Station météo d’In Eker


Retour HOGGAR

EN théorie, les explosions souterraines ne nécessitaient pas de précautions particulières en matière de direction des vents, à la différence des explosions aériennes. Pendant l'été 1960, après la première campagne d'essais aériens, le gouvernement décida de renoncer pour la troisième campagne à ce type d'essais et à leur substituer des essais souterrains dans le Hoggar. On venait de renoncer à les faire dans le désert des Agriates en Corse, site envisagé parmi d’autres.


La construction du Centre d’Expérimentations Militaire des Oasis (CEMO) avait un nom un peu ambigu, le département des Oasis s’étendant sur tout l’Est Saharien. Les premiers forages dans le Taourirt Tan Afella furent camouflés derrière de soi-disant recherches de minerais d'or et d'uranium. Le site commença à se développer au début de 1961 avec la création d'un aérodrome au nord-est d'In Amguel et des travaux d'aménagement de la base vie se trouvant elle presque à mi-chemin entre le village targui de In-Amguel et le puits d’In-Eker dont le bordj fut occupé par la gendarmerie militaire. La base DAM Oasis 1 puis Oasis 2 était elle construite à l'écart de la route à quelques kilomètres à l'Est du Tan Afella.


La piste de Tamanrasset (Alger-Niger) fut déviée au Nord par un détour à l'est et ensuite par un détour à l'ouest de façon à masquer aux étrangers les activités de construction des bases. L'ancienne piste fut transformée en route goudronnée entre base-vie des militaires, escale aérienne, base DAM et travaux de forage.


L'étanchéité de la montagne aux retombées radioactives avait été testée par de nombreux carottages dans le granit. Cependant, la Météo Nationale dont les études avancées avaient bénéficié de la campagne de mesures autour de Reggan se rangeait dans le camp des sceptiques quant au caractère inoffensif de ces essais pour l'environnement. Elle accepta la fermeture des stations radar d’Ouargla, de Atar (Mauritanie) et de Tessalit (Mali), mais obtint le maintien de la station de Reggan et la création d'une station à In Eker s'attachant davantage aux mesures à basse et moyenne altitude. Ce fut la station de Tessalit qui fut installée après un parcours via Reggan de près de 2 000 km de mauvaise piste, le radar (et son tracteur) étant sur le dos d'un gros camion transporteur. Ce voyage s'effectua sans anicroche au mois de mai 1961. La station fut inaugurée au mois de juillet. L'équipe - celle qui était à Tessalit - était installée dans son propre campement au milieu des cailloux à 2 km de la montagne tout près du bordj d’In Eker.



Au départ, l’écho du réflecteur du ballon pouvait être confondu avec les échos fixes et un contrôle visuel pouvait être utile

Les mesures se faisaient comme avant, à ceci près que les météo avaient fait placer en plus quelques anémomètres relevés par hélicoptère près des sondages verticaux.




Le ballon et son réflecteur radar, ce jour là il n'y avait pas de radiosondes


Le problème de fabrication d'hydrogène pour le gonflement des ballons était le même qu’à Reggan, le matériau (ferrosilicium et soude caustique) pouvant être transporté par camion, alors qu’à Tessalit, il fallait faire un transport aérien qui nous posa des problèmes avec les bureaucrates du boulevard Victor (ceux-ci ne nous donnèrent l'autorisation qu'à condition que le trajet de l'aéronef ne comporte pas de portion survol maritime, condition relativement aisée à remplir dans le Tanezrouft). On verra ici le matériel utilisé pour la fabrication et le stockage de l'hydrogène.



L’« atelier » de gonflement des ballons avec les bouteilles de stockage d'hydrogène.
Derrière la tente abri des ballons en cours de gonflage par vent non nul


Sondage du matin à In Eker : préparation de la radiosonde observée par Jacques Detwiller.
Derrière le radar Cotal, le Taourirt Tan Afella.

 

Lors de la première explosion souterraine (S1 alias Agathe) le 7 novembre 1961, la seule à laquelle j'ai assisté, les choses se passèrent très bien, le vent soufflait vers l’ouest et entraîna un gros nuage de poussière dû à l'avalanche de cailloux déclenchée par l'explosion et qui tenaient en équilibre depuis quelques millions d'années - au bas mot - .Je me trouvais près du radar avec quelques météos, nous avions perçu des masques à gaz et des dosimètres. Les seconds, qui ne furent pas contrôlés, nous les portions en collier autour du cou et nous gardions les masques à gaz à proximité. J'avais fait ranger les jeeps de manière à évacuer les lieux sans embouteillage au cas où... Si le tremblement de terre fut sensible et l'avalanche dura une dizaine de minutes; toutes les précautions prises s'avérèrent heureusement inutiles. L'explosion fut de faible puissance peut être moins que la DAM ne le prévoyait.

 


Photo de la montagne juste après la première explosion avec les nuages de poussière causés par les avalanches de pierre


L'explosion avait été contenue par l'effondrement du souterrain en colimaçon qui reliait la chambre à la sortie extérieure. J’ai eu l'occasion de visiter les travaux bien avant que le matériel sensible ait été entreposé et avais remarqué un forage de très faible diamètre qui bypassait le colimaçon pour permettre l'analyse des neutrons rapides dans une station de la DAM située à environ 2 km du point zéro dans la montagne. Mon réflexe de « mineur » fut de suspecter cette conduite, mais on m'expliqua que les neutrons passeraient avant les débris gazeux de l'explosion et que l'onde de choc effondrerait le colimaçon avant que les matériaux radioactifs n'empruntent la conduite.


Photo d'une « carotte » du granit du Tan Afella

 

L'explosion suivante eut lieu en mai 1962 après mon départ. La présence des ministres MM Messmer et Palewski et le succès des précautions prises pour le premier essai encouragèrent à tirer malgré une météo moins favorable (vent du secteur ouest vers les expérimentateurs). La rupture du colimaçon survint après l’expulsion à l’air libre d’une quantité notable de radioactivité qui baigna les ministres, les expérimentateurs et des bidasses dont l’encadrement était plus habitué à la guerre contre les Algériens que contre les neutrons...

Retour HOGGAR

© 1961-2003 Jean Bellec