vol d’une nuit sans lune, que gouverner directement dans l’axe de Gao qu’il devait rejoindre au petit matin.
Nous avons su plus tard, lorsque Titus Polidori retrouva l’épave de l’avion par le plus grand des hasards, que Bill avait effectivement gouverné au mieux dans l’axe de Gao et qu’il était tombé à 70 Km à l’Ouest de la grande piste Transsaharienne.
En avril 1933, il aurait fallu le plus grand des miracles pour qu’il puisse être retrouvé. Sans doute Chubbie disposant d’un avion et basée à Reggan à ce moment aurait sans doute compris la trajectoire empruntée par Bill.

Ce n’en fut rien, lorsqu’elle apprit la disparition de son compagnon, il était trop tard pour se rendre sur place et quand bien même, elle n’aurait pu découvrir que la fin tragique de son amant.
Pour confirmer la difficulté de retrouver Lancaster il suffit de se souvenir qu’en novembre 1975 l’équipe de Wylton Dickson mit plusieurs jours avant d’apercevoir in extremis l’épave du Southern Cross Minor, ceci malgré les indications assez précises de Titus Polidori.
Lire : http://www.3emegroupedetransport.com/POLIDORITitusa.htm
http://www.3emegroupedetransport.com/LeSCMestarracheaudesert.htm

Aujourd’hui au moment où je rédige ce papier, le Dr Mahammed Mahboubi et son équipe repartent pour la quatrième année consécutive dans le Tanezrouft, pour retrouver l’emplacement exact du point crash.
Aujourd’hui le Tanezrouft est vide de la carcasse du Southern Cross Minor. À l’encontre de Titus Polidori, aucune anomalie n’est visible à la surface du désert. Les distances données par les militaires sont entachées d’erreurs qui peuvent conduire à des écarts de plusieurs Km. À noter l’erreur sur les coordonnées (environ 8 Km) données par le Général Aubry en 1995. L’équipe du Dr Mahammed Mahboubi s’était approchée en 2013, de quelques centaines de mètres du point crash en retrouvant une embase de rivet.
Lire : http://www.3emegroupedetransport.com/80ansapres.htm

Mais l’année dernière alors que les recherches devaient se concrétiser, la tempête s’est levée chassant du secteur l’équipe de géologues qui sur le point d’aboutir, se retrouva frustrée d’une telle situation.
Le Tanezrouft vengeur voulut peut-être à ce moment garder pour lui le secret du lieu où le Capitaine Lancaster rendit l’âme.

 

ET APRÈS

Il suffit de lire l’ensemble des écrits relatifs à l’histoire de William Newton LANCASTER, postés sur le site du 3ème Groupe de Transport :
http://www.3emegroupedetransport.com/WilliamNewtonLANCASTER.htm

La saga de Bill se terminant en tragédie après une vie de quelques 34 ans, une vie riche d’aventures, d’insouciance de faits divers…
La vie d’un pionnier, pilote qui avait une telle soif de liberté qu’il oublia au dernier moment que les forces de la nature dépassent toujours l’homme quoi qu’il fasse et que d’un coup de baguette magique le Grand Maître de l’Univers peut inverser toute situation.
Lorsque l’homme aura compris qu’il n’est rien par rapport à l’Immensité et qu’il lui faut compter avec ce qui l’entoure, il aura fait un grand pas ! Nous n’en sommes malheureusement pas encore là…
Bill comprit ça pendant les huit jours où il fut prisonnier avant que le désert ne le libère, il comprit que sa destinée ne pouvait pas être que le fruit d’une bonne étoile, il avait raison et son discours encore aujourd’hui doit nous interpeller !

Alain BROCHARD - Décembre 2015


DIVERS

Dans la revue de Botanique Appliquée… voir le dernier chapitre « DIVERS », il est à noter à la page 511 de la Revue de Botanique appliquée de Juillet 1932 selon le rédacteur Auguste Chevalier, l’intérêt de Mr Bauret à l’observation des vols dévastateurs de sauterelles sur la palmeraie de Reggan, cela daté du 28 octobre 1931.

Persée : Nouvelles observations sur les Sauterelles du ...
www.persee.fr/web/.../jatba_0370-3681_1932_num_12_131_5152
de A Chevalier - ?1932 - ?Cité 3 fois - ?Autres articles

A mon arrivée à Touggourt (14 décembre), à El Goléa (23 décembre), à Adrar (29 décembre), j'ai appris en ces localités que des vols importants de Sauterelles Pèlerines étaient passées quelques semaines plus tôt se dirigeant vers le N. C'est dans les premiers jours de novembre 1927 que le Pr E. Perrot a vu entre le Touat et le Tanezrouft des Sauterelles adultes s'envolant devant l'auto. Pendant mon séjour à Adrar et à Reggan-Taourirt (du 29 décembre 1931 au 11 janvier 1932) aucun vol n'est passé, mais j'ai recueilli un certain nombre de Pèlerins adultes restés à la traîne sur les Palmiers, volant modérément d'un Dattier à l'autre; quelques-uns étaient empalés par les ailes sur les épines des pétioles. J'en ai même recueilli en plein erg, dans des endroits privés de toute végétation, posés sur le sable. Ils étaient encore vivants mais se laissaient prendre facilement. On rencontrait aussi quelques cadavres desséchés ou attaqués par des fourmis et par d'autres insectes désertiques. Des indigènes m'ont raconté qu'un mois avant mon passage à Reggan des vols importants s'étaient abattus sur la Palmeraie de Reggan et avaient fait de grands dégâts. Certains Dattiers sur la bordure de l'oasis avaient toutes leurs feuilles réduites au rachis et à la nervure médiane des folioles, celles-ci même parfois dévorées. Les cultures herbacées de la Palmeraie sont parfois complètement ravagées, les branches des Acacia ont l'écorce rongée. A El Goléa certains arbres comme les Casua- rina ont été épargnés.
Il semble que les Schistocerca ont un sens qui leur permet de se diriger d'oasis en oasis. D'après M. Bauret représentant de la Cie générale Transsaharienne, les vols sont arrivés à Reggan le 28 octobre. Les Pèlerins sont restés trois jours posés ; au tantôt ils reprenaient leur vol, mais ils revenaient le soir, se posant non seulement dans l'oasis et sur son pourtour, mais en plein désert nu, notamment autour du bordj Estienne. Ils sont ensuite partis en suivant l'Allée des Palmiers du Touat. Ils se sont posés ensuite à l'oasis d’Adrar où ils ont commis quelques dégâts. De là au lieu de se diriger en plein N où ils auraient volé au-dessus du désert desséché (par suite d'une sécheresse de plusieurs années), jusqu'à Figuig et Béni-Ounif, soit sur plus de 500 km. ils ont dévié à TE. passant par Timimoun, El Goéla, Ghardaia et Laghouat, c'est-à-dire en suivant les vallées des oueds, à végétation plus dense.


Dans l’article ci-après le Capitaine F Demoulin traite des communications Sahariennes, il note page 491 le passage à Reggan le 12 avril 1933 de l’aviateur anglais le Capitaine Lancaster, qui ne fut pas retrouvé malgré les recherches !


Persée : Les communications sahariennes. Voies d'empire
www.persee.fr/web/.../geo_0003-4010_1939_num_48_275_11352
de F Demoulin - ?1939 - ?Cité 1 fois - ?Autres articles
Du point de vue militaire, l'automobile permettrait le transport rapide de .....
Le 12 avril 1933, à la nuit tombante, le capitaine anglais Lancaster s'envola de Reggan ... un poste météo et T. S. F. Les terrains secondaires offrent des abris pour le