TANEZROUFT

24° 13' Latitude Nord

0° 06' Longitude Est

 

« UN PAPILLON DANS LE DÉSERT »

OU LA TRAGIQUE HISTOIRE DE WILLIAM NEWTON LANCASTER


« Vanessa-Cardui » ou « La Belle-Dame »
http://www.liensutiles.org/insectes.htm

 

AVERTISSEMENT

Cet essai, à la mémoire de William Newton LANCASTER a été réalisé en hommage à ceux qui ont participé de près ou de loin à cette tragique histoire. Au cours de la rédaction, j'ai fait appel à de nombreux documents (textes et photographies).
Merci mille fois à ceux qui m'ont rejoint, soutenu et aidé dans ce travail de recherche, où la participation de chacun fut pour moi, à chaque contact le renouvellement de l'émotion même, que Titus, François, Charles, Jean, Victor, pour ne citer qu'eux, avaient ressentie à l'instant où ils découvrirent Bill dans ce linceul que lui donna le Tanezrouft.
Loin de moi l'idée d'avoir voulu plagier quiconque, n'ayant pour objectif que d'informer et de rappeler des faits authentiques. Faits, que j'ai essayé de rapporter avec la meilleure fidélité.
Si toutefois j'avais pu commettre telle ou telle erreur, je reste ouvert à toute nouvelle précision sachant qu'il sera toujours possible d'amender ce texte dans le souci d'informer au mieux.
Concernant les « COPYRIGHT © », j'ai pris soin de donner toutes mes sources dans le but de permettre à tous ceux qui le souhaiteraient de revenir à « l'origine ». Je n'ai pas pu retrouver personnellement tous les « propriétaires » des écrits et photos et obtenir ainsi leur accord.
De ce fait, dans le souci de protéger l'ensemble de ces documents, la publication est réalisée sur le site Internet: http://www.3emegroupedetransport.com/ avec le COPYRIGHT © correspondant.
Merci de votre compréhension.
Alain BROCHARD

Le huitième jour, Bill regarde le soleil
descendre vers l'ouest. Il a écrit ses
derniers mots. Il reste les yeux ouverts,
contemplant d'un ultime regard la beauté
de cet astre qui l'a tant fait souffrir.

Lorsque l'horizon se confond avec le ciel,
le capitaine LANCASTER n'est plus,
il a rejoint la lumière de son éternité.



Coucher de soleil sur le TANEZROUFT, photo prise de Reggan-Plateau (novembre 1963)


AVANT-PROPOS

L'AVENTURE HUMAINE

L'homme depuis la nuit des temps a toujours cherché à progresser.
Curiosité, nécessité, sa vie s'est modelée au fur et à mesure de son parcours.
Du premier « Radeau de roseaux » à la Navette Spatiale, nombre de « PIONNIERS » se sont relayés pour toujours pousser plus loin !

L'aventure nous dit Jéromine PASTEUR (1) :

« C'est un frisson passionné, une détermination exaltante qui nous apporte la communion avec notre univers, permettant une évolution permanente et un bonheur instantané ».

L'AVENTURE EST UN CHEMIN QUI A DU CŒUR

Bill faisait partie de ces aventuriers et il aurait sûrement aimé cette citation !

Cet « essai » a pour but de rappeler tout d'abord la mémoire de Bill LANCASTER. Ensuite, l'histoire ne s'arrêtant pas à la découverte de la dépouille mortelle de Bill, il était nécessaire de « boucler la boucle », en faisant connaître à tout un chacun la suite de cette affaire. Ce texte, rédigé dans l'esprit d'une enquête, s'appuie sur de nombreuses publications faites depuis février 1962.
Cette histoire n'est pas un roman, l'objectif étant de ne rappeler que des faits réels.
Je dédie ce texte à tous les curieux de l'aventure humaine, rappelant à ceux dont la vie est devenue désespérance, qu'il ne faut jamais baisser les bras, ne rien céder, croire en soi-même, comme Bill a su nous le dire pendant ses huit jours d'agonie.
Alain BROCHARD
___________________________________
(1) Jéromine PASTEUR : Une remarquable aventurière, pour tout savoir --> INTERNET

SOMMAIRE
- BIBLIOGRAPHIE
- LE MOT DE FRANÇOIS MOPPERT
- LE MOT DE BRIAN CROZIER
– QUI ÉTAIT WILLIAM NEWTON LANCASTER ?
– LE RAID « LONDRES – LE CAP »
– BILL DISPARU
– L'ESCADRON BLANC
– HUIT JOURS AU DÉSERT
– TRADUCTION DES DERNIERS ÉCRITS DE BILL
– LA DÉPOUILLE DE BILL RAMENÉE À REGGAN
– LES HONNEURS MILITAIRES, L'INHUMATION DE BILL
– ET ENSUITE ?
– À LA RECHERCHE DE LA TOMBE DE BILL
– ÉPILOGUE
– REMERCIEMENTS
SUITES
– Le « Southern Cross Minor » ne peut pas rester dans le désert
– Étude détaillée du parcours de Bill par le Lieutenant-colonel Maurice PATISSIER
– La stèle mémoire
ANNEXES
-TANEZROUFT Désert de la soif (François MOPPERT)
- COMPAGNIE GÉNÉRALE TRANSSAHARIENNE (Transmis par Pierre JARRIGE)
- La symbolique de la Pyramide
- Le Queensland Muséum de Brisbane (Australie)

NOTA : Tous les documents et photos présentés dans ce texte, n'ont que pour objet de permettre au lecteur de mieux situer l'environnement de cette histoire.


BIBLIOGRAPHIE
– TRADUCTION ORIGINALE du LOG-BOOK et FUEL-BOOK de W. N. LANCASTER par le colonel Charles MÉLIN, Intendant militaire du Sahara (Février 1962).
– TANEZROUFT DÉSERT DE LA SOIF par le Lieutenant François MOPPERT (Gendarmerie Nationale - Revue d’Études et d'Informations n° 54 - 4ème Trimestre 1962).
– LA TRISTE HISTOIRE DE LANCASTER par le Général AUBRY (Bulletin trimestriel de la Société Nationale des Anciens & des Amis de la Gendarmerie n° 209 de Janvier 1990).
– RENDEZ-VOUS AVEC LA MORT par le Général AUBRY (Gendarmes d'Hier et d'Aujourd'hui n° 32 & 33 de Mai-Juin 1995).
– Magazine Français (PM Novembre 1962).
Les documents et photographies fournis par le QUEENSLAND MUSEUM de BRISBANE (Australie).
– WILLIAM NEWTON LANCASTER préparé par E.P. WIXTED (QUEENSLAND MUSEUM BRISBANE) (1975 amendé en 1980).
– LOST IN THE SAHARA par Terry GWYNN-JONES – Aviation History (Juin 2006).
– VERDICT ON A LOST FLYER de Ralph BARKER aux Éditions HARRAP (1969).
– JESSIE MAUD « Chubbie » MILLER (1910-1972) Pioneer Aviatrix :
http://www.ctie.monash.edu.au/hargrave/miller.html
- L'AVIATION LÉGERE EN ALGÉRIE (1909-1939) de Pierre JARRIGE (Éditions Pierre JARRIGE) http://www.aviation-algerie.com/
– GROUILLE OU ROUILLE de François MOPPERT (Éditions Thélès - 1er Trimestre 2008).


LE MOT DE : François MOPPERT

   Le premier choc pour moi fut la découverte, en février 1962, de la carcasse du biplan monoplace « Southern Cross Minor », qui s'était écrasé vingt-neuf ans plus tôt, 70 km à l'ouest de la piste impériale n° 2, à hauteur du P.K. 296 sud de Reggan et qu'aucune caravane (je pense aux R'Guibats), aucune mission de reconnaissance (bien avant la décision d'installer le C.S.E.M., les pétroliers avaient sillonné le Grand Erg) ni aucune patrouille militaire n'avaient repérée.

   Le deuxième choc, ce fut la découverte, non seulement du pilote momifié par le sable, les mains crispées sur sa gorge au moment de son agonie au bout du huitième jour de résistance à la faim et à la soif, mais aussi de son journal rédigé quotidiennement qu'il a pris soin d'envelopper dans un petit paquet ligoté sous l'aile de son avion.

   Le troisième choc, je l'ai ressenti en juin 2008, soit quarante six ans après, lorsque, sur mon ordinateur, je découvrais un courriel, celui d'Alain BROCHARD, ayant réussi par son obstination, à me retrouver aux antipodes de la France, à Tahiti, et à me mettre sous les yeux l'article que j'avais consacré à cette odyssée dans la revue n° 54 de la gendarmerie (fin 1962).

Alain a fait un travail de recherches remarquable sur les circonstances de ce drame, sur le défi insensé que LANCASTER s'était fixé, frisant l'inconscience : il a pris son envol de Reggan, très fatigué, ayant déjà eu des ennuis de moteur, mais n'hésitant pas à aller vers Gao au plus court, en s'éloignant donc délibérément de la piste impériale. Le mieux pour lui eut été de trouver la mort au moment même de l'accident. Mais nous n'aurions rien su du courage, de la prouesse de ce « champion de l'absolu », déterminé à se vaincre lui-même, tel Alain GERBAULT ou tel ce Tahitien, qui, il y a 7 ans, à la suite d'une panne de moteur de son embarcation, a dérivé de Moorea aux îles Cook, cent dix jours durant, n'ayant jamais baissé les bras. *

François MOPPERT, Punaauia, Tahiti, février 2009.

* http://www.oheditions.com/spip.php?article12

François fut un des premiers sur les lieux du crash, suite à l’appel de Titus POLIDORI qui avait découvert par hasard la carcasse de l'avion (février 1962), il fut chargé de rédiger le procès-verbal de l'accident du capitaine LANCASTER (avril 1933).

Lire le texte de François


Le docteur François MOPPERT


http://www.lesnouvelles.pf/le-temps-de-vivre/1850-francois-moppert.html


LA PAGE DE FRANÇOIS MOPPERT



LE MOT DE : Brian CROZIER

Foreword

I have to thank my friend Alain Brochard for his invitation to contribute this foreword to his account of the extraordinary story of Bill Lancaster and « Southern Cross Minor ».

As you will read in these pages, the wreck of « Southern Cross Minor », and Lancaster’s tragic remains, were discovered in the Tanezrouft 300 km south of Reggane, in 1962 – 29 years after Lancaster was lost in 1933. In 1975 an expedition including seven members from Brisbane was launched to recover the wreck and return it to Brisbane, where it eventually arrived in January 1980. By February it was on display to the public, displayed as far as possible as it was found in 1975.

It has remained on display ever since that date, with the exhibition recreated when the Museum moved to its current building in 1986. Lancaster’s story is now told as part of Queensland’s remarkable history in early aviation, along with the careers of Sir Charles Kingsford Smith, Bert Hinkler, the World War 1 air ace Roderic Stanley Dallas, and Lores Bonney, who flew her Klemm monoplane over similar territory to that which claimed Lancaster, on her way to South Africa in 1937.

For a museum curator, « Southern Cross Minor » and the Lancaster story have a special magic, arising not only from Lancaster’s own personal tragedy but also from what they say to us about flying in the pioneering days of the 1930s, exposed in tiny aircraft with minimal navigational aids, searching for landmarks and at the mercy of the weather.

Flying then was very personal. Unlike the mass experience of modern air travel, this was a time for individuals relying on their own skills. It gave us heroes who achieved wonderful things. It also gave us those who, like Lancaster, failed and died. We recognise both the triumph and the tragedy of those early days of flying.

Based on diligent, imaginative and original research, this book tells a remarkable story of heroic failure, and I commend it to you.

Brian Crozier


Avant-propos

Je tiens à remercier mon ami Alain Brochard pour son invitation à écrire un avant-propos à l'histoire extraordinaire de Bill Lancaster et son avion le « Southern Cross Minor ».

Vous y lirez que l'épave de l'avion et la dépouille mortelle de Lancaster ont été découverts dans le Tanezrouft à 300 km au sud de Reggan en 1962, 29 ans après la disparition du pilote. En 1975 une expédition, dont sept personnes de Brisbane, a été lancée pour récupérer l'épave et la ramener dans cette ville où elle est finalement arrivée en janvier 1980. Le mois suivant, le « Southern Cross Minor » fut exposé au Musée du Queensland, autant que possible dans l'état où il fut retrouvé en 1975.

Il reste exposé depuis cette date, avant et après le transfert des locaux du Musée en 1986.
L'aventure de Lancaster forme une partie intégrale de l'histoire remarquable des premiers temps de l'aviation en Queensland, de même que les exploits de Charles Kingsford Smith, de Bert Hinkler (un as de la Première Guerre Mondiale), de Roderic Stanley Dallas et de Lores Bonney, qui en 1937 a piloté son monoplan Klemm vers l'Afrique du Sud au-dessus d'un territoire semblable à celui survolé par Lancaster.

Pour un conservateur de musée, le « Southern Cross Minor » et l'histoire de Lancaster ont une magie particulière, provenant non seulement de la tragédie de l'aventurier lui-même, mais aussi des exploits d'autres pionniers de l'aviation des années 1930, qui s'exposaient tous dans de minuscules avions avec peu de moyens techniques, pilotant à vue et restant à la merci des éléments.

Le vol était alors une expérience très personnelle. À la différence du transport aérien de masse de nos jours, ces aventuriers ne pouvaient compter que sur leur propre savoir-faire. Quelques-uns ont réalisé de merveilleux exploits, et d'autres, comme Lancaster, ont échoué et perdu leur vie. Leur triomphe et tragédie font partie de notre héritage.

Basé sur une recherche diligente, imaginative et originale, cet essai raconte l'histoire remarquable d'un échec héroïque. Je vous le recommande.

Brian Crozier
Conservateur
Musée du Queensland, Brisbane, Australie

Traduction de James et Maguy GRAY

 

Le Dr Brian CROZIER

Le Dr Brian CROZIER
Senior Curator of Science and Technology
au Queensland Museum
Photo prise au musée en 2008

Copyright © Brian CROZIER

Brian, après avoir reçu mon premier courrier (traduit avec talent par mon ami James), n'hésita pas une seconde à me répondre.
L'histoire du Capitaine LANCASTER était toute proche de lui à travers la présence du « Southern Cross Minor », qui, parti de Lympne en 1933, s'était finalement posé au QUEENSLAND MUSEUM de BRISBANE en 1980.
Donc, sans hésiter, Brian me fit parvenir un ensemble de documents partiellement reproduis dans le texte de (Papillon …).
C'est là où je m'aperçus que l'affaire LANCASTER avait eu des suites et que la récupération de l'épave de l'avion de Bill n'avait pas été une sinécure !
Nos échanges furent parfois de plusieurs e-mails par jour tant nos interrogations sur tel ou tel point étaient fortes.
Puis Brian quitta le musée pour passer à d'autres tâches.
Remplacé par Géraldine, sans oublier Kathy qui elle-même avait succédé avec brio à E.P. WIXTED, la chaîne n'était pas rompue et mes questions trouvaient toujours des réponses.
Un merci particulier au QUEENSLAND MUSEUM qu'ils ont su représenter pour le meilleur en faisant pour moi renaître l'aventure de Bill.

Alain

Le site de Brian


PREMIÈRE PARTIE

QUI ÉTAIT WILLIAM NEWTON LANCASTER
?


Edward LANCASTER était des plus heureux, ce matin du 14 février 1898. Maud, sa seconde épouse venait de lui donner un beau garçon qu'ils prénommeraient William Newton.

Edward LANCASTER était un ingénieur civil dont la
compétence était très reconnue en Grande-Bretagne.
Il eut trois enfants de son premier mariage, puis trois
de son second dont William Newton (Bill).
Copyright © Editions George G. HARRAP - Londres
Photo Mrs P. Hayes

Bill naquit à « King's Norton » dans la région de Birmingham. Le destin de Bill était tracé, ce serait celui d'un homme qui ignorerait la peur.

Lorsque le Général Jean AUBRY (ancien commandant de la Gendarmerie du Sahara) cite LE CORAN dans son article « La Triste Histoire de Lancaster » il a parfaitement raison :

« L'homme porte son destin attaché au cou ! »

Bill était dans ce cas, mais ce destin il le porterait à bout de bras. Il était devenu lui-même son destin.
LANCASTER avait émigré en Australie avant le début de la première guerre mondiale et en 1916 il s'était enrôlé dans l'armée australienne.
Il servit dans la cavalerie légère au Moyen-Orient et en France. En 1917, après avoir été transféré au « Corps des Aviateurs Australiens » pour une formation de pilote, il reçut la responsabilité de pilote en second, dans le « Flying Corps », avec le grade de lieutenant.
Après la guerre, il rejoignit la « Royal Air Force ».
Bill LANCASTER était champion de boxe amateur. Son coup favori était l'uppercut à la mâchoire. De plus il était aussi un cavalier accompli. Mais Bill était particulièrement impétueux et indocile !
Entre autres anecdotes, il se maria à l'âge de 21 ans alors qu'au niveau des « services militaires britanniques », le mariage était déconseillé avant 25 ans.
Tel était bien le caractère de Bill qui, n'en faisant qu'à sa tête, se privait de l'allocation financière trimestrielle, perdant aussi son hébergement dans les « quartiers militaires ».
Fin 1927, son engagement dans la RAF expira. De ce fait, il se fit recruter comme « pilote de chasse » en Inde. De retour en Angleterre, constatant que les emplois de pilote ne « couraient pas les rues », il décida alors de réaliser « un vol Angleterre – Australie », ce vol pourrait démontrer ses véritables capacités de pilote.
Sa carrière de pilote atteint son apogée par le vol réalisé en 1927, entre Croydon en Angleterre et Darwin en Australie.

Le parcours réalisé par le capitaine LANCASTER
et Chubbie MILLER de Croydon jusqu'à Darwin.

Copyright © Editions George G. HARRAP - Londres

Clic sur la photo pour l'agrandir

Ce vol, qui avait duré plusieurs mois, avait été partiellement financé par Jessie MILLER, surnommée « Chubbie », une jeune australienne qui avait souhaité accompagner Bill dans ce raid. « Chubbie » qui vivait séparée de son mari, un journaliste australien, n'avait rien à perdre en tentant cette aventure. Le vol fut réalisé sur un Avro Avian Mk III.
Cet avion biplace, baptisé « Red Rose », était équipé d'un moteur « Cirrus ADC de 80 CV ». Il était spécialement adapté aux longues distances. Son coût était de 900 livres, mais la société « A. V. ROE and Co. Ltd. » avait consenti à le vendre à un prix réduit. La société SHELL, par ailleurs, avait offert gratuitement le carburant.
L'épouse de Bill, Annie Maud MERVYN-COLOMB (2), qu'il surnommait « Kiki », l'avait accompagné lors de son départ de Croydon.
___________________________________
(2) Annie Maud donna deux filles à Bill : Pat et Nina. « Kiki » décéda en 1953, neuf ans avant que Bill ne fut retrouvé.

William Newton LANCASTER et son épouse Annie Maud en 1919
Copyright © Editions George G. HARRAP - Londres
Photo Mrs P. Hayes
Kiki avec ses filles Pat à droite et Nina
Copyright © Editions George G. HARRAP - Londres
Photo Mrs P. Hayes

Pat sa fille aînée avait écrit « Good Luck » sur la carlingue du « Red Rose ».

Kiki et Pat, au départ du raid Londres – Darwin
Copyright © Editions George G. HARRAP - Londres
Photo Mrs P. Hayes

Kiki avait donné son accord pour ce raid, mais en embrassant Bill, elle ne savait pas que ce serait la dernière fois.

Dernier baiser de Bill à Kiki
Copyright © Editions George G. HARRAP - Londres
Photo Mrs P. Hayes

La traversée Angleterre – Australie scellerait la fin de leur union. Au cours de ces mois d'aventures, une idylle naquit entre Chubbie et Bill.

Célèbre photo du duo mythique « Bill et Chubbie »
posant devant le « Red Rose », avant le départ pour Darwin

Copyright © Editions George G. HARRAP - Londres
Photo Central Press, Ltd
Départ pour l’Australie
Copyright © Editions George G. HARRAP - Londres

Ce dernier dut se remémorer lors de son procès de Miami qu'une séparation de plusieurs mois est souvent fatale à un couple.
En effet, parti aux États-Unis avec Chubbie devenue sa compagne, alors qu'il effectuait des vols pour l'aéropostale entre Miami et Mexico, Bill apprit que Chubbie, lasse de son absence, s'était « amourachée » de son secrétaire.
De retour sur le champ à son domicile, il eut une sérieuse altercation avec elle et Haden CLARKE, le fameux secrétaire !
Haydon CLARKE (ou Haden CLARKE)
Document: Charles MÉLIN

Cette explication, se termina par le suicide de ce dernier. Bill eut ensuite une mauvaise passe, allant jusqu'à la dépression. Accusé du meurtre de Haden CLARKE, avec force publicité, il fut incarcéré. CLARKE avait jeté son dévolu sur Chubbie avec laquelle, il s'était fiancé. CLARKE pourtant, aurait dû se douter que Bill, parti travailler dans le Nord, n'apprécierait sans doute pas lorsqu'il serait informé de cette situation.
Haden CLARKE se droguait. Il avait d'ailleurs oublié de dire à Chubbie qu'il était déjà marié.
En se suicidant avec le revolver de Bill, il compromettait ce dernier.
Après avoir été incarcéré, l'histoire nous dit que Bill fut acquitté grâce à l'habileté de l'avocat choisi par Chubbie et du soutien de ses amis pilotes y compris de la salle d'audience applaudissant cet acquittement.
À la lecture des « Attendus », après avoir pris connaissance du fait que LANCASTER avait écrit des faux en lieu et place de CLARKE annonçant son suicide, je me suis interrogé à propos de cette affaire.
J'ai toujours pensé que Bill LANCASTER avait joué un rôle important dans cette sombre histoire, mais CLARKE n'était, lui non plus, pas très clair dans sa démarche. Il avait menti ou, si vous préférez, omis de dire à Chubbie l'exacte vérité le concernant. Bref le doute du procureur américain était compréhensible.
Mais en ressassant ce fait, je pense malgré tout que Bill, lui, n'avait pas pu mentir et qu'il saurait certainement nous le dire plus tard !
Sans doute affolé par ce qui s'était passé, son revolver ayant été l'instrument du suicide, avait-il paniqué. Son sang-froid de pilote reprit le dessus et l'amena à une mise en scène aussi rocambolesque qu'injustifiée, qu'il avait ensuite avouée à Chubbie.
Après ce mélodrame, il revint en Angleterre avec Chubbie en octobre 1932.
Les offres d'emploi étant peu nombreuses, Bill LANCASTER décida alors d'essayer de battre le record entre l'Angleterre et Cape Town.
Ce record était à sa portée et ceci lui permettrait de se refaire une image afin de pouvoir retrouver un emploi dans l'aviation.

 

MERCREDI 12 avril 1933


Il est 20 heures 15. Le capitaine Bill LANCASTER vient de se poser en catastrophe dans un désert d'où il ne réchappera pas.

Le « Tanezrouft, désert de la soif », si bien nommé en 1962 par le Lieutenant MOPPERT, est une de ces parties du monde où le moindre égarement n'est jamais pardonné.
Il faut savoir mériter le Tanezrouft et il vaut mieux le traverser en hiver, son accès étant strictement interdit pendant les périodes chaudes, sous peine de n'en jamais revenir.
Égarés en 1809, on retrouva un siècle plus tard momifiés, 1500 caravaniers et 1800 carcasses de chameaux appartenant à une caravane perdue dans cet impitoyable « désert des déserts ».


En 1920 le général LAPERRINE lui-même, avait succombé à ses blessures, suite à une ridicule panne d'essence, du fait de la surcharge de l'avion dans lequel il avait embarqué, avec deux de ses coéquipiers, sauvés eux-mêmes de justesse.
Le 5 mars 1920 au matin, alors qu'il est en train de dépérir, LAPERRINE murmure à ses coéquipiers :

« On croit connaître le Sahara, on croit que je le connais, personne ne le connaît. Je l'ai traversé dix fois et j'y reste la onzième ».

À lire l’histoire de la disparition
du général LAPERRINE

http://saharayro.free.fr/laperrine1.htm

Stèle en hommage au
général LAPERRINE

Cette stèle fut mise en place sur les lieux de l'accident par les officiers de la promotion « Général LAPERRINE 2005 ». Elle est cosignée par le « Souvenir Français ».
http://saharayro.free.fr/laperrine1.htm

Et le pauvre Bill qui venait de s'écraser dans le pire endroit de ce désert, n'avait sans doute jamais entendu ces paroles de LAPERRINE.

LE RAID : « LONDRES – LE CAP »

William (Bill) LANCASTER avait outrepassé les principes mêmes de la raison. Il ne croyait qu'à son étoile, celle qui lui avait si souvent sauvé la vie.
Il souhaitait le remporter, ce raid Londres – Le Cap, dont le record était détenu, depuis le mois de novembre 1932, par Amy JOHNSON en 4 jours, 6 heures et 56 minutes. Elle avait de plus battu le record que son mari Jim avait réalisé en 1930.


Ce vol avait été effectué, en solo, sur un petit De Havilland « Puss Moth » de 120 CV, baptisé « Desert Cloud » !

« Desert Cloud »,
De Havilland « Puss Moth »

www.scienceandsociety.co.uk


Le temps était compté et LANCASTER, après avoir décollé de Lympne (près de Londres) ce 11 avril 1933 à environ 5 heures 30 du matin, savait qu'il ne faudrait pas traîner en route.
Il avait fait ses adieux à ses amis, à Chubbie sa fiancée et à ses parents.

Bill au décollage de LYMPNE
Photo transmise par Kathy BUCKLEY
(Senior Librerian, Queensland Museum)
Copyright © Queensland Museum Brisbane

Il avait pu trouver le financement, auprès de son père, pour acheter son avion (un Avro Avian Mk V) à son ami Charles KINGSFORD-SMITH.
Ce dernier avait préparé cet appareil pour effectuer des raids sur de longues distances que finalement il ne réalisa pas.



Charles E. Kingsford-Smith (9 février 1897 – 8 novembre 1935)
http://www.ctie.monash.edu.au/hargrave/k-smith.html


Avro 616 Avian V : Après avoir pulvérisé le record de vitesse entre la Grande-Bretagne et l'Australie, Charles Kingsford Smith commanda un autre Avian pour tenter de battre le record en sens inverse détenu par A.J. Mollison. Le [VH-UQG] Southern Cross Minor décolle de Wyndham le 24 septembre 1931. Les ennuis de l'aviateur débutent après Bushire : problème de pompe à huile le forçant à faire demi-tour puis vents de sable le contraignant à se poser à Baghdad. Il se posa pourtant à Alep le 29 septembre avec une journée d'avance sur Mollison23. Pris d'un malaise entre Alep et Rome, il fut contraint de se poser le 30 septembre 1931 près de Smyrne, où il fut retenu deux jours par la police turque.
Après cet échec il céda l'appareil à W.N. « Bill » Lancaster, qui souhaitait voler seul de Grande-Bretagne en Afrique du Sud. Ce raid se termina mal, Lancaster disparaissant au dessus du Sahara le 11 avril 1933. Les restes de l'avion [G-ABLK] et le corps momifié du pilote ne furent retrouvés qu'en 1962 par l'Armée Française. L'épave de l'avion se trouve aujourd'hui au Queensland Museum.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Avro_Avian

 

When owned by Charles Kingsford Smith with matching labels.
L’avion lorsqu’il appartenait à Charles Kingsford Smith
avec quelques parties renseignées par étiquettes.

Copyright © Queensland Museum Brisbane
Photo transmise par Kathy BUCKLEY


En juin 2008, François MOPPERT me fit parvenir cette plaque « moteur », retrouvée dans ses archives.
Nous avons décidé ensuite d'en faire don au QUEENSLAND MUSEUM de Brisbane.

Le « Southern Cross Minor » était équipé d'un moteur
DE HAVILLAND AIRCRAFT
(Engine N° 2160).

Plaque moteur du « Southern Cross Minor » récupérée sur le site du crash en février 1962.
Cette plaque a été envoyée au QUEENSLAND MUSEUM de Brisbane (Australie) où est exposée la carcasse de l'avion de Bill depuis février 1980.
Copyright © Alain BROCHARD
Victor JACOPS me dit par la suite qu'il avait vu après son retour du Sahara accroché au mur du bureau du Colonel AUBRY, chef de corps de la légion de gendarmerie à Rouen, une plaque avion provenant du « Southern Cross Minor », qu'il me décrivit comme ayant une longueur d'environ 40 cm, le diamètre du cercle central faisant dans les 30 cm. Victor dans son courrier du 22 septembre 2008, m'en fit un dessin.
J'ai reconstitué cette plaque avec les moyens du « bord » ! Suivant les indications de l'Adjudant-chef de gendarmerie Victor JACOPS.

Cette plaque serait vraisemblablement en possession
de la famille du fils adoptif de feu Jean AUBRY.
Je suppose que cette plaque, de couleur bleue,
était apposée sur le fuselage gauche de l’avion.
Bill photographié devant le « Southern Cross Minor »
Copyright © Editions George G. HARRAP - Londres

Bill était allé chercher cet avion deux jours plus tôt à Manchester, puis le temps d'une révision à Lympne, ce fut le moment du départ.
Sa mère avait discrètement tracé le signe de la croix sur le fuselage du « Southern Cross Minor » et malgré le « fer à cheval en argent » qu'il emportait, cette fois-ci, les « dieux » ne seraient pas avec lui.

Maud, la mère de Bill, lui remettant des sandwiches au
poulet avant son départ de Lympne pour Cape Town
Copyright © Editions George G. HARRAP - Londres
Photo London Express News and Feature Services

Bill, insouciant, partait les poches vides avec tout juste de quoi refaire le plein d'essence. Il n'avait assuré son avion que la veille chez son copain LAMPLUGH. C'était l'aventure la plus totale, une histoire de plus d'un pionnier de l'époque.

Rappelons-nous, que le capitaine LANCASTER avait déjà effectué la liaison Angleterre – Australie en juin 1927. Il s'était fait accompagner de Jessie « Chubbie » MILLER sur un Avro-Avian biplace de type 504 N. Ce vol, qui avait duré 159 jours, fut à l'origine d'un couple qui ne se séparerait plus. Cette jeune australienne, née à Southern Cross, fut ainsi la première femme à avoir effectué un tel parcours.
Mais cette fois-ci, pensait-il, le voyage Lympne – Le Cap serait bien moins long !
« Il ne se souvenait plus à ce moment, ce pauvre Bill, alors qu'il était en compagnie de « Chubbie » survolant la mer de Timor, au large de Darwin, que d'inquiétants ratés du moteur de son petit avion avaient failli les envoyer aux requins qui n'attendaient que cela ».
Mais non, Bill vivait au-delà de toutes ces considérations qui font les « aventuriers ». Notre pilote avait toujours un défi à relever, c'était sa raison de vivre.
À ce moment il pensait sans doute que ce nouveau raid, qu'il gagnerait sûrement, ferait oublier à tous le procès de Miami.
Revenons au vol « Lympne – Cap de Bonne Espérance ». Bien entendu il fallait le remporter ce raid, ultime démonstration pour redorer son blason.
Il faut souligner, (je cite Pierre JARRIGE), qu'à partir de 1930, un grand nombre de voitures et d'avions de tourisme sillonnent le Sahara où une remarquable infrastructure est mise en place par l'armée, le pétrolier Shell et les compagnies de transport routier : aérodromes de secours avec alvéoles de protection, et repérage des pistes jalonnées tous les 10 kilomètres de grande balises en tôle émaillée blanche.
Les trois itinéraires principalement utilisés pour la traversée du Sahara
« L’AVIATION LÉGÈRE EN ALGÉRIE (1909-1939) »
de Pierre JARRIGE

Clic sur la photo pour l'agrandir

Bill décolle donc de cette piste boueuse, imaginant le meilleur pour l'avenir.

Le parcours réalisé par le capitaine LANCASTER
de Lympne jusqu'à son point de crash.

Copyright © Editions George G. HARRAP - Londres

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Il fait escale à Barcelone pour refaire du carburant, le « Southern Cross Minor » ayant été trop gourmand dans sa lutte contre des vents contraires.
En fin de soirée, il atterrit à Oran, aérodrome de La Sénia.

Aérodrome de La Sénia en 1937 :
au fond la ville d'Oran; à droite: les installations civiles. au centre:les installations militaires.
(Photo tirée du livre « L'AVIATION LÉGÈRE EN ALGÉRIE (1909-1939) de Pierre JARRIGE).
Bill s’était posé quatre ans plus tôt
sur cet aérodrome !

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Il a déjà parcouru 1760 km depuis Lympne. À Oran, les autorités françaises lui refusent le survol du Sahara pour raison financière. Parti avec peu d'argent en poche, il ne peut pas verser les 800 livres sterling qui lui sont réclamées pour couvrir d'éventuels frais de recherches.
Il redécolle sans se préoccuper de ces tracasseries administratives.
Mais le 12 avril, il doit se poser à Adrar à 9 heures 15.


Positionnement géographique de l’aérodrome
d’Adrar où se posa Bill le 12 avril 1933.
Édité par : Le Ministère des Travaux Publics
et des Transports.
Secrétariat Général à l’Aviation Civile
et Commerciale

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En effet, son moteur a tendance à « cafouiller », l'alimentation air-essence ne se fait sans doute pas correctement. De la poussière a dû s'infiltrer ! Le léger vent de sable que Bill a subi, est certainement la cause de ces ratés. C'est l'époque des vents du Sud !
Après avoir fait une inspection rapide côté moteur, il repart.

En 1933 l'aérodrome d'Adrar est des plus modestes. L'aviation est « adolescente » et Pierre JARRIGE me rappelle que :

Avant la guerre, la plupart des aérodromes n’avaient pas de pistes tracées comme maintenant. Il s’agissait de terrains d’atterrissages sur lesquels les avions décollaient et atterrissaient selon le vent sur l’axe le plus favorable. Toute la surface de l’aérodrome était praticable. C’était le cas d’Adrar.

Si vous vous reportez à la fiche précédente, vous pouvez vérifier que seule une zone d'atterrissage est définie. Les axes de décollage sont donc au choix des pilotes guidés par la manche à air qui donne l'orientation locale du vent. Bill aurait du décoller vers l'Ouest pour aller vers Reggan (voir fiche suivante), mais la manche à air !!
Il s'envole direction Est >>>> Sud-est.
Dès que le « Southern Cross Minor » se lève, Bill aperçoit devant lui une petite palmeraie, il double la palmeraie, puis effectue un virage à droite, « Cap Sud ».

Ce type de fiche (communication Pierre JARRIGE)
était rédigée à l'époque pour donner les informations nécessaires aux pilotes, quant aux consignes concernant l'aérodrome en question.
Copyright © Pierre JARRIGE
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Bill a donc pris la direction de Gao, où il devrait se poser dans quelques heures. Il devrait survoler Reggan dans un peu plus d'une heure. Mais le vent de sable ne lui favorise pas la vision au sol.
Il aperçoit une première piste, celle d'In Salah pense-t-il.
En réalité il vient de croiser l'ancienne piste de Timimoun !

Simulation de la trajectoire de Bill
au décollage d'Adrar,
par Alain BROCHARD

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La seconde piste qu'il verra, se dit-il, sera donc celle de Reggan, la célèbre « Piste Impériale » ! Il l'aperçoit droit devant, cheminant vers le Sud, plus de problème il pense être désormais dans la bonne direction.
Pourtant l'ancienne piste de Timimoun l'a trompé !!
Une heure après il est en approche d'Aoulef. Il ne peut que constater son erreur, car à partir d'Aoulef, la piste prend la direction de l'Est (In Salah). Bill ne comprend plus, il est perdu, dans son esprit la piste devrait continuer plein Sud.
Un coup d'œil au compas lui montre qu'effectivement ce ne peut pas être Reggan, où peut-il bien se trouver ? Il aperçoit l'aérodrome, se pose, constatant du même fait, qu'il se trouve à Aoulef. Il repart aussitôt !
Note : Dans les différents documents consultés, il est dit que Bill revient vers Adrar pour retrouver la piste de Reggan.
Cette interprétation n'est pas plausible (voir plus loin l'analyse du vol de Bill par le Lieutenant-colonel Maurice PATISSIER).
Lorsque Maurice m'a signalé ce fait, j'ai de suite adhéré à son point de vue. Il n'était pas pensable compte tenu des performances du « Southern Cross Minor », de rejoindre Reggan en aussi peu de temps.
Cette borne, à la sortie d’Adrar, donne une idée des distances dans le désert !
Copyright © Jacques OUDOIRE

N'oublions pas que Bill vole à vue et qu'avec un léger vent de sable les directions In Salah et Reggan peuvent se confondre. Il s'aperçoit de son erreur et se pose à Aoulef, dont il redécolle à 11 heures.

Positionnement géographique de l'aérodrome
d'Aoulef où se posa Bill le 12 avril 1933.

Édité par : Le Ministère des Travaux Publics
et des Transports.
Secrétariat Général à l’Aviation Civile
et Commerciale
Document transmis par Pierre JARRIGE

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Bill navigua très certainement au compas à partir d'Aoulef pour rejoindre Reggan. C'est ce qui semble le plus plausible. Bill disposait-il de cartes, rien n'est sûr.
Aucune carte ne fut retrouvée, à moins qu'il ne les ait brûlées en faisant ses torches.
Il repart profitant certainement d'une information sur place qui lui indique que Reggan se situe plein Ouest. Il est malgré tout, conforté par ce qu'il devine sous lui, un semblant de piste qui chemine dans la direction qu'il a prise. Reggan sera bientôt atteint ! Il s'y pose à 11 heures 40, il avait décollé d'Aoulef à 11 heures.
Il est fort de constater qu'en 40 minutes, il lui était impossible d'effectuer le trajet Aoulef >>> Adrar >>> Reggan !

Positionnement géographique de l'aérodrome
de Reggan où se posa Bill le 12 avril 1933.
Édité par : Le Ministère des Travaux Publics
et des Transports.
Secrétariat Général à l’Aviation Civile
et Commerciale
Document transmis par Pierre JARRIGE

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À l'approche de l'aérodrome de Reggan, près de la palmeraie (voir carte précédente), Bill a dû apercevoir les foggaras (3) qui acheminent l'eau à l'oasis, ainsi que les alvéoles de protection. (Murs servant à mettre hors vent les avions en stationnement).

ALVÉOLES DE REGGAN
« L'AVIATION LÉGÈRE EN ALGÉRIE (1909-1939) »
Copyright © Pierre JARRIGE.

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À Reggan, il effectue la vidange d'huile de son moteur, vérifie l'essentiel et reprend 250 litres d'essence.
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(3) FOGGARAS : Type d'irrigation des régions sahariennes. (Pour en savoir plus INTERNET).

Foggaras à Taourit
Copyright © Jean BELLEC

Photo de la pompe d'essence
SHELL près de la piste
de l’aérodrome de Reggan.

À l’horizon sur la droite, le plateau qui deviendra à partir de 1957, le
« Centre Saharien d’Expérimentations Militaires », plus vulgairement appelé Reggan-Plateau.

miniter.over-blog.com


Le dernier plein du Capitaine LANCASTER sur l'aérodrome de Reggan. Bill revêtu de son casque,
est le 2ème personnage sur la gauche de la photo
Document communiqué par Annick BRUN-MÉLIN

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Cette photo fut prise le 12 avril 1933 par M. René BACHELARD,
Opérateur radio de la Compagnie Transsaharienne à REGGAN
Sur cette photo, le plein est réalisé auprès de l'avion, à partir d'un fût.
Copyright © René BACHELARD

Malgré les conseils de Monsieur BAURET, le chef de poste de la « Société Transsaharienne Company », qui tente de l'en dissuader, il repart de Reggan en direction de Niamey via Gao.

Le terrible TANEZROUFT
aux portes du plateau de Reggan.

Copyright © Alain BROCHARD

Mais à 18 heures 25, il fait presque nuit à Reggan !

Reggan, crépuscule sur le désert.
Copyright © Alain BROCHARD

Bill ne tient compte ni de la réglementation interdisant le survol la nuit du désert, ni des conseils du chef de poste l'avertissant que, la lune ne se levant qu'à 21 heures, il ne pourra pas suivre le tracé de la piste impériale balisée tous les 50 km par d'énormes fûts d'essence (4), dont d'ailleurs, le cinquième, à la frontière du Mali, porte le nom de « BIDON V ». Un officier lui prête une lampe de poche, car le pilote devra naviguer pendant deux heures à la boussole.
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(4) Les fûts d'essence ont été remplacés, depuis l'évolution de la technologie, par des balises solaires !

Il part dans un état second. Le « Southern Cross Minor » fait des embardées au décollage. Les témoins le voient même prendre la mauvaise direction, lorsque l'avion vire vers le Sud !
À travers les propos recueillis auprès des militaires, il est affolant de constater dans quel état physique se trouvait Bill LANCASTER. Il n'avait pas dormi depuis trente heures.

Cette photo, prise le 12 avril 1933, fut retrouvée dans les archives de la mairie de Reggan en février 1962.
Elle nous montre le capitaine LANCASTER, avant son départ pour Gao, dans un état de fatigue sans pareil.
Copyright © Beaverbrook Newspapers Opera Mundi 1962

Photo de la mairie de Reggan prise en novembre 1963
Copyright © Alain BROCHARD
Place de Reggan-ville mi-1962,
la mairie à droite, les PTT au centre
Copyright © Bernard DEMONCHY
Monsieur BAURET lui avait malgré tout promis, au moment de décoller, de partir à sa recherche en cas d'incident.
Avec un peu de recul on peut se demander si Bill n'avait pas la prémonition de son crash.

Bill, dans la matinée du 13 avril, ne se posera pas à Gao !

Que s'était-il passé ? Il fallut attendre 29 ans pour le savoir !

 

L'ESCADRON BLANC

L'Escadron Blanc, titre du livre mythique de Joseph PEYRÉ qu'il rédigea en 1930, nous explique la randonnée punitive des légionnaires, qui couraient le désert sur leurs dromadaires, à la poursuite des « rezzou ». Ces « Compagnies Méharistes Sahariennes » ont fait pendant des années la police du désert, protégeant les territoires du sud des groupes armés originaires d'Afrique du Nord (5) (rezzou), qui organisaient des pillages (razzia) dans les oasis.

Insigne du Groupe Saharien Mixte du Touat
Collection Christian GÉRAULT

La couleur de leur uniforme, entre autres, « vareuse de toile blanche », avait été à l'origine de cette appellation « Escadron Blanc ». Ces compagnies étaient de « véritables sentinelles du désert », leur rôle principal étant de contrôler les territoires du Sahara.


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(5) Les Touareg ou les Toubous à l'origine ces « rezzou » étaient originaires du sud de l'Afrique du Nord


La Gendarmerie nationale au SAHARA utilisait aussi des dromadaires !

Les photographies qui suivent sont issues du « Bulletin de la Société Nationale des Anciens & des Amis de la Gendarmerie » n° 209 de janvier 1990.

Fin des années cinquante, les dromadaires avaient cédé grandement la place à la motorisation.
Les fameux « 4x4 ou 6x6 DODGE », parfaitement adaptés à la circulation dans le désert les avaient, peu à peu, remplacés.

Dodge 6x6

Les moteurs à essence de ces véhicules supportaient pourtant moins bien la chaleur que les dromadaires. C'était le passage de la force animale à celle de la machine.
Tant pis pour les nostalgiques…

Le 11 février 1962 l'adjudant Titus POLIDORI, qui commandait une patrouille de « l'Escadron Blanc », remontait sur Reggan. Il découvre alors par hasard les débris du « Southern Cross Minor ».


Cette photo nous montre ce que l'adjudant Titus POLIDORI
aperçut, de loin, en remontant sur Reggan.
Intrigué par cette anomalie, il décide d'aller voir de plus près.
C’est là qu'il découvre le « Southern Cross Minor »,
à côté duquel Bill s'était endormi pour toujours.
Document : C.F.A.R.P.G. « Gendarmes d'Hier et d'Aujourd'hui »
N° 33 - juin 1995.  Commentaire : Jean AUBRY

La carcasse de l’avion
Document : Gendarmerie Nationale
« Revue d’Études et d'Informations »
n° 54 - 4ème Trimestre 1962

La patrouille près de la carcasse de l'Avro Avian MK V

Photo réalisée par la patrouille du Groupe Saharien Mixte du Touat
dans le Tanezrouft.

Copyright © Editions George G. HARRAP - Londres
Photo reproduite par « London Express News and Feature Services ».

En s'approchant, il découvre
la carcasse de l'avion !
Photo réalisée par la patrouille du Groupe Saharien Mixte du Touat
dans le Tanezrouft.
Copyright © Beaverbrook Newspapers
Opera Mundi 1962

Je cite l'adjudant Titus POLIDORI :
« Après avoir quitté Bordj Pérez et atteint un point appelé « Tanezrouft-Signal », j'ai roulé pendant 115 km, vers le Nord, puis me suis dirigé plein Est. C'est au bout de 107 km, dans cette direction, que j'ai été intrigué par ce qui semblait être une carcasse indéterminée. C'était la carlingue d'un petit avion d'un modèle ancien, mais quelle ne fut pas ma stupéfaction quand, à quelques mètres de là, je découvris le corps du pilote dans une position terriblement impressionnante ».
Document : Gendarmerie Nationale « Revue d'Études et d'Informations »

Carte du trajet effectué par l'Escadron Blanc
lors de la découverte fortuite de l'épave
de l'Avro Avian MK V de LANCASTER.

Copyright © Editions George G. HARRAP - Londres

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Titus POLIDARI, informe sa hiérarchie à Adrar. Cette dernière transmet aussitôt à la Gendarmerie locale, c'est le branle-bas de combat !

VOIR LA PAGE DE TITUS POLIDORI


La Gendarmerie Nationale à REGGAN

À ce stade de « l'essai » sur l'épopée de William Newton LANCASTER, il apparaît opportun de remercier le service historique de la GENDARMERIE NATIONALE, ses militaires d'active et ses retraités qui ont totalement adhéré et coopéré à nos travaux de recherche. Un document « propre » leur sera consacré par la suite sur le site http://www.3emegroupedetransport.com/

Vue partielle du plateau de Reggan
sur laquelle on aperçoit les « Fillods »
de la Gendarmerie en 1962
Document : C.F.A.R.P.G.
« Gendarmes d'Hier et d'Aujourd'hui »
N° 33 juin 1995.
  Commentaire : Jean AUBRY


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Document : C.F.A.R.P.G.
« Gendarmes d'Hier et d'Aujourd'hui »
N° 33 juin 1995.
Commentaire : Jean AUBRY

Le lieutenant MOPPERT, chargé de l'enquête, rejoint la brigade de Reggan déjà prévenue et les gendarmes se dirigent aussitôt vers les lieux du crash, pour y réaliser le constat.

La position du crash
de Bill LANCASTER
par Alain BROCHARD

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L'adjudant Titus POLIDORI, qui a découvert les restes de l'avion, vient au-devant des gendarmes, « son émotion est encore visible », nous dit le lieutenant MOPPERT.
W. N. LANCASTER était là, attendant toujours les secours qu'il avait tant espérés.

Momie du capitaine
William Newton LANCASTER
près de la carcasse de son avion.
Copyright © Editions George G. HARRAP - Londres

Photo :
« London Express News and Feature Services »

Le Tanezrouft l'avait fait succomber 29 ans plus tôt. Malgré tout, ce désert avait su le conserver telle une momie, protégée par une mince couche de sable. Je cite le lieutenant MOPPERT :
« Effectivement, les gendarmes constatent que le cadavre est allongé sur le côté gauche. Recouvert par une pellicule de sable il semble momifié. Le bras gauche est sous le corps, le bras droit replié, la main près de la gorge… Le sable a empêché la putréfaction et, s'étant incrusté dans la peau, lui donne l'apparence de la terre cuite. Seule une partie du crâne a été blanchie par les intempéries ».

Sur cette photo, le Colonel Charles MÉLIN
(debout près de la jeep de gauche)
fait, dans la plus grande émotion, la lecture des écrits
de Bill, qu'il a lui-même traduit.
Ce souvenir ne le quittera plus !
Bulletin de la Société Nationale des
Anciens & Amis de la Gendarmerie
N° 209 janvier 1990
Le Général Jean AUBRY nous dit aussi, dans son article « RENDEZ-VOUS AVEC LA MORT » du Bulletin de la Gendarmerie de mai 1995 :
« Le corps, parfaitement conservé dans cette région où l'hygrométrie est pratiquement nulle, se trouve allongé sur le ventre, près de l'avion, dans un état de conservation surprenant. La peau, desséchée, paraît tannée, avec un système pileux encore apparent ».

La volonté de Bill, de vouloir survoler ce désert en dépit de toutes les consignes et recommandations qu'on avait pu lui faire, avait été la plus forte. La nature a pourtant ses règles et ceux qui les outrepassent sont souvent victimes de leur insouciance. Bill en avait fait les frais, il n'atteindrait jamais Le Cap.
Le journal du capitaine LANCASTER fut confié, pour traduction, au colonel Charles MÉLIN intendant de 1ère Classe.

Le journal de Bill tel qu'il fut retrouvé.
Enveloppé dans de la toile il était accroché
à l'aile du « Southern Cross Minor ».
Photo: transmise par Kathy BUCKLEY
(Senior Librerian, Queensland Museum)
Copyright © Queensland Museum Brisbane


Le hasard faisant, un journaliste d'un célèbre magazine, effectuant à ce moment là, son « temps » à Reggan, eut vent de cette histoire. Inutile de vous dire qu'après la traduction en français des écrits de Bill, les fuites allèrent bon train. Et lorsque l'on est journaliste « tout est bon pour rédiger un papier » et le faire parvenir « en bonnes mains ».
Mais officiellement, la traduction de Charles MÉLIN fut envoyée à la brigade d'Adrar. Réceptionnée par l'adjudant-chef Victor JACOPS, ce dernier retransmet aussitôt plusieurs exemplaires des documents dont un à monsieur ROY, Préfet de la Saoura, basé à Colomb-Béchar.

Prises d’armes en 1961, place LAPERRINE à ADRAR
Le Général de MAISON ROUGE sert la main de l'Adjudant-chef
Victor JACOPS, alors candidat au grade de sous-lieutenant.
À droite de Victor un sergent de l'Escadron Blanc.

Copyright © Victor JACOPS
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LA PAGE DE VICTOR JACOPS

René GONZALEZ, jeune gendarme de 23 ans, secrétaire à la gendarmerie de Colomb-Béchar, m'a dit dernièrement, qu'il a lui-même dactylographié les documents d'accompagnement concernant cette découverte. Il m'explique que le rapport était très détaillé avec planches photos et reproduction des écrits du pilote, jusqu'à son dernier souffle, (très poignants !!!). À 23 ans on ne peut qu'être ému à la lecture de tels documents. Ces documents furent ensuite envoyés aux autorités compétentes.
Il me précise que les duplications des « frappes » étaient à l'époque réalisées au stencil. Les documents étaient dactylographiés sur un papier spécial, ensuite on utilisait une machine de type Ronéo à alcool qui permettait de multiplier les exemplaires. Il fallait tourner une manivelle. Les temps ont bien changé... (La photocopie se généralisera à partir des années 1970 (6)).
__________________________________

(6) Voir : http://www.epfl.ch/repro/conseils/print-evolution/index.htm

L'autorisation de publier « l'affaire LANCASTER », au sein des « Bulletins internes de la Gendarmerie », n'avait pas été encore donnée par le procureur de Mascara, que le magazine cité plus haut, sortait dès le mois de Novembre 1962, trois numéros sur la triste tragédie de l'aviateur anglais.
Les autorités, devant le fait accompli, ne souhaitèrent pas en rajouter, mais j'ai cru comprendre qu'elles furent très en colère. Le journal en question eut-il un courrier de félicitations de la part du procureur ? L'histoire ne le dit pas !

Ce fut, vraisemblablement, ce journaliste, camarade de chambrée, qui m'amena sur la tombe de Bill LANCASTER, (l'hypothèse est osée), il paraissait avoir une parfaite connaissance du sujet !
Par ailleurs, ce fait divers, hors du commun, ayant fait le tour des « médias » de l'époque, Chubbie MILLER apprit donc un matin par la presse, la découverte du corps de Bill, ceci, 29 ans après l'avoir vu décoller de Lympne. Elle avait bien tenté de vouloir aller à sa recherche alors que plus personne n'avait de nouvelles du pilote. Les démarches effectuées par les Français n'ayant rien donné.
Tout s'opposait à cette recherche qu'elle n'aurait pas hésité à faire. D'abord le manque de moyens pour obtenir un avion, ensuite la caution qu'il fallait verser pour survoler ce satané désert et enfin le père de Bill était contre.
Lorsque Chubbie reçut son avoué, quelques semaines après la découverte de la dépouille mortelle de Bill LANCASTER, son émotion fut à son comble.

Chubbie MILLER découvre le journal de Bill.
son émotion est à son comble.
Copyright © Beaverbrook Newspapers Opera Mundi 1962

Ce dernier lui apportait, je la cite :
« Les restes émouvants de cette ancienne et audacieuse entreprise désespérée : une sacoche, un petit fer à cheval, une petite liasse de billets de banque et le livre de vol, dans lequel Bill avait relaté, jour par jour, l'approche de la mort dans ce désert effroyable ».

Le fer à cheval, la sacoche, différents éléments
rassemblés sur les lieux de l'accident.

Photo tirée du livre :
VERDICT ON A LOST FLYER
de Ralph BARKER
Copyright © Editions George G. HARRAP - Londres

Lorsque le mari de Chubbie eut pris connaissance du journal de Bill, il fut tellement ému qu'il dit en parlant du document :
« Personne n'a le droit de faire disparaître ceci. Ce sont les derniers mots d'un homme qui a vu la mort venir à lui lentement et qui l'a accueillie avec la forme la plus élevée du courage ».
Oui, le mari de Chubbie, (elle s'était remariée en 1936), avait raison. Ce fut de sa part un bel hommage fait à Bill.
À mon arrivée à Reggan, en avril 1963, le hasard voulu que Guy (j'ai oublié son nom !), le journaliste dont j'ai parlé plus haut, nous raconta cette histoire « magazines en mains ». De par son « job », il était à l'affût de tous ces faits, aussi anodins soient-ils, qui sont le sel de nos vies !
J'avais donc découvert là-bas, à travers les trois revues qu'il possédait, le calvaire enduré par William Newton LANCASTER. La dépouille du pilote avait été ramenée pour être inhumée à la palmeraie de Reggan-Ville, après avoir reçu les honneurs militaires dus à son rang d'ancien pilote de la RAF. L'Armée de l'Air avait été chargée de ces cérémonies.
Le dimanche 23 juin 1963, j'étais allé, avec Guy et deux ou trois camarades, sur sa tombe à l'occasion d'une balade à la palmeraie. Nous savions que ces visites n'étaient pas très recommandées. Je découvris plus tard que la zone où était inhumé Bill était strictement interdite.
Mais que s'était-il donc passé, 30 ans plus tôt, alors que LANCASTER volait vers Gao ?
Revenons à notre histoire. LANCASTER se trouve maintenant à quelques 250 km de Reggan. Il suit son cap avec précision. Il est 20 heures 15 et il vole depuis presque deux heures, quand tout à coup son moteur se met à tousser, jusqu'au point de s'arrêter. La lune n'était pas encore levée, la nuit était tellement noire qu'il n'était pas possible de voir quoi que ce soit. L'avion était chargé et la manœuvre délicate. Bill cherche à se poser doucement. Mais, avant d'avoir compris qu'il était plus bas qu'il ne l'imaginait, le « Southern Cross Minor » heurte violemment le sol et rebondit sur plusieurs dizaines de mètres, se retourne et se fige, laissant son pilote inconscient, prisonnier du cockpit (7).
___________________________________
(7) COCKPIT : De l'anglais, désignant plus particulièrement la carlingue d'un avion.


IN MEMORIAM


AVANT DE CONTINUER CE DOCUMENT, JE TIENS À PRÉCISER ICI, QUE :
« LE TEXTE EN FRANÇAIS SUR LEQUEL JE ME SUIS APPUYÉ POUR REPORTER L'AGONIE DE BILL, EST CELUI D'ORIGINE,
‘‘ TRADUCTION PREMIÈRE ‘’ RÉALISÉE PAR LE COLONEL CHARLES MÉLIN, INTENDANT MILITAIRE DU SAHARA, DANS LA NUIT QUI SUIVIT LA DÉCOUVERTE DES DOCUMENTS »
CE TEXTE FIDÈLEMENT REPRODUIT SOUS COPYRIGHT EST PUBLIÉ À LA SUITE DE CE DOCUMENT.
IL EST COMPLÉTÉ DES COMMENTAIRES DU COLONEL MÉLIN, LORS DE SON EXPOSÉ AU « ROTARY CLUB » DE LA ROCHELLE.

Alain BROCHARD


« BILL DISPARU ! »

Il est 5 heures du matin, en ce jeudi 13 avril 1933, lorsque W. N. LANCASTER vient de comprendre qu'il a échappé de peu à la mort. Il était resté une partie de la nuit sans connaissance et après avoir « gratté le reg » de ses ongles, il réussit à s'extirper de la carlingue de l'avion. L'atmosphère y était irrespirable et les vapeurs d'essence qui se dégageaient pouvaient faire craindre le pire.
« Je viens juste d'échapper à une mort terrible, pourquoi ? Mon premier acte est de me mettre à genoux et de remercier Dieu pour sa bénédiction et implorer son aide dans ma détresse ».
Puis il constate qu'il a de mauvaises blessures au visage, ses yeux sont pleins de sang coagulé. Il vérifie aussitôt, qu'il possède toujours les neuf précieux litres d'eau, qu'il avait emportés.
Neuf litres d'eau ! Une « broutille », quand je pense qu'à Reggan dans un « relatif confort », nous buvions un litre d'eau comme ici on boit un verre et que de plus avec les pastilles de sel que nous avalions, il nous fallait plusieurs litres d'eau par jour pour ne pas nous déshydrater !!!
Qu'allait bien pouvoir faire LANCASTER ???
Le choc l'a ébranlé, la fatigue est là. Rappelons-nous, il était parti de Lympne en « petite forme », mais notre homme n'est pas un débutant. D'abord y croire ! Les recherches seront bientôt mises en place. Monsieur BAURET le lui a promis. Il ne faut donc pas perdre la tête et surtout ne pas s'abandonner aux chimères.
Que s'était-il donc réellement passé ? Dans son carnet de bord, Bill explique :
« C'est arrivé comme ceci. Je volais au compas… quand quelque chose alla mal, le moteur eut des ratés et s’arrêta. Il faisait un noir d'encre. Pas de lune « environ huit heures quinze du soir », j'ai essayé de descendre doucement, mais ma terrible charge m'a entrainé et me suis trouvé prisonnier à l'envers dans le cockpit. Je ne sais pas combien de temps je suis resté évanoui, il y avait une atmosphère terrible dans ma minuscule prison avec l'essence qui coulait. En tâtonnant autour de moi et en creusant et rejetant le sable avec mes ongles je me suis frayé un chemin vers l’extérieur. Mes yeux étaient pleins de sang qui s’était coagulé, mais cependant j’ai pu les ouvrir ».
En effet, le capitaine LANCASTER est blessé au nez et deux blessures aux arcades sourcilières le gêneront énormément nous confirme le lieutenant MOPPERT.
Avec ses 2 gallons (9 litres) d'eau qu'il possède Bill se dit « de quoi vivre plusieurs jours ». Il a raison, cet homme a un mental à toutes épreuves. Il peut résister à tout, mais le désert est là ! La nature a sa loi et qui dans l'inconscience ne la respecte pas, se trouve obligatoirement sanctionné.
Malgré tout Bill a toute sa tête et il va gérer au mieux cette situation, nous laissant ainsi une admirable preuve de courage.
Lorsque le corps souffre, au-delà d'un quart d'heure, notre raison souvent faiblit et la détresse prend le dessus. Le cerveau analyse les dysfonctionnements, les causes de ce mal-être et c'est à ce moment où tout peut basculer. Le « stress », mot bien connu de nos jours est le plus fort et sans un mental bien forgé, la plupart tombent dans l'abandon d'eux-mêmes.
Mais Bill est aguerri à ces sensations, c'est un pionnier « des premiers temps de cette aviation » qui prend de plus en plus son envol.
Amy JOHNSON avait dit en son temps « qu'il n'était pas nécessaire d'être fou pour être aviateur, mais que ça pouvait être utile ».
L'état d'esprit de ces aventuriers est bien au-delà des réactions primaires de tout un chacun.
Bill se dit, au diable les souffrances, tant pis pour ce raid raté, il ne battra pas cette fois-ci Amy JOHNSON, peu importe, peut-être une autre fois ! Désormais il faut gérer le quotidien minute par minute, sans se disperser.
Mais 29 ans plus tard, l'adjudant Titus POLIDORI le retrouve par hasard !


Dans son compte-rendu, rédigé dans la Revue d'Études et d'Informations
n° 54 du 4ème trimestre 1962 de la Gendarmerie Nationale,
le lieutenant MOPPERT situe Bill à 70 km de la Piste Impériale
Document : Gendarmerie Nationale « Revue d’Études et d’Informations »

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Le crash du « Southern Cross Minor », avait eu lieu à environ 70 km, (45 miles), à l'Ouest de la borne 296 (PK 296), sur la Piste Impériale, soit 296 km au Sud de Reggan et 219 km au Nord de Bidon V.
Les relevés émanant des militaires sont précis et si LANCASTER avait une certaine idée de son positionnement, il faut savoir que dans le désert, les distances notées sur les bornes paraissent impressionnantes, mais elles cachent quelque part que 10 km à pieds dans ces immensités sont très difficiles à faire. Si Bill avait cédé à la tentation de ne pas rester « collé au zinc », comme il l'avait promis à Chubbie, sa dépouille n'aurait jamais été retrouvée !

ANECDOTE :
Je me souviens que lors de mon séjour à Reggan, un sous-officier était parti faire quelques photos en plein midi sur la route d'Hamoudia. Sa jeep prise de « vapor look », tomba en panne. L'aumônier revenant de célébrer la messe à Hamoudia, ce dimanche-là, fut interloqué de voir cette jeep sur le bas côté sans personne à bord. De retour à Reggan-Plateau, il informa le poste de garde qui fit envoyer une équipe de recherche. Le type fut retrouvé « noir comme un charbon », il avait fait 12 km depuis son véhicule. Il s'était débarrassé çà et là de ses vêtements, du fait de l'insolation qu'il subissait, au lieu de se protéger du soleil par tous les moyens dont il disposait. Dans cette triste histoire, alors que sa sortie aurait dû être notée, rien ! Laxisme ? Fut-il oublié par le poste de garde ? Personne n'en sut rien, « il mourut pour la France, d'un coup de soleil ».
Le pauvre malheureux devait rentrer sur la France peu de temps après. Ces quelques photos lui coûtèrent la vie, l'été 1963 lui fut fatal !!!

François MOPPERT dans sa biographie « GROUILLE OU ROUILLE », raconte qu'en se rendant à BIDON 5, il avait failli terminer son trajet de la même façon, ayant confondu jeep et dromadaire, quand sa guerba (outre en peau de bouc), heurtant le côté du véhicule, s’était vidée de son précieux liquide ! Mais la radio était là…

« HUIT JOURS AU DÉSERT »

13 Avril 1933 (Le premier jour)

Bill se dit : « J'espère que les français me rechercheront mais il sera difficile de me trouver car je suis en dehors de la piste ».
Lorsque LANCASTER imagine de rejoindre la piste qu'il situe à 30 km au plus, il ne croit pas à ce moment, qu'il n'aurait pas survécu à plusieurs heures de marche et personne ne l'aurait jamais retrouvé. Chubbie avait eu raison de lui dire « de rester collé à l’avion », comme il le reporte sur son carnet de bord. C'était se donner plus de chance d'être repéré. Il pense, à ce moment, « je vais rationner mon eau, une semaine au plus je suppose, cela me donnera du temps pour réfléchir et écrire quelques notes sur ce Log Book ». Il n'oublie pas sa mère et Chubbie, les deux femmes de sa vie, qui l'avaient vraiment soutenu avant son départ. C'est là où il mesure son échec :
« Hélas je suis déçu »
Il imagine qu'il ne doit pas être tombé très loin de la piste qui descend de Reggan vers Gao, passant par Bidon V.
Il situe sur un dessin la position où il imagine se trouver, à 20 miles (soit environ 32 km) de la Piste Impériale et à 160 miles (soit environ 257 km), au Sud de Reggan.
Photocopie du livre de bord de Bill
Copyright © Beaverbrook Newspapers Opera Mundi 1962

Pour une meilleure lecture :
Copyright © Editions George G. HARRAP - Londres

Puis :
« Agréable, il y a un vautour familier qui fait déjà des cercles. J’ai crié et il est parti à quelque distance ».


À 10 heures 45 du matin, il écrit :
« Chaleur ardente même à l’ombre de l’aile. Non !!! Je resterai tout près de l’appareil. Si je meurs j’espère que tout cela sera fini très rapidement. Je me sens las ».


À 11 heures, il note à nouveau : « Le premier jour s’écoule comme une année. Je suis un peu inquiet à propos de mes blessures. Elles contiennent beaucoup de sable. J’espère que je ne vais pas devenir aveugle, le tour de mes yeux est tapissé de sang. Curieuses idées que l’on a quand les minutes paraissent des heures. À force d’observer le vol du vautour je forme le désir de pouvoir l’attraper et l’apprivoiser et l’enfourcher et voler jusqu’à un bassin d’eau je ne me préoccuperais de sa saleté… ».

Cette mare, photographiée en novembre 1963, est certainement l'image dont le capitaine LANCASTER se faisait à ce moment.
Malheureusement celle-ci se situe à 300 km au nord au cœur de la palmeraie de Reggan.

Copyright © Alain BROCHARD


« Je ne veux pas mourir, je veux désespérément vivre… »

Il constate :
« Il y a un petit oiseau brun et blanc un peu plus gros qu'un moineau posé tout près de moi (8). Je me demande à quelle distance il y a un oasis… ».

Moula-moula
___________________________________
(8)
Probablement un « moula-moula », petit oiseau du désert (suggestion Michèle BEC).

Et là, il repense à sa mère, à son père et à sa bien-aimée. Il donne à cette dernière quelques conseils, lui demandant de penser aux bons côtés qu'il doit malgré tout avoir.
Bill, après un peu de désespoir, s'est repris. Il a conscience de la mort, mais il croit profondément que les militaires français le retrouveront. Bill ne veut pas mourir, ce serait trop bête, après l'échec qu'il vient de subir, « d'y laisser sa peau ».
Le lieutenant MOPPERT explique 29 ans plus tard, concernant la lutte, que LANCASTER a menée contre la soif :
« Il s'est tout de suite fixé une limite : tous les jours, il puisera une bouteille thermos. Il a fait le calcul : la réserve lui permettra de tenir 7 jours environ. Toutes ses pensées vont maintenant se cristalliser autour de ce qui rapidement deviendra une obsession : L'EAU ».
Et Bill tiendra le coup car :
« S'il ne connaît pas la méthode technique pour consommer l'eau dans un désert », il sait que lorsqu'il interrompt sa gorgée, « il doit combattre avec toute sa volonté pour ne pas vider goulûment la bouteille ».

Bill sait qu'il est perdu en plein désert, avec ces oiseaux qui s'approchent de lui, il se dit ne pas être si loin d'une palmeraie. Et pourtant il n'en est rien. Ces oiseaux sont des égarés, qui dans leur traversée ont perçu en la survolant, cette anomalie que représentait le « Southern Cross Minor » dans ce désert où il n'y a rien. La curiosité faisant, le vautour pensait peut-être faire « d'une pierre deux coups » profitant de cet arrêt inopiné pour se ravitailler et se reposer à la fois. Le petit moineau ferait de même goûtant à un repos bien mérité et si de plus il trouvait quelques miettes et un peu d'eau, il pourrait ainsi continuer sa route en toute quiétude. Mais il n'y avait rien à picorer, LANCASTER n'était pas encore mort et l'eau ne serait pas pour les oiseaux.
Malgré tout il faut savoir que nombre d'oiseaux meurent d'épuisement dans cette traversée du désert lors de leurs migrations.

C.F.A.R.P.G.
« Gendarmes d'Hier et d'Aujourd'hui »
N° 33 juin 1995
Commentaire : Jean AUBRY

Après avoir été chassé, le vautour s'était éloigné, estimant sans doute qu'il était trop tôt pour s'attaquer à une proie, dont il aurait pu faire les frais. Le petit oiseau avait disparu comme il était venu, laissant Bill terriblement seul dans cet enfer.
Ainsi, LANCASTER notera jusqu'au bout dans son carnet de vol, tout ce qui lui traversera l'esprit, le rapprochant de ce monde qu'il vient de quitter brutalement, alors qu'il était parti pour la gloire.
Il s'était remémoré l'accident, se disant qu'il s'agissait très certainement d'une « panne d'arrivée d'essence ».
Il pense aussi : « Eh bien ! Ça sera un rude travail de sortir ce taxi du milieu du Sahara ».
Et se dit que son ami « Smithy » n'aurait pas une grande opinion de ce désastre.
Mettons-nous un peu à la place de Bill, il lui faut lutter contre ce soleil cuisant qui n'épargne rien dans cet impitoyable Tanezrouft. Le souci de ses blessures, qu'il n'a pas pu nettoyer correctement et qui le font souffrir, cette attente interminable où il échafaude certainement tout et n'importe quoi et surtout cette lutte désespérée contre l'envie de boire qui le torture à chaque seconde.
Pourtant il sait bien que « sa vie même dépend d'un rationnement sévère ».
Mais son souci majeur est la peur de devenir aveugle.

2.40 après-midi – 1er jour


Bill n'est pas décidé à se laisser abattre, il survivra, il n'est pas question de mourir ! Et quoi qu'il en soit, il fera tout pour qu'on le retrouve.
« J’ai fait quelques torches grossières. Coupé des bandes de toile, je les ai enroulées et les ai placées par-dessus les fils des haubans. Je ferai couler de l’essence dessus et elles brûleront. J’en utiliserai une toutes les 20 minutes pendant la nuit.
Chaleur intense mais une brise intermittente se maintient ».

3 h. après-midi -

Il écrit à nouveau :

« Environ 2° plus frais ».
Nous sommes toujours le premier jour et Bill enlève ses vêtements ! Ceci peut sembler normal sous des climats tempérés, mais pour lui c'est déjà le signe du début d'une insolation et il devra se protéger avec le peu d'ombre dont il bénéficie.
« Je viens de retirer mes vêtements et suis assis sur le coussin du pilote avec ma veste et caleçon… »
« Alors que je retirais mes chaussettes, j’ai vu l’endroit où elles avaient été merveilleusement réparées par Chubbie ».
« Naturellement c’est splendide d’avoir la barre de chocolat que m’a donné maman lorsque je me suis envolé. Je n’ai pratiquement pas de nourriture !! »


3.30 après-midi -

Il repense aux siens qui à quelques 2000 km de là sont toujours dans l'attente. Chubbie toujours à la recherche de l'avion lui permettant de voler à son secours et qu'elle ne trouvera pas.
La faim doit malgré tout le torturer, il n'y fait pourtant pas allusion !
Nous savons aujourd'hui, que quand bien même Bill aurait eu quantité de nourriture, il n'aurait pas pu survivre, à moins d'avoir pu s'approcher de la Piste Impériale et cette marche de 70 km lui était impossible, dans les conditions physiques qui étaient les siennes. Bien d'autres s'y sont essayés au risque de leur vie. Mais LANCASTER tiendrait sa promesse, il resterait près de l'avion !

4.15 après-midi -

LANCASTER reprend son crayon :
« J’ai l’impression que je vais devenir cinglé et stupide. Je dois écrire autant qu’il est possible dès le commencement dans le cas où je ne pourrais écrire à la fin. J’envelopperai ceci dans un morceau de toile, l’attacherai avec du fil de fer et le laisserai pour qu’on le ramasse je l’espère … ».
Bill a vraiment conscience des difficultés que patrouilles et avions auront à le localiser. À cet instant je pense malgré tout qu'il aurait dû être retrouvé.
En effet, il part de Reggan au compas, direction Gao, il se crashe exactement sur cet axe. Personne n'aura l'idée de le rechercher sur cette trajectoire ?
Alors que tous savaient, que de nuit, il ne pouvait que voler au compas en droite ligne, direction Gao !
Un des militaires de Reggan, nous dit-on, lui avait même prêté sa lampe électrique pour lire sa boussole !

LA LAMPE TORCHE DE BILL

J'ai reçu cette lampe torche, envoyée par François,
en même temps que la plaque avion.
Nous l'avons également offerte au Queensland Museum.
Était-ce celle donnée par l'officier français à Reggan ? J'oserais penser que cette lampe de marque
« DIASMOND », faisait partie des bagages
de Bill au départ de Lympne ???
Copyright © Alain BROCHARD
Sur cette photo, il est possible de voir, parmi
d'autres objets, la lampe torche de Bill
photographiée sur le site du crash en 1962.
Copyright ©
Beaverbrook Newspapers Opera Mundi 1962

Et pourtant on le recherche sur le parcours de la Piste Impériale. J'avoue ne pas comprendre ou plutôt, je pense que ce désert était tellement impressionnant que personne n'osa s'y aventurer et le survoler.
De plus LANCASTER n'ayant pas réglé la fameuse prime pour payer les recherches, j'oserais presque penser que les efforts déployés furent limités. Il s'avérait donc plus qu'incertain de le retrouver et les moyens mis en place étaient ceux de l'époque ! (9)
___________________________________
(9) PARENTHÈSE :
Aujourd’hui l'homme, malgré toutes les technologies inventées depuis 1933, n'est pas toujours capable de résoudre ce type de problème. Steve FOSSETT en est la preuve, perdu dans le désert du Nevada depuis le lundi 3 septembre 2007. Ce richissime aventurier parti faire une balade avec un monomoteur, sans déposer de plan de vol, se serait vraisemblablement perdu dans une zone montagneuse du désert du Nevada, la balise de l'avion ne s'étant pas déclenchée. Les recherches mises en place aussitôt, n'ont pas permis de le localiser.
Dernière minute : (Il fallut un an pour retrouver par hasard, la carcasse de son avion, seul l'ADN permit de dire que les ossements retrouvés à proximité étaient bien ceux du malheureux pilote).
>>> Voir INTERNET pour plus d'informations.


4.30 après-midi -

Après avoir été chassé, le vautour s'était éloigné, estimant sans doute qu'il était trop tôt pour s'attaquer à une proie, dont il aurait pu faire les frais. Puis :
« Je peux à peine en croire mes yeux, mais j’ai vu un moineau. Cela me réconforte considérablement car je dois être à portée de la piste…. 2 moineaux… »
Bill pense que la compagnie transsaharienne est déjà à sa recherche : « Les voitures doivent partir vers 6 heures du soir… ».

Précisions du colonel Charles MÉLIN :
- Le 16, l'avion de M. de CLERMONT-TONNERRE, en suivant exactement la piste, a fait le trajet GAO-REGGAN, où il est arrivé à 18h30 et signalé qu'il n'avait rien vu.
- Et le 16, sans nouvelles du passage de Bill à GAO, la Cie Transsaharienne a envoyé une voiture de REGGAN à GAO (par la piste), après en avoir déjà dépêché une autre le 14 à 18h30.

Pourtant de son côté Chubbie met tout en œuvre pour se procurer un avion et partir pour le rechercher, il pense également à ses parents qui doivent se tourmenter.
Ainsi, il notera jusqu'au bout dans son carnet de vol, tout ce qui lui traversera l'esprit, le rapprochant de ce monde qu'il vient de quitter brutalement, alors qu'il était parti pour la gloire.
« Le jour semble ne pas devoir finir et c’est seulement le premier… »
Mettons-nous un peu à la place de Bill, il lui faut lutter contre ce soleil cuisant qui n'épargne rien dans cet impitoyable désert.
Le souci de ses blessures, qu'il n'a pas pu nettoyer correctement et qui le font souffrir, cette attente interminable où l'esprit échafaude tout et n'importe quoi et surtout cette lutte désespérée contre l'envie de boire qui le torture à chaque seconde.
Pourtant il sait bien que « sa vie même dépend d'un rationnement sévère ».
Mais son souci majeur est la peur de devenir aveugle.
Bill a décidé de ne pas se laisser abattre, il survivra, il n'est pas question de mourir ! Et, quoi qu'il en soit, il fera tout pour qu'on le retrouve.
Bill n'en peut plus d'attendre que le soleil se couche.
Mais quand la nuit arrive, c'est le froid et Bill comprendra bientôt pourquoi la vie est quasi inexistante dans le Tanezrouft. Il est vrai que, du côté de Reggan, le soleil se lève tôt et lorsque cette chaleur torride vous a séché pendant plus de dix heures, il est certain que l'on aspire à ce que ça s'arrête.
Curieusement, en dehors des souffrances dues à ses yeux, LANCASTER ne parle pas de cet aveuglement permanent causé par ce soleil omniprésent, sachant que sans protection, la cécité guette tout individu qui au cours d'une journée s'exposerait trop longtemps à ce rayonnement (10).
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(10) J'ai connu un camarade de chambrée qui, un midi, observant sans lunettes de soleil un avion se poser, termina sa journée à l'hôpital de Reggan avec une sérieuse cécité, vu la luminosité du soleil en plein zénith.

5 h après-midi -

Bill se soucie de ses blessures et après avoir retrouvé un miroir dentaire dans sa trousse de premier secours, il peut voir les vilaines coupures qu'il a à la tête et pour prévenir un empoisonnement du sang, il vide toute une bouteille de mercurochrome dessus.
Il cherche à éviter une infection qu'il ne saurait arrêter et qui par le fait l'affaiblirait un peu plus.
Le soleil est encore haut dans le ciel :
« Encore une heure avant qu’ils démarrent et envoient des voitures me rechercher ».
Il espère qu'à Londres :
« Les journaux donneront les nouvelles me concernant cette nuit si je continue à être disparu ».
Se disant qu'après tout, il n'est qu'à 240-320 km de Reggan.
Il est à nouveau torturé par la soif :
« Ah un bain d’eau sale et peut-être que je le boirais ! »
Il se remémore son accident, mais ne se souvient plus de grand chose :
« Peut-être que cela me reviendra ».
Il repense à Chubbie puis à sa mère, souhaitant qu'elles parlent de lui !

5.15 après-midi -

Il refait le point sur son rationnement en eau. Il a bu dans la journée une gorgée de café toutes les demi-heures. La thermos qui contenait le café n'est pas tout à fait vide, rappelons-nous qu'il avait pensé au départ s'en servir pour se rationner en eau, imaginant qu'une thermos d'eau lui permettrait de tenir une journée !
Il calcule que le réservoir de neuf litres qu'il a retiré de l'appareil représente à peu près la valeur de 7 thermos, se disant que ceci lui permettrait de résister 7 jours.
« Si j’ai la fièvre, je ne serai peut-être pas capable de me limiter à 1 bouteille, mais je prie pour avoir la force de le faire. Les gens qui n’ont pas été dans le désert n’ont pas de véritable idée de ce qu’est la soif : c’est l’enfer ! Je ne l’avais pas compris jusqu’à maintenant. Cela rend fou. Je n’ai pas subi un dixième de l’agonie que je dois endurer pour survivre à cela. L’heure H est six heures du soir. Encore 40 minutes et allez-y les gars. J’espère que vous emporterez de l’eau ».

6.30 après-midi -

« L’heure « H » a sonné et un véhicule est parti de Reggan ». Charles MÉLIN précise dans ses commentaires que la voiture envoyée de Reggan n'est partie que le 15 avril, et nous sommes seulement le 13.
Bill commence à souffrir de la soif, de plus ses blessures l'ont affaibli, il a perdu beaucoup de sang et la fatigue se fait sentir. Il prend un peu d'alcool et une demie pinte d'eau comme remontant essaie de manger un morceau de poulet que sa mère lui avait donné au départ de Lympne mais ça ne passe pas et le poulet est devenu dur, il ne peut « avaler » que seulement « une petite quantité de chocolat ».
Il garde toujours espoir :
« Quelque chose étrange et puissante que la foi. J’ai la foi que quelqu’un viendra et me trouvera ».

Son unique souhait est de revoir « sa maman et sa petite fiancée Chubbie ».
La nuit va tomber, sans clair de lune jusqu'à 22 heures 30. Le premier jour d'enfer du Capitaine LANCASTER, va prendre fin, il va essayer de dormir !

Vendredi Saint 14 avril - (Le deuxième jour)

Bill se réveille après une nuit tranquille. Il a moins souffert. Les torches qu'il avait allumées la veille au soir lui semblent avoir été un succès. Il en a fait brûler plusieurs :
« J’en ai fait brûler une toutes les 15 à 30 minutes. Personne ne les a vues !!! ».
Il est toujours sous l'aile de l'avion, alors que le soleil apparaît à l'est.
La journée qui s'annonce sera chaude et le capitaine LANCASTER pense à son rationnement en eau, il n'a bu qu’un demi-litre dans la nuit et doit s'en tenir à sa thermos pour la journée ! Il imagine, désormais, qu'il doit être plus loin de la piste qu'il ne le pensait. Il n'a vu aucune lumière dans la nuit et supplie : « Oh ! Par pitié envoyez vos aéroplanes maintenant ».
À Reggan, à Paris, à Londres, les messages vont bon train, la presse s'est emparée de l'affaire. Chubbie se démène pour trouver « avion et finances » pour partir à la recherche de son compagnon, mais rien n'y fait.
Monsieur BAURET va envoyer comme il l'a promis, une voiture sur la piste. La TSF, vulgairement appelée la « sans fil », n'arrête pas de crépiter (11), Bill reste toujours disparu, seul avec lui-même dans ce désert dont il ne reviendra pas !
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(11) Le « MORSE » était, à cette époque, la seule façon de communiquer à longue distance, avec des puissances d'émission faibles.

9.00 matinée -

Ses yeux le font souffrir, Bill est inquiet. Il utilise une « crème », sorte de préparation d'origine américaine, pour se protéger des coups de soleil. Cet onguent qu'il se passe autour des yeux le calme un peu.
Le soleil grimpe vers son zénith, Bill apprécie car :
« il y a une brise bien que faible est réconfortante ».
Le pilote vient de passer seulement une journée dans le désert, il a déjà senti, que les variations de température sont effrayantes.
Nous ne sommes que mi-avril et il constate que le jour la chaleur est insupportable, alors que la nuit il fait un froid de « canard ».

Je me souviens, personnellement, que lorsque nous revenions de la station émission située à l'extrémité Est de Reggan-Plateau, dans un 4x4 Dodge débâché alors que la nuit arrivait, une fois le soleil couché, une petite brise chaude précédait un froid qui nous glaçait instantanément.
Ciel sans nuages, absence d'hygrométrie, lorsque le soleil disparaissait à l'horizon, le froid s'installait immédiatement et souvent les écarts de température étaient de l'ordre de 30° C, sinon plus. Lorsque le soir après s'être endormi, alors qu'il faisait encore dans les 35° C à l'intérieur des « fillods » (12), le lit baignant de sueur, plus tard réveillé par le froid, il était habituel de se réchauffer à l'aide de plusieurs couvertures pour pouvoir retrouver le sommeil.

Sur la droite : Fillod photographiée
par l'auteur sur la base militaire
de Reggan-Plateau en 1963.
Copyright © Alain BROCHARD

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(12) Fillod : Bâtiment à usage militaire, du nom de son constructeur.

Par contre Bill sait tirer avantage de ces variations de température :
« Le réservoir d’eau se refroidit la nuit, aussi le matin, si je remplis le thermos, j’ai une boisson très fraîche pendant tout le jour. J’absorbe une gorgée d’eau chaque demi-heure ».
Mais il doit lutter de toutes ses forces, de toute sa volonté, dit-il, pour ne pas boire plus.
Il faut savoir que lorsque la température est inférieure à celle du corps, 37 à 38° C, il est nécessaire dans le désert de boire un demi-litre d'eau par heure, au-dessus de cette température un litre et plus est fortement conseillé. De plus il faut le faire à intervalles réguliers.
Bill à priori n'avait pas connaissance de ces techniques de survie, développées au mieux de nos jours, mais le bon sens sur lequel il s'appuyait désormais, lui avait fixé la ligne de conduite.
Pour l'instant, le pilote se sent fort et il se met à fabriquer des torches à l'aide de bandes de toile roulées, réduisant par le fait même les « plumes » de ce pauvre « Southern Cross Minor ». Il utilise les cordes à piano de la voilure pour pouvoir élever ses torches le plus haut possible.

Bill a fait un dessin le représentant, soulevant
une de ses torches à bout de bras, pour que
l'on puisse mieux l'apercevoir.

Dessin tracé dans son carnet de bord
Copyright © Editions George G. HARRAP - Londres

Mais Bill est très au-delà de la ligne d'horizon de la Piste Impériale et personne ne pourra le voir à partir de là, seul un avion survolant la zone aurait pu apercevoir les torches.
Il conserve, malgré tout, l'entoilage de l'aile supérieure qui se trouve plaquée au sol de par le « cheval de bois » qu'il a fait lors de son crash.
Il décide également de brûler les morceaux de bois de l'épave !
À ce stade il est toujours convaincu d'être retrouvé par les secours partis de Reggan.
Il repense alors aux siens : « Oh Chubbie chérie ! Vous reverrais-je ! Douce petite maman, pour l’amour de votre fils aîné, prends Chubbie sur ton cœur et guides la dans la bonne direction si je meurs. Car si je vis, je jure que ce sera ma seule occupation, à l’exception des services que je dois accomplir pour notre subsistance ».
Puis regardant son avion, il n'est pas fier de lui avoir fait subir ce sort : « Pauvre vieux « SOUTH CROSS MINOR ». Quelle fin ignominieuse ».

Charles KINGSFORD-SMITH, appelé « SMITHY » par ses proches, ne pourrait pas en vouloir à ce pauvre Bill coincé dans ce désert à côté de l'avion qu'il avait lui-même préparé pour de longues courses.
Bill épuisé s'arrête d'écrire : « à un peu plus tard », nous dit-il !

10.30 matin -

Bill écrit : « Have just tried extent of injuries..., l'intendant MÉLIN traduit vingt-neuf ans plus tard :
« Je viens juste d’essayer d’examiner l’extension de mes blessures. La plus mauvaise est la coupure entre les yeux et plus au-dessus de l’œil gauche que du droit. J’ai terriblement peur qu’un empoisonnement du sang ne s’y mette ».
Bill se soucie énormément de ses blessures, il a raison car la perte de sang, plus la douleur persistante l'affaiblissent d'autant.
Souvenir :
(Bien que n'ayant pas eu écho d'un incident de ce type au cours de mon séjour à Reggan, certains d'entre nous se faisaient opérer de l'appendicite, avant de rejoindre ces bases éloignées de l'hexagone. Ceci par peur du risque encouru lors de l'opération, malgré la modernité à l'époque des hôpitaux militaires semblables à celui de la base de Reggan.
Le seul cas de décès à l'hôpital, dont je fus informé, fut celui d'un brave Légionnaire, un italien si mes souvenirs sont exacts. Ce dernier ayant terminé son temps, avait souhaité se faire enlever ses tatouages, avant de rentrer chez lui. Bien mal lui en prit, car il ne résista pas à l'opération. Le cœur lâcha, et il prit l'avion avec les honneurs militaires bien sûr, « mais les pieds devant ». Encore un qui mourut pour la France alors que les « échauffourées » étaient terminées).
Le capitaine LANCASTER est surpris :
« Je viens de voir un papillon blanc et une libellule (non, je ne rêve pas présentement) ».

Oui Bill a aperçu un papillon et une libellule. Il n'en croit pas ses yeux et pense à nouveau qu'une oasis ne peut pas être très loin ! Depuis, nous savons qu'il n'en est rien mais ceci lui redonne un peu d'espoir, lui faisant oublier du même coup ses souffrances.
D'aucuns ont prétendu que voir un papillon dans le Tanezrouft, était pure illusion et pourtant !
Bill avait beau être très éprouvé physiquement, il n'avait pas rêvé. Le colonel Charles MÉLIN confirme dans ses commentaires, avoir lui-même observé des papillons au Sahara.
Bill implore pour que des avions viennent !
Toujours la soif qui le torture:
« What a temptation it is to go to the water bottle… Mother, what would you think if I were to dash into your bathroom while you were bathing and plunge my head into water, clean or dirty, and drink and drink and drink ? ».
Bill écrit à sa mère que s'il disposait d'une salle de bains, que l'eau soit propre ou non dans la baignoire, il plongerait sa tête dedans puis boirait, boirait, boirait !!
Il trouve étrange d'avoir soif la nuit, alors qu'il fait si froid.
Il constate que le vent a changé, il est passé du Nord-est au Sud-ouest.
Il souffle fort et chaud.
Il semble qu'à ce moment Bill ait perdu connaissance pendant une heure !
« De 10h30 à 11h30 dans le coma !!! »
Bill parle maintenant de ses écritures, qu'il tient à rédiger jusqu'au bout de ses forces. Disant qu'il attachera son carnet sous l'aile de l'avion, le protégeant avec de la toile. Il l'adressera à sa mère et plaise à Dieu qu'il puisse quitter cette terre, en parfait « gentleman ».

1.45 après midi -

Bill se sent mal, il a des douleurs à la tête. Il a démonté le compas pour récupérer l'alcool (13) ! Ceci lui permettra de nettoyer ses plaies. Mais après avoir goûté il écrit « No good ». L'alcool industriel n'est certainement pas très goûteux.
Il utilise néanmoins ce liquide à fort taux d'évaporation pour se rafraîchir la tête.
Il pense pouvoir écrire pendant encore deux jours, il sait que dans quatre ou cinq jours c'en sera fini.
___________________________________
(13) Le liquide d'amortissement de la boussole de Bill se trouve être de l'alcool.

3 heures après midi -

Bill a pratiquement terminé sa bouteille il lui faut tenir jusqu'à 6 heures !
Il est disparu désormais depuis deux jours !!!

Samedi 15 Avril.

Bill a beaucoup dormi, épuisé il ne pouvait rester éveillé. Il mesure désormais ses chances de rester vivant trois ou quatre jours. Mais il garde toujours l'espoir d'être sauvé.
« Si les avions commencent les recherches aujourd’hui j’espère du secours »
Le colonel MÉLIN précise dans ses commentaires que cette idée est parfaitement illusoire, ajoutant que sur Reggan il n'y a pas d'avions à poste, tant du côté militaire, que civil. La transsaharienne ne disposant que de véhicules terrestres.

En 1933, la compagnie Transsaharienne disposait de véhicules Renault de type 6 roues jumelées


Deux des six-roues Renault de la mission Schwob entre Béni Abbès et Adrar.
À leur propos le général Estienne écrit « Ces véhicules peuvent rouler en palier à 45km/h,
franchissent les dunes avec la plus grande facilité et attaquent des pentes de 45° et plus »
.

http://www.alger-roi.net/Alger/transports/bouchet/pages/4_transports_automobiles_sahara_bouchet.htm

ainsi que des voitures similaires à cette auto-chenillette de marque Citroën.


Bill pense que le pilote français rencontré à Oran lors de son escale va probablement agir :
« There was a tall French pilot I met in Oran who will probably turn out ».
Bill imagine aussi que Chubbie avance dans ses démarches pour « éveiller l'intérêt », afin dit-il :
« que des recherches soient entreprises ».
Il nous dit également que de 11 heures du matin à 16 heures 30 de l'après-midi c'est terrible.
« La chaleur du soleil est épouvantable ».
Je peux personnellement témoigner de ce que vient de nous dire Bill.
Dès le mois d'avril la température est insupportable. Nous-mêmes sur la base de Reggan étions astreints à une sieste incontournable et bien qu'il fasse aux alentours de 30° C à l'intérieur des fillods, nous avions la réelle sensation d'être au frais par rapport à l'extérieur.
Lorsque, après 16 heures nous rejoignions nos postes de travail, le bus qui nous acheminait à l'autre bout du plateau, aurait pu porter le nom de « four » plus que de « transport en commun ».
Cette chaleur sans hygrométrie se supportait relativement bien, dans la mesure où nous respections les consignes données par la hiérarchie.
Nous n'avions pas de souci d'eau, il fallait se protéger du soleil, couvre-chef, lunettes de soleil indispensables et boire suffisamment.
Anecdote :
Un groupe de libérables avaient voulu jouer « les bronzés », avant leur retour définitif en France. Malheur leur en a pris, car se faire asperger en plein midi assis sur une banquette de 2 CV, les a conduits de suite à l'hôpital, rapidement brûlés par le soleil, ils ne purent repartir de Reggan qu'après avoir reçu les soins conséquents à ce terrible coup de soleil et l'avion qu'ils devaient prendre s'envola sans eux !!!

Par contre nous avions de l'eau à profusion, magnésienne d'accord, mais il n'était pas question de faire la fine bouche. Se mettant à la place de Bill, tous ceux qui ont fait un séjour là-bas comprendront parfaitement son premier souci lorsqu'il nous crie au travers de son log-book.

 

« WATER »


Page du log-book : ÉCRITS de BILL
Copyright © Editions George G. HARRAP - Londres

Copie de la couverture du livre de
Ralph BARKER édité en 1969,
sur laquelle a été reproduit le texte de Bill,
où l'on voit noté « WATER ».
Copyright © Editions George G. HARRAP – Londres
Note: Ce livre est toujours disponible (voir sur EBay).

6.10 matin 16 Avril -

Le Capitaine LANCASTER attaque son 4ème jour de désert. Déjà quatre jours ! Bill ne s’est pas laissé aller, beaucoup seraient déjà morts, incapables de résister à cette soif omniprésente qui rend fou le plus fort d'entre nous. Pourtant Bill est bien vivant, il continue à nous écrire ce message, pour dire ce qu'il ressent, comment il le vit, gardant toujours l'espoir d'être retrouvé même si au plus profond de son être il sent que ce combat est perdu. Il lutte toujours, nous montrant le plus bel exemple de volonté d'un homme qui sans être aguerri à ces techniques de survie plus connues de nos jours, ne cédera pas un pouce de terrain à l'irrémédiable !
Ce jour là, le vent est tombé nous dit-il. Par contre la veille il a subi :
« Un fort vent et bourrasques de sable ».
« Tout ce que je pouvais faire était de couvrir complètement ma tête avec ma chemise et rester étendu à l’abri d’une aile ».

La morsure du sable est terrible dans le désert, Bill n'a pas les vêtements lui permettant de vraiment se protéger. Alors que le sable pénètre partout, les yeux, la bouche, n'y échappent pas, la moindre partie du corps exposée donne la sensation d'être brûlée.
J'ai même pu constater sur place que le sable arrivait à pénétrer dans une montre étanche (waterproof) !!!
Une sensation d'assèchement de la gorge amplifie le phénomène et Bill prend en conséquence une « gorgée d'eau toutes les demi-heures ».
« J’ai du batailler dur pour rester éloigné du bidon d’eau principal ».
La lutte désespérée de Bill contre la soif devient de plus en plus difficile, il pense avoir trop usé de son précieux liquide, imagine qu'il pourra tenir encore trois jours.
Il s'est fait un chocolat chaud avec la barre de chocolat que sa mère lui avait donné à Lympne.
« C’était bon,, mais je l’ai bu trop vite et je ne l’ai pas conservé. »
Puis il nous écrit que la nuit précédente il avait commencé à « PLEUVOIR. Oui des gouttes glaciales ».
Malheureusement pour notre pilote, ces gouttes d'eau bien réelles tombant du ciel sont de brève durée et ne peuvent que rajouter à son calvaire. Personnellement j'ai vu le même phénomène sur la base de Reggan en janvier 1964, quelques grosses gouttes d'eau glacées, accompagnées d'un magnifique orage, véritable feu d'artifice sur les antennes de la station émission à l'est du plateau.
Le Sahara n'est pas à l'abri de pluies diluviennes. Rares néanmoins, elles apportent les inconvénients de l'inondation immédiate, puis s'évaporent le temps de le dire, elles bénéficient très peu aux cultures locales.

Inondation de la cour intérieure
du PC en 1962 à Reggan-ville
Copyright © Paul PANZANI

Puis Bill se remémore son vol à partir d'Oran. Il pensait pouvoir relier d'une traite Oran à Gao ! Malheureusement c'était sans compter le sable qui emplit l'atmosphère, lors des vents de sud fréquents en cette période. Sans filtres spéciaux, la mécanique souffre, les moteurs digèrent mal le sable, la sanction étant la plupart du temps l'arrêt immédiat.
Le pilote qui n'en était pas à ses débuts savait parfaitement cela, mais tenir le « timing » de ce vol restait sa préoccupation première. Le « Southern Cross Minor » lui avait déjà envoyé un signal au niveau d'Adrar, ce qui l'avait conduit à se poser pour réparer. Mais en dehors du démontage entre autre du carburateur pour en vérifier l'état, LANCASTER, pressé par le temps, n'avait rien observé d'extraordinaire sur le moteur qui de nouveau semblait fonctionner correctement et il avait redécollé… Nous connaissons la suite !!! L'avion au sol, Bill a promis à Chubbie de rester près de l'épave il attend :
« Les jours lorsque le soleil se lève sont indescriptibles. Je reste simplement étendu sur le dos, pendant ce qui me semble des années, à l’abri de l’aile, avec un tas de pensées folles ».

Lever de soleil pris d'avion au-dessus du désert
Photo : Alain BROCHARD, Novembre 1963

Il pense que sans ses blessures tout aurait été autrement. Après quatre jours de diète, son estomac commence à crier famine, à se contracter, ce qui ajoute encore plus à sa souffrance.
S'adressant aux siens :
« Chubbie mon amour et maman ma meilleure amie et père mon copain, n’ayez pas de remords, il n’y a que moi à blâmer pour tout. Le fol orgueil de moi-même ».
Pour la première fois, Bill s'avoue vaincu et reconnaît ses erreurs. Il a manqué de modestie. C'était le type même de l'homme pour qui une bonne étoile avait favorisé le parcours. Mais lorsque l'on pousse trop loin le « bouchon », la nature nous rappelle à l'ordre et si l'étoile s'éteint, les problèmes arrivent !
Le capitaine Lancaster était exactement dans ce cas de figure.
Dans ces moments là, on dit souvent que « les pendules » sont remises à l'heure et tous ceux qui ont joué de çà ne sont plus forcément là pour nous le confirmer.
Un des points forts dans les écrits de Bill est ce qu'il nous exprime maintenant :
« La vie après tout est un court instant dans le cadre général des choses. J'aurais voulu faire plus de bien pendant mon temps.»
La fin du parcours de tout un chacun amène parfois à ce type de réflexion. Ce n'est pourtant pas au moment du départ, lorsque les bagages sont prêts pour le grand voyage, qu'il faut s'interroger !
C'est bien, mais trop tard. La question doit se poser lorsque l'on est en pleine forme, lorsqu'il est encore possible d'agir. Mais la plupart veulent rester « devant », montrer qu'ils sont là et que sans eux…
La modestie ne fait pas vraiment partie de nos valeurs, je pense pourtant que ce sentiment reste un des « moteurs » les plus efficaces dans la vie de tous les jours. Ce point de vue est discutable je l'accorde, mais il est préférable de faire ce constat et de le mettre en œuvre le plus tôt possible dans sa vie, car à la fin tous tombent d'accord là-dessus !!!

6.30 du matin -

« Le soleil prend de la force, c’est pourquoi je cesse ».

10.15 du matin même jour -

Bill est fatigué, il y a un peu de brise : « Cela aide ».
Il continue à se réhydrater toutes les demi-heures, il lui faut tenir coûte que coûte, c'est pourquoi il se tient à ce qu'il avait décidé pour tenir, tenir le plus longtemps dans l'espoir des secours qu'il attend depuis le premier jour.
Il vient d'apercevoir à nouveau un petit oiseau qui vole vers lui venant de l'est, sans sa promesse à Chubbie de « rester collé au zinc », il serait parti vers l'est à la recherche du point d'eau qu'il pense à proximité.
Après quelques recommandations à Chubbie pour ses recherches, il écrit :
« Croyez moi, je ne volerai jamais plus au-dessus d’un désert ».
Bill pense pouvoir tenir le coup encore 2 ou 3 jours, il imagine déjà la fin :
« La folie ou au moins la mort. Je prie qu’elle vienne rapidement s’il doit en être ainsi ».
Il n'écrira que le lendemain !

6.20 matin 17 Avril      Matin du 5° jour

« Je me sens mal ce matin et je sangloterais car la nuit dernière, juste avant le crépuscule j’ai vu une fusée tirée à quelques distances ».
En effet, la veille au soir Bill a cru voir une fusée :
Dans ses commentaires, Charles MÉLIN écrit que :
« Bill est victime d'une illusion. En effet, quand on passe la nuit à la belle étoile au Sahara, où l'air est très sec, on voit un ciel tapissé de myriades d'étoiles Parfois, au crépuscule, la nuit ou à l'aube, une étoile filante strie le ciel……… il n'y a pas eu ni fusée ni avion… ! »
Je suis personnellement d'accord avec ce point de vue, sachant que Bill se situe très au-delà de la ligne d'horizon, il ne paraît pas pensable qu'il ait pu voir une fusée. (Ceci n'est d'ailleurs relaté nulle part dans les écrits connus à ce jour).
Par contre, la nuit, le ciel au Sahara est effectivement tapissé de nombreuses étoiles et tous ceux qui ont entre autres, fréquenté à Reggan le cinéma en plein air ont pu le constater. Les étoiles filantes font également partie du décor et en 1963, il était possible d'observer un satellite qui passait à la verticale du plateau, de quel satellite s'agissait-il ???
Concernant le capitaine LANCASTER, le fait d'avoir pu apercevoir un reflet de soleil, sur la verrière d'un avion, ceci semble une hypothèse fragile, car à notre connaissance, seul l'avion du Comte François de CLERMONT-TONNERRE a survolé la Piste Impériale en remontant sur Reggan. Coïncidence, ce vol a bien eu lieu le 16 Avril ! Le FARMAN 390, devait se trouver à la perpendiculaire de Bill vers les 16 heures 30, vu que son arrivée à Reggan est notée à 18 heures 30. (Cet avion vole au mieux en croisière à quelques 155 km/heure.)
Pour un vol à vue, je le suppose voler à 500 mètres environ du sol.
La piste est à environ 70 km (45 miles) de la zone de crash !

Commentaire :
Concernant la possibilité que Bill ait pu apercevoir un reflet de soleil sur la verrière du FARMAN 390, pourquoi pas ?
Comme je l'ai dit plus haut, l'avion du Comte François de CLERMONT-TONNERRE vole à environ 500 mètres du sol pour suivre facilement la piste.
À cette altitude l'horizon est à 80,4 Km, or Bill est à peu près à environ 70 km de la Piste Impériale survolée par le FARMAN 390. Nous pouvons laisser à Bill le bénéfice du doute. En revanche, de son avion, si ce fut le cas, le Comte François de CLERMONT-TONNERRE aurait difficilement pu apercevoir la maigre torche de Bill au tout milieu du désert ! Une grosse fumée possible, une simple torche non !

Photo d'un FARMAN 390 communiquée par Pierre JARRIGE.
Cet avion est à l'identique de celui du Comte
François de CLERMONT-TONNERRE.
(Nous n'avons pas l'immatriculation de cet avion).
Copyright © Pierre Jarrige

9.15 matin

Mais Bill a situé sa vision au cours de la nuit du 16 au 17 avril, ceci annule donc l'hypothèse précédente :
« Je souffre de tortures mentales. Je suis catégorique, j’ai vu cette fusée la nuit dernière ».
La vue de cet éclat dans le ciel, a redynamisé Bill qui se dit que désormais sa torche a certainement été aperçue. Il pense donc avoir été repéré ! La fin de son calvaire serait donc proche. Ceci l'amène à boire un peu plus qu'à l'accoutumée d'autant qu'il ne supporte plus la chaleur écrasante des après-midi.

Commentaire :
Bill se croit plus proche de la piste qu'il ne l'est en réalité, la ligne d'horizon qu'il perçoit est trop proche, 20 à 30 km dans le meilleur des cas ! Un avion en vol à vue même à une altitude de 500 mètres ne pouvait apercevoir quoi que ce soit à 70 km. Pour le tir d'une fusée, c'est encore moins probable, « l'illusion de Bill » dont parle Charles MÉLIN dans ses commentaires est parfaitement fondée.

10,00

« Heat is going to be ghastly today. Am thinking of you mother and Chub ».
Bill imagine que la chaleur de cette journée sera intense et il repense à sa très chère mère et à sa fiancée qui attendent si loin !

10,20 -

Pas un souffle d'air, Bill se résigne, l'eau lui manque, il dit à Chubbie d'abandonner l'aviation, ayant lui-même précédemment promis qu'il ne survolerait plus un désert, mais il garde encore espoir d'être sauvé.
Jusqu'alors Bill parlait d'être retrouvé, désormais il a évolué dans ses propos. La connotation est différente, il pense que la fin approche et qu'il ne pourra guère tenir plus de deux jours !

Fin du 5ème jour - C'est-à-dire 6,45 de l'après-midi du 5ème jour –

« Le « SOUTHERN CROSS MINOR » n’a pas grande allure maintenant. J’ai du arracher beaucoup de toile pour faire des torches. Aussi il est comme un pauvre canard au dos brisé avec beaucoup de plumes manquantes ».
Bill a conscience désormais qu'il ne sera pas sauvé.
« Je suis résigné à mon destin ».
« Chubbie souviens toi, j’ai tenu parole, je suis resté collé à l’appareil ».

Il se remémore son départ de Lympne, repense à la gentillesse des ses deux femmes chéries, de leur tendresse au moment du départ.
Bill a trop souffert, il craint le pire au moment du « passage », il note que la faim ne le torture pas :
« Étrange, j’ai seulement soif ».
Son souhait serait que ses documents soient remis à Chubbie.
Bill n'a pas oublié ses filles et son épouse contrairement à ce que d'aucuns ont écrit et il demande :
« Maman, vois les petites Pat et Nina. Embrasse les aussi pour moi et explique ce que j’ai dans le cœur. Vois Kittie, dis lui que maintenant elle peut réellement oublier ».
Il espère que le pilote qui lui semblait avoir envoyé des fusées va revenir.
« Please permit it fate. »

LE SIXIÈME JOUR 18 AVRIL 1933

6h. matin

« Nuit beaucoup plus froide…me suis endormi de 3 à 5.....Réveillé en frissonnant malgré mes vêtements ».
J'ai déjà expliqué plus haut cette sensation désagréable se produisant la nuit malgré la protection des bâtiments, avec l'impression de ne plus pouvoir se réchauffer. Le pauvre Bill, avec les « moyens du bord », ne pouvait que subir ce supplice supplémentaire dans la situation où il se trouvait !
Mais la journée les choses s'inversent :
« Ici, le jour je reste étendu voulant ardemment de l’air et de l’EAU. »
La nuit par contre Bill a besoin d'un peu de rhum. Il se dit à nouveau être plus loin de la piste qu'il ne le pensait, il imagine le chagrin des siens, il va s'attaquer aux 6 heures d'enfer de l'après-midi, il espère pouvoir écrire à nouveau le lendemain.
Les forces le quittent peu à peu, il repense à ces moments de vie qu'il a vécu intensément en renouvelant conseils et souhaits (la sensation d'avoir oublié de faire ou dire avant le grand départ !)

SIXIÈME JOUR 11h.15 matin

Bill a encore la force d'écrire sur son cahier.
« Pas un souffle d’air. »
Sa tête entaillée le fait toujours autant souffrir, il pense pouvoir tenir encore la journée, guettant malgré tout un bruit de moteur au loin !
Son souci désormais est de protéger ses écrits qu'il attachera plus tard sous l'aile de l'avion.

Le 7ème jour 19 AVRIL 1933

William Newton LANCASTER en est au dernier jour de cette semaine passé dans ce terrible TANEZROUFT. Il redit à Chubbie, qu'il a tenu parole ne s'éloignant pas de l'avion !
Ses blessures l'ont énormément diminué, mais son eau sera bientôt épuisée, il sait que son temps est compté et demande à Dieu que sa fin soit :
« Please God a quick end »
Qu'il plaise à Dieu que ma fin soit rapide.


Copyright © Editions George G. HARRAP - Londres

La fatigue a sans doute empêché Bill d'écrire lisiblement « QUICK », mot retranscrit par Ralph Barker dans son ouvrage.
Sans doute Bill à bout de forces voulait-il en finir rapidement après ce véritable calvaire. Personnellement je pencherais plus pour l'idée qu'il souhaitait s'endormir dans la mort sans souffrances supplémentaires, et ce fut la réalité !!!
Bill revient à nouveau sur ses recommandations, il parle également des problèmes d'argent engendrés par toute cette histoire.
Il recommande à Chubbie de repartir en Australie.
Puis s'adressant à sa mère : « Pardonnez à vos ennemis », Bill fait allusion au poème que sa mère lui avait remis avant son départ.
Puis disant à son père
« Pensez à moi quand vous prendrez une bonne bière ».
Ensuite viennent les recommandations de :
« Ne pas conserver jalousement ce cahier. »
Puis il fait ses adieux :
« Goodbye to you and God be with you. »      Bill
Rajoutant: « Maman et Chub. S’il y a un autre monde, et s’il y a quelque chose après ceci (et je sens qu’il y a quelque chose...), je serai seulement en train d’attendre.    Bill
Puis passant sous l'aile pour se protéger à nouveau du soleil, il nous dit garder la tête haute.
« Arrivé à la fin : J’espère »
Il nous dit attacher son précieux cahier sous l'aile de l'avion.
                          « Au revoir »    Bill
Ce seront les dernières notes écrites par Bill sur son log-book !
Bill écrira encore quelques lignes sur son fuel-log qui sera retrouvé sous son corps !
« À ma chère maman et ma chère Chubbie,
J'ai fait un rapport des sept jours passés, sur le log-book. Ceci est le septième jour depuis REGGAN. J'espère que vous entrerez en possession du rapport et que l'une et l'autre, le lirez ensemble pour l'amour de moi. Il n'y a personne à blâmer, le moteur a été défaillant, j'ai atterri sens dessus dessous dans l'obscurité absolue et voilà…
Voyez NINA ANN et PAT, embrasse les pour moi….. « K » comprendra. J'ai attaché le principal rapport qui contient toutes mes pensées et désirs au longeron de l'aile gauche. J'espère qu'on le trouvera et qu'on vous le remettra. Au revoir… Mon vieux père écris à Jack et adieu mes chéries.
L'aube du huitième jour est arrivée. Je n'ai pas d'eau… Pas de vent. J'attends patiemment, venez bientôt s'il-vous-plaît. La fièvre m’a éprouvé la nuit dernière.
Espère aurez mon « Fuel Log ». Bill

Traduction : Charles MÉLIN

CONCERNANT HADEN CLARKE :

J’avais écrit plus « haut », que Bill nous dirait bien au moment du « départ », ce qu’il en avait été de cette affaire, or :
Le capitaine LANCASTER n’écrira pas un seul mot sur son « Log-Book ». Pourtant Bill ne pouvait pas quitter ce monde sans en parler, si quelque part il avait eu une responsabilité dans la mort de ce dernier. Je reste convaincu que Bill n’était pas coupable. Certes son erreur fut de laisser son révolver à la portée de CLARKE puis de rédiger ce faux en écriture qui lui valut d’être inculpé.
J’ai lu par la suite sur « TIMESONLINE » dans une publication du « Sunday Times from February 29, 2004 » le texte suivant :

There is no mention of Haden Clarke. Some say that a man of Lancaster's temperament, particularly as he came to terms with God, could not have died without making some atonement if he was a killer; that he did not, proves he was innocent. Others point to the careful forgery and the troubling angle of the gun.

J’ai traduit :

Il n'y a aucune mention sur Haden Clarke (dans son Log-Book). Certains disent qu'un homme du tempérament de Lancaster, particulièrement en accord avec Dieu, ne pourrait pas être mort sans avoir voulu expier son geste, s'il avait été un tueur; qu'il n'en ait pas parlé, prouve qu'il était innocent. D'autres restèrent prudents indiquant que l'angle de tir de l'arme à feu pouvait démontrer l'inverse.

Pour en savoir plus tapez : Love in the air-Times Online sur le NET

• Love is in the air. He was a pilot who risked everything for the woman he loved... On the night of April 13, 1933, Captain Bill Lancaster took off in his....
http://www.timesonline.co.uk/tol/life_and_style/article1028612.ece


LA DÉPOUILLE DE BILL RAMENÉE À REGGAN

Le corps de Bill fut ramené à Reggan avec d'infimes précautions.
« Le corps est hissé dans un Dodge et amarré à une échelle de sable, la tête reposant sur le siège que l'on a extrait de la cabine de pilotage. C'est dans ces conditions que le cadavre de l'infortuné LANCASTER arrive à Reggan, d'où il avait attendu en vain les secours il y a 29 ans », écrit en 1962 le Lieutenant MOPPERT.
François me confirme par téléphone, 46 ans plus tard, que ce transport fut réalisé dans le plus grand respect du défunt et que tout fut mis en œuvre pour que cet ultime voyage se fasse dans les meilleures conditions.
La dépouille mortelle fut donc acheminée à Reggan-Ville, précisément à l'infirmerie du Bordj ESTIENNE.

Le Bordj ESTIENNE ancien hôtel relais sur la route de l'Afrique noire.
Copyright © Jacques OUDOIRE

Paul PANZANI a pu voir, grâce au bon vouloir de son lieutenant, Bill étendu sur un lit picot, une dizaine de minutes dit-il, avec grande émotion, profondément troublé par le regard vide (Bill était resté ainsi les paupières ouvertes !)
Il fut ensuite amené à l'hôpital de Reggan-Plateau, pour être examiné par le corps médical, puis transféré à la morgue de l'hôpital.
Note :
Un Général, médecin de son état, descendit spécialement de Paris pour examiner « les restes » de Bill me signale Victor JACOPS. Comme quoi cette affaire avait interpellé la hiérarchie médicale !!! (Nous n'avons pas le nom de ce général ?? Ceci fait partie des recherches en cours.)

Hôpital de Reggan-Plateau
Copyright © Jacques OUDOIRE


Témoignage :
Robert JASSEY, un des mécaniciens de l'escadrille en poste sur l'aérodrome de Reggan-Plateau à cette époque, a vu de ses propres yeux cette scène des plus macabres. Lorsqu'il me parle de cela, j'ai vraiment l'impression qu'il vient d'y assister dans la demi-heure qui précède.

Robert JASSEY consultant son album photos,
en compagnie de son ami Roland DIDIER

Copyright © Roland DIDIER


LANCASTER, me dit-il, est allongé sur le dos, sur un lit « picot ».
Ses paupières sont ouvertes, laissant apparaître ses yeux déshydratés, dont le regard s'est éteint depuis 29 ans. Il est vêtu d'un pull-over à col roulé noir ou peut-être bleu foncé (l'adjudant Titus POLIDORI parle d'un pull vert), peu importe la couleur !
Le pantalon de Bill semble être un pantalon de pilote, de couleur « kaki », avec fermeture par laçage au bas des jambes. Sans doute celui qu'il porte lorsqu'il pose pour la photo devant le « Southern Cross Minor ».

Une de ses côtes est visible, (j'imagine ceci, du fait du transport dans des conditions difficiles, sur plus de 300 km !).
État certainement lié à la fragilité de la peau réduite à l'état de parchemin. Triste décor me direz-vous, mais le désert n'a pas voulu garder Bill, afin que son éternité ne soit pas un vain mot.


LES HONNEURS MILITAIRES


À la suite de ce court séjour à la morgue de l'hôpital de Reggan-Plateau, Bill fut mis en bière. L'Armée de l'Air rendit les honneurs au capitaine LANCASTER en tant qu'ancien « officier de la RAF », ceci m'a été également confirmé par Robert JASSEY. Puis son cercueil fut acheminé à la palmeraie de Reggan-Ville dans un tombeau préparé à la hâte, dernière demeure de ce pilote, que le désert venait de restituer.
Malheureusement nous n'en savons pas plus, pour l'instant, sur cet hommage de l'armée française. Les honneurs militaires auraient-ils été rendus sur la place d'armes de Reggan-Plateau ou près de l’hôpital ? Je pencherais plus pour la dernière hypothèse, à moins que ce ne fût sur le lieu de l'inhumation ? La question reste posée.

Place d'armes de Reggan-Plateau
Au centre : la piscine couverte
Sur la gauche : le foyer interarmes
Sur la droite : le cinéma
(Photo 1963)

Copyright © Christian GÉRAULT
L'INHUMATION DE BILL

Bill fut enseveli, en février 1962, « avec sobriété, dans un mini cimetière rapidement organisé pour la circonstance », nous dit le général AUBRY. L'inhumation est faite sous la responsabilité de l'Armée de l'Air.

Sur cette carte, dessinée par Jean BELLEC, la palmeraie de Reggan (Reggan-Ville)
se situe à environ 12 km à l'ouest de
Reggan-Plateau, la base du CSEM.
Copyright © Jean BELLEC

Clic sur la photo pour l'agrandir

Palmeraie de Reggan, au fond au centre de la photo,
on aperçoit l'arche près de laquelle fut inhumé
le capitaine William Newton LANCASTER en février 1962.
Copyright © Jacques OUDOIRE

L'arche, porte de sortie de la palmeraie de Reggan,
près de laquelle Bill LANCASTER était inhumé.
Copyright © André LEBUDEL

Cette photo, de l'entrée de la palmeraie
de Reggan en arrivant d'Adrar,
a été réalisée par Paul en janvier 1962,
quelques semaines avant la découverte
de la dépouille mortelle de Bill.
Copyright © Paul PANZANI

Le 23 juin 1963 j'étais allé sur sa tombe. Cette tombe avait été creusée à quelques centaines de mètres au nord des bâtiments les plus proches. Elle paraissait bien seule dans cette étendue de sable annonçant le désert dans lequel cheminait la piste montant vers le Nord.

Vue de la sortie de la palmeraie de Reggan côté ouest.
L’arche évoquée dans le texte se trouve au fond sur la gauche de cette carte postale (1963)
Au 1er plan au centre le Bordj des Sénégalais.
Légèrement sur la gauche, derrière le Bordj des Sénégalais, le Bordj ESTIENNE.
À droite du Bordj ESTIENNE, les bâtiments de la Gendarmerie,
affectés par la suite à la Légion Étrangère. (Bordj Lieutenant GELAS)

Dans les compléments à sa traduction, le Colonel Charles MÉLIN nous dit :

« Le corps de Bill a été ramené au Bordj de Reggan, qu’il avait quitté 29 ans auparavant. On y a créé un cimetière chrétien, et, comme un cimetière avec une seule tombe, ça n’existe pas, on y a aligné 3 tombeaux. Seul celui du centre est réellement occupé, il porte l’inscription :
                                              William LANCASTER – 1898-1933
Mais je ne crois pas que les deux autres soient réellement vides, car j’imagine que l’un abrite le fantôme de Haden CLARKE, mort tragiquement à MIAMI, exactement un an, jour pour jour avant Bill ; et que l’autre abrite, ou abritera si ce n’est déjà le cas, celui de Keith MILLER ……….. CHUBBIE pour ses deux compagnons ! ».

La photo qui suit transmise par Michel FERNEZ, est conforme aux explications de Charles MÉLIN. À noter que les tombes sont recouvertes de dalles de béton.
(Cette photo a été trouvée sur un forum allemand de la Légion Étrangère). Photo réalisée par le Légionnaire de 1ère Classe J. DIERKES.
Tombe de William Lancaster. Pilote anglais.
Tombé en 1933 à proximité de Reggan.
Retrouvé seulement en 1962.
Enterré entre 2 légionnaires.


Grab von William Lancaster. Englischer Pilot.
Im Jahr 1933 in der Nähe von Reggan abgestürzt.
1962 erst gefunden. Zwischen 2 Legionären bestattet.

http://www.lalegion-pictures.com/picstore/displayimage.php?album=326&pos=45
Copyright © J DIERKES


Je ne pense pas que les deux tombes de part et d'autre de celle de Bill servirent à l'inhumation de Légionnaires, contrairement aux dires de J. DIERKES.
Les dépouilles mortelles des militaires décédés à Reggan étaient rapatriées, ou regroupées dans « un carré » de la Légion, à titre provisoire ou définitif (Legio Patria Nostra).
Les tombes prévues pour « les fantômes » de Chubbie MILLER et Haden CLARKE, furent-elles utilisées à d'autres fins ??
Mais alors que seraient devenues ces tombes ??
Par contre où pouvait être situé ce « cimetière chrétien » à Reggan-ville ???
Personnellement, lors de ma visite en Juin 1963, je suis formel, je n'avais vu qu'une tombe. A priori, elle n'était pas située à l'endroit que nous montre la photo de J. DIERKES !
Ma mémoire m'a-t-elle trahie, je ne pense pas ?
La tombe, sur laquelle j'étais allé, était faite de briques en « toub » rougeâtre (14), (entourage et fronton).
Sur le fronton était inscrit tout simplement : W N LANCASTER.

La tombe de Bill telle que je l'avais vue en Juin 1963.
Dessin réalisé, à ma demande, par Michèle BEC.


Commentaire :
Je formulerai donc l'hypothèse suivante :
En juin 1963, l'Algérie n'était plus territoire français depuis plus d'un an. Le cimetière chrétien, dont parle le colonel MÉLIN, n'était pas forcément bien situé à l'endroit où il se trouvait. Je pense donc que les autorités de Reggan l'avaient sans doute fait déplacer.
Lors des exhumations le personnel chargé de l'opération fut certainement très surpris de trouver deux tombes vides. Ces ouvriers ne pouvaient pas savoir, comme nous le dit le colonel Charles MÉLIN, que ces deux tombes avaient été prévues pour servir de « refuge » aux « esprits » de Haden CLARKE et Chubbie MILLER . Seule la tombe de Bill était donc occupée. À mon avis la tombe de Bill fut transférée ailleurs sous une forme plus adaptée, la croix chrétienne supprimée et remplacée par un fronton en toub ???

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(14) TOUB : Briques fabriquées à partir de paille hachée et d'argile

Fabrication de briques en « TOUB » à la palmeraie de Reggan
                                     Photos de 1962

À côté de la palmeraie de Reggan


Copyright © Paul PANZANI

Sur la place devant la mairie de Reggan-ville

Copyright © Bernard DEMONCHY


L'entourage de la tombe était construit de ces mêmes matériaux.
Les pierres et le sable, qui recouvraient le cercueil, rappelaient en quelque sorte le linceul de ce Tanezrouft maudit, dans lequel le pilote s'était écrasé.
Ce désert l'avait pourtant protégé 29 ans durant !
Mais depuis 1963, qu'est devenue la tombe de Bill ? La ville de Reggan a énormément grandi depuis cette date (voir GOOGLE EARTH). De nombreux bâtiments se sont construits, éradiquant çà et là ceux devenus obsolètes ou trop vieux, les autorités locales ont-elles laissé en lieu et place le tombeau de Bill ? Pour l'instant nous n'en savons rien ! Kamel partira bientôt pour Reggane (15). Il nous dira ce qu'il aura vu, il parlera avec les anciens et peut-être saurons-nous si Bill repose toujours en paix à l'endroit où j'étais allé, à moins qu'il n'ait été à nouveau déplacé depuis 1963, dans le respect de sa mémoire.
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(15) Depuis l'indépendance l'écriture de Reggan a changé pour devenir Reggane

LES ENFANTS DE REGGANE NE SE SOUVIENNENT PAS !

Kamel est revenu de Reggane. Partant de Timimoun, après avoir traversé le plateau du Tademaït pour rejoindre In Salah, il a atteint Reggane. Il m’avait promis d'y passer et il a tenu parole.
Aurais-je dû lui demander cela ?
Annick BRUN-MÉLIN m'avait pourtant écrit, il y a quelques temps, qu'il fallait à un moment ou un autre laisser les morts à leur histoire, pour rester dans leur meilleur souvenir ! Annick avait sans doute raison !
Au fur et à mesure du temps, les choses se gomment d'elles-mêmes, les constructions disparaissent, les mémoires s'effacent et pour ceux qui recherchent un peu de ce passé, la déception peut être des plus grandes.
Kamel m'a donc confié que ce passage à Reggane a provoqué en lui une telle émotion que sa déception fut au comble de l'imaginable. En effet il a interrogé ci et là ! Personne n'a su lui répondre, plus de souvenirs !!!
Des constructions telles que le Bordj ESTIENNE sont passées aussi dans l'oubli. Les années se sont écoulées, la route de l'AFRIQUE NOIRE n'est plus celle des pionniers du début du 20ème siècle. Désormais la piste impériale n'est plus utilisée que par les autochtones ou quelques randonneurs nostalgiques amoureux du SAHARA.
Le développement de l'aviation commerciale est telle que de nos jours, touristes et autres voyageurs se déplacent à l'autre bout du monde, sans traverser ces contrées fortes d'histoires, où seuls les aventuriers d'aujourd'hui refont vivre « cette mémoire oubliée des découvertes » de leurs aînés ! Ainsi va la vie, il ne faut en vouloir à personne.
Parfois, les chercheurs de mémoire sont là pour pallier et rappeler ces aventures d'un autre temps qui marqueront malgré tout et encore les générations à venir.
Vous comprendrez que, dans ce contexte, la tombe de Bill ??????
Elle a j'espère été déplacée dans un lieu mieux approprié où elle reste pour l'instant oubliée de la plupart.
Nous ouvrirons d'autres pistes et à terme nous saurons si Bill repose toujours dans la paix de ce désert éternel qui l'avait fait succomber.


« Le Bordj ESTIENNE »


En 1967 les militaires français quitteront le Bordj
Photo de 1967

Copyright © Claude BORDIER
.
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Quarante trois ans après...


Photo de février 2009
transmise à Alain BROCHARD par Kamel KADI

Copyright © Thierry PINGEON
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REMERCIEMENTS

À : Marie-Madeleine MÉLIN et Annick BRUN-MÉLIN
(Pour leur gentillesse et toute la documentation fournie).

À: François MOPPERT,
En 1962, lieutenant de Gendarmerie, en poste à ADRAR, il fut chargé de réaliser le « constat » du crash de Bill Lancaster.
(Lire : « Tanezrouft désert de la soif » du Lieutenant MOPPERT)

À: Victor JACOPS, Adjudant-chef de Gendarmerie, adjoint du lieutenant MOPPERT, acteur de la première heure de cette triste affaire, il eut la charge de transmettre l'ensemble des documents à la hiérarchie. Pour tous les renseignements et conseils qu'il a pu me donner.

Au : Lieutenant-colonel de Gendarmerie Maurice PATISSIER, pour toute l'aide qu'il a pu m'apporter avec la plus grande passion.

À : Michèle BEC pour sa lecture attentive du document, sa participation active et son encouragement.

À : Michel FERNEZ, mon ami Saharien, pour la mise en page, son soutien permanent et la patience dont il a fait preuve pour la composition de ce document.

Au : « 3ème Groupe de Transport »
      - Michel FERNEZ (administrateur du site).
      - Christian GÉRAULT (pour les nombreux documents retrouvés).
      - Jacques OUDOIRE (pour ses témoignages et photos).
      - André LEBUDEL (photo).
      - Paul PANZANI (pour ses témoignages et photos).
      - Bernard DEMONCHY (pour les différentes photos illustrant le texte).
      - Claude BORDIER (photo).

À : - Maguy et James GRAY (premiers intervenants auprès du Queensland Museum), ainsi que pour tous les conseils apportés.
- Pierre JARRIGE (pour les nombreux apports et documents fournis).
- Jean BELLEC (pour toute la documentation apportée et nos différents échanges).
- Roland DIDIER (pour les nombreux échanges que nous avons eu).
- Robert JASSEY (pour son témoignage).
- Pierre BELLEMARE (pour son sympathique courriel, l'auteur dans ses « Histoires extraordinaires » a su parler de Bill lorsqu'il fut retrouvé).

À : Kamel et Leila KADI (pour nos nombreux contacts et les recherches menées sur Reggane).

À : Thierry PINGEON (pour son témoignage et photos de dernière minute)
.

À : Dominique PAGNEUX (pour ses conseils). Association professionnelle des historiens de l'automobile et des transports. aphat@free.fr (site en cours de création).

À : L'Ambassade d'AUSTRALIE
.

Au: QUEENSLAND MUSEUM DE BRISBANE

À: - Kathy BUCKLEY (Senior Librerian, Queensland Museum)
- Géraldine Mate (Curator of Science and Technology)
Particulièrement au Dr Brian CROZIER, qui fut mon premier contact.

Au : Ministère de la Défense
- À la Gendarmerie Nationale, groupe de « SOULAC »
- Au Centre Administratif de « LE BLANC »
- Au Service historique de la Défense de « VINCENNES »
- À la Direction des Ressources Humaines pôle de « LA ROCHELLE »

 


Dans la « foulée » de mon propre texte je présente maintenant les écrits du Colonel Charles MÉLIN, « document majeur ».
(Je rappelle qu'il s'agit de la première traduction des documents de Bill rédigée en français).
En écrivant ces lignes, j'ai rapidement pensé que si j'avais eu connaissance de ce texte au commencement de mes recherches, je n'aurais certainement pas abordé cette enquête sous le même angle.
C'est pourquoi j'ai repris la quasi totalité de mes écrits après l'avoir eu entre les mains. Puis j'ai considéré avec un peu de recul que mon propre document « UN PAPILLON DANS LE DÉSERT », expliquant l'histoire de Bill, apporterait de nombreuses illustrations, regroupant aussi nombre de témoignages de l'époque de la découverte du « Southern Cross Minor ». Témoins qui m'ont communiqué en direct leur version propre de ce qu'ils avaient vu ou connu de l'affaire.

CONFÉRENCE AU ROTARY CLUB DE LA ROCHELLE
Du COLONEL CHARLES MÉLIN :
- Traduction des documents de Bill.
- Commentaires et compléments du traducteur.
Cette publication a été possible grâce à la gentillesse de Mme Veuve Marie-Madeleine MÉLIN et de Mme Annick BRUN-MÉLIN sa fille, que je remercie ici, pour m'avoir fait parvenir ces documents.

SOUVENIRS DE Bill LANCASTER (par Annick BRUN-MÉLIN)


(PARTIEL du courrier de Mme Annick BRUN-MÉLIN (du 16 octobre 2008)

SOUVENIRS DE BILL LANCASTER

En 1962, j'étais en classe de première au Lycée Jean DAUTET à La Rochelle.
Mon père, Charles MÉLIN, qui avait été Intendant Militaire à La Rochelle, était muté comme Intendant Militaire du Sahara pour deux ans.
Mes deux frères et moi-même sommes restés à La Rochelle avec notre mère : c'est le lot des familles de militaires, l'oasis de Reggan ne se prêtant pas à l'accueil des familles…
Un point sur une carte, au cœur de l'immensité du Sahara.
Dans le même temps, Jean AUBRY, parrain de ma sœur Colette, était nommé Commandant de la Gendarmerie du Sahara.
Ces deux officiers s'étaient connus à l'École de Saint Cyr et leur amitié est restée constante jusqu'à la fin de leur vie.
Ils se retrouvaient, de par leur profession, dans une des régions les plus inhospitalières du monde.
Je ne sais pas de quoi était fait leur quotidien, mais ces deux compagnons ont profité de leur temps libre pour faire des virées en jeep dans le désert.
Mon père, pourtant relativement sobre dans l'expression de ses émotions, a su communiquer à sa famille son plaisir relatif à sa vie au Sahara,
- ses expériences comme la chasse aux gazelles,
- ses découvertes (sites préhistoriques – mémoire d’un Sahara vert et habité, témoins dégagés par le déplacement des dunes),
- des objets ramassés comme des roses des sables, des morceaux de bois pétrifiés et fossiles de trilobites, dont il a rapporté des spécimens.
Mais la plus grande découverte au cours de son séjour fut celle de Bill (ainsi l'appelait mon père) et de son aventure.
Bill est devenu pour moi, comme un « ami de la famille ».
Cette histoire m'a marquée par le simple fait que mon père, parfaitement bilingue, a passé toute une nuit à traduire, aussitôt trouvé, le précieux journal, soigneusement enveloppé et accroché à l’avion par Bill.
Mon père l'a traduit mot à mot, en respectant la fluidité des phrases, puis leur sobriété (lorsque la résistance de Bill s'altérait tout au long des sept jours le rapprochant irrémédiablement de la fin de sa vie et cela consciemment quand il a compris que les secours ne viendraient pas).
Mon père, Charles MÉLIN, a été la première personne à prendre connaissance des écrits de Bill LANCASTER depuis sa disparition.
Cette situation a provoqué en lui une grande émotion (celle-ci est d'ailleurs mentionnée dans le texte du lieutenant MOPPERT). Je revois mon père nous lisant sa propre traduction lors d'une permission à La Rochelle. Ce fut un événement très important de sa vie et il a su le partager avec sa famille, ses amis, replaçant sa traduction et l'aventure de BILL dans le contexte de 1933, de la vie affective et professionnelle de l'aviateur.
Annick BRUN-MÉLIN

                                                           SUR LES LIEUX DU CRASH
À gauche de la photo, le Colonel Charles MÉLIN traducteur des écrits du Capitaine LANCASTER.À ses côtés debout dans le véhicule, le Général Jean AUBRY, son ami de toujours.
C.F.A.R.P.G. « Gendarmes d’Hier et d’Aujourd’hui » N° 32 – Mai 1995
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† Charles MÉLIN décédé le 1er août 2000
† Jean AUBRY décédé le 17 septembre 2004

 


Traduction
et
commentaires
du colonel Charles
MÉLIN

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ÉPILOGUE
Alors, quoi penser, après avoir lu ces quelques pages :
- Que l'histoire de Bill était triste ?
- Qu'après tout c'est du passé ?
- Que Bill LANCASTER aurait mieux fait de réfléchir à deux fois, au lieu de courir après sa mort ?
- Que finalement, il y a eu beaucoup d'autres cas semblables, dont on n'a jamais parlé ?
Sans doute, avez-vous raison !
Mais Bill, seul devant la mort dans ce désert implacable, savait au bout du compte qu'il serait difficile de le retrouver.
Pourtant, au lieu de se laisser aller, il nous a expliqué qu'il ne fallait pas céder à l'émotion première d'une désespérance qui le condamnerait avant tout. Qu'il fallait y croire et en conséquence, s'organiser pour vivre un maximum de jours, en se disant à chaque minute, qu'ensuite il y en aurait une autre, puis une autre et puis peut-être qu'au bout de tant de minutes, les secours arriveraient.
Qu'il ne fallait pas céder à la soif, cette soif qui vous prend à la gorge et qui vous tue à petit feu. Cette sensation de brûler de l'intérieur, bien connue de ceux qui comme Bill, auraient bu n'importe quoi, pour faire cesser cette torture.
Le capitaine LANCASTER a su gérer ses forces jusqu'au bout de ce huitième jour où, comme nous dit François : « Il n'a certainement pas vu se coucher le soleil », dans le crépuscule du dernier soir de sa vie, alors que sa main droite serrant sa gorge en feu, nous montrait le calvaire qu'il avait enduré. À ce moment la souffrance de Bill était à l'extrême.
Debout se tenant la gorge, la douleur était telle que regardant l'ouest, alors que le soleil continuait sa course Bill tomba à genoux, il résistait encore mais la « mort » était là qui attendait depuis huit jours !!!
Quand soudain cette terrible souffrance disparut comme par enchantement ! Bill se trouvait désormais dans un état d'hypnose, étonné, presque heureux de ne plus ressentir cette terrible soif.
Toujours conscient il ne savait pas que la mort venait de frapper, les yeux ouverts il s'affala sur le côté. Bill ne souffrirait plus !
William Newton LANCASTER avait fini sa traversée du désert !
Le sable, tel un linceul, viendrait bientôt le protéger des effets du temps !
Bill, aventurier ou héros, tu as su nous dire que finalement nous n'étions rien, mais qu'avec un peu de sagesse et de modestie, nous pouvions communier avec l'ensemble de l'univers pour nous élever encore plus en nous-mêmes.
Merci de ton message !

Jean AUBRY avait écrit en juin 1995 dans le n° 33 de la revue « Gendarmes d'hier et d'aujourd'hui » :
« Comment ne pas se sentir très profondément ému en lisant ces lignes écrites avec un sang-froid extraordinaire par un homme livré à lui-même au milieu d'une nature hostile et qui voyant approcher inexorablement le moment de comparaître devant le Créateur, note ses ultimes réactions avec une lucidité, un sang-froid et une résignation forçant le respect ? »

Ce document fut retrouvé par la Gendarmerie
parmi les documents de Bill.
Copyright © Editions George G. HARRAP - Londres




DEUXIÈME PARTIE

QUE SE PASSA-T-IL APRÈS ?

La France, suivant les accords d'Évian du 18 mars 1962, avait quitté l'Algérie en 1967.
Bill était enterré à Reggan, le « Southern Cross Minor » était, lui, resté dans le Tanezrouft !
La vie avait repris ci et là, plus personne ne se préoccupait de ce qui, pour la plupart, n'avait été qu'un fait divers. L'oubli serait-il le plus fort ?
Et bien non, les équipes du QUEENSLAND MUSEUM de Brisbane en Australie, n'avaient pas oublié William Newton LANCASTER et son Avro Avian Mk V.


Je reproduis, ici, une partie du document que m'a communiqué le Dr Brian CROZIER.
Ce texte de « E.P. WIXTED » qu'il rédigea en 1975 (amendé en 1980), dans le bulletin : History and Technology, Leaflet n° 8, du Queensland Museum nous raconte l'épopée de cette difficile recherche de la carcasse de l'avion du capitaine LANCASTER restée 42 ans dans le désert.

LE SOUTHERN CROSS MINOR NE PEUT PAS RESTER DANS LE DÉSERT !
« COPYRIGHT QUEENSLAND MUSEUM BRISBANE »
Traduction : Alain BROCHARD - Juin 2008
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TROISIÈME PARTIE


Puis l'histoire continue : le 4 juin 2008, François MOPPERT, que je recherchais depuis six mois, me fait parvenir un e-mail, de l'autre bout du Pacifique, où il vit désormais. Je vous fais part de son courrier :

Monsieur Brochard,
Je vous félicite de m’avoir retrouvé et vous remercie de m’avoir fait revivre cette extraordinaire aventure, dont j’ai relu avec émotion mon propre compte-rendu que je ne possède plus. Vous allez être déçu cependant, ayant peu de réponses aux questions qui vous préoccupent. Je n’ai publié aucun article depuis. Dans mon autobiographie qui vient de paraître et qui sera en librairie dans un mois environ, j’évoque bien sûr l’épopée de LANCASTER, mais ne faisant que résumer l’article que je lui avais consacré en 1962.
Je vis à Tahiti depuis 1981. Il se trouve que je pars demain en France et que la première chose que je vais faire, c’est de chercher dans la cave de ma maison de « xxxxx », la plaque de l’avion et la lampe torche de notre aventurier, que je vous enverrais volontiers le cas échéant.
Merci également pour les sites.
Je ne peux qu’approuver tous vos efforts pour honorer la mémoire de cet homme exceptionnel.
Je vous propose de prendre contact avec moi, à compter du 12 juin, car les deux jours qui précèdent je vais être très occupé avec l’éditeur pour la diffusion de mon livre.
Avec tous mes encouragements.
Bien à vous.
François MOPPERT


Le livre de la biographie de François s'intitule : « Grouille ou Rouille », c'est tout simplement l'histoire d'une vie bien remplie, sortant totalement de l'ordinaire, où là encore il ne s'agissait pas de baisser les bras.
J'appelle bien entendu François, le 12 au matin, sans attendre. Après avoir fait connaissance et reparlé de ce temps passé au Sahara, il me confirme rechercher les pièces dont il m'a parlé. Pourquoi m'a-t-il fait cette proposition, il ne me connaît pas ? J'ai très peu écrit sur l'histoire de Bill.
Dans notre entretien téléphonique, en le remerciant de son geste, je lui annonce mon intention de faire don de ces pièces au Queensland Museum de Brisbane, par l'intermédiaire du contact que j'ai là-bas, le Dr Brian CROZIER, qui a fait l'accueil le plus chaleureux à un inconnu de l'autre bout du monde, recherchant tout et rien sur un fait divers datant de 1933 !!!

La lampe torche de Bill et la plaque moteur de
l'Avro Avian MK V photographiées en juin 2008,
avec le livre :
VERDICT ON A LOST FLYER de Ralph BARKER
et celui de François MOPPERT : Grouille ou Rouille
Copyright © Alain BROCHARD
QUATRIÈME PARTIE
ÉTUDE DU PARCOURS DE BILL
Par le Lieutenant-colonel Maurice PATISSIER
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FÉVRIER 2010 : RAID AU TANEZROUFT

Par le Lieutenant-colonel Maurice PATISSIER

En effet il nous faudra attendre le retour de cette expédition en cours de préparation, pour connaître la suite de l'histoire .

En effet Maurice, le concepteur, étudie actuellement la possibilité de réaliser ce raid qui devrait comprendre 15 équipages maximum, 4X4 rodés désert. Les tractations sont en cours avec l'agence TAGOULMOUST Aix en Provence avec guide Algérien, choisie pour étudier et accompagner nos raideurs sur l'Algérie.

Le but de l'expédition étant de faire un aller retour >>> Marseille >>> Le Hoggar en 24 jours, en passant par REGGAN, puis de rejoindre le lieu du crash du capitaine William Newton LANCASTER, pour y poser une stèle mémoire.
                                                            Le 13-01-09

Mais comme je dis souvent :
Au bout de la patience il y a le ciel
Proverbe du Tassili N’Ajjer

Attendons donc le retour de l'équipe !


LA STÈLE MÉMOIRE

Cette stèle sera élevée sur un tertre d'environ 50 cm de hauteur.
Elle aura la forme d'une pyramide.
Sur une des faces sera gravé le parcours de Bill jusqu'à ce point.
Sur les trois autres faces il sera écrit en trois langues :
Arabe
Anglais
Français

le texte suivant :
À LA MÉMOIRE DE WILLIAM NEWTON LANCASTER
INTRÉPIDE AVIATEUR ACCIDENTÉ EN CE LIEU
LE 12 AVRIL 1933
BLESSÉ ET SURVIVANT DURANT HUIT JOURS
RETROUVÉ PRÈS DE SON AVION LE 11 FÉVRIER 1962

Cette stèle sera mise en place au cours d'une cérémonie à la mémoire du capitaine LANCASTER présidée par le Lieutenant-colonel Maurice PATISSIER.

 

Symbolique de la pyramide voir Internet


DOCUMENTS ANNEXES

 

COMPAGNIE GÉNÉRALE TRANSSAHARIENNE (Transmis par Pierre JARRIGE)
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LE QUEENSLAND

C'est une magnifique province d'AUSTRALIE, n'hésitez pas à consulter INTERNET pour en connaître plus.
Par exemple : http://www.queensland-australia.eu/iss/europe/french/

Le Musée du Queensland de Brisbane AUSTRALIE
Pour plus d’informations : Consulter >>> INTERNET

La « Nouvelle Entrée du Centre Science » du Queensland Museum, est une véritable liaison entre notre passé et notre avenir. Expliquant au travers des temps, l'évolution des lieux et des populations. Du boomerang aux balles, des dinosaures aux dragons volants, le Musée du Queensland est un vaste monde de découverte.



Nouvelle Entrée du Centre Science

COPYRIGHT © Alain BROCHARD
COPYRIGHT © Michel FERNEZ
http://3emegroupedetransport.com/
Avril 2009

Je ne pouvais pas terminer cet « essai », sans vous offrir cette magnifique photo réalisée à Timimoun par Kamel. Envoyée par Leila à Michèle BEC qui me l'a gentiment transmise.

Fleur de SAFRAN
Copyright © Kamel KADI

Merci d'avoir eu la patience de lire ce document, n'hésitez pas à nous faire part de vos impressions.

Alain BROCHARD/Michel FERNEZ