Mes missions

Ma première mission au G.S.T.

NOTRE préparation pour cette longue mission s’achève. Comme nous aurons des explosifs et des carburants à transporter, nous recevons des consignes particulières du sous-lieutenant GHIDINI. Il savait que l’interdiction de fumer ne serait pas respectée, il fit installer dans les cabines des véhicules, des boites de conserves collectives lestées de sable et d’eau pour éteindre les cigarettes, avec interdiction absolue de les jeter par les fenêtres. Cette mesure s’avéra très efficace et respectée.

L’ordre de départ est donné pour le 15 juin 1963. Nous commençons par le 1er R.E.C. situé au Kreider où nous chargerons du matériel dont deux E.B.R. Panhard sur plateau G.B.O. ce qui augmentera le hors gabarit des véhicules, notamment dans les descentes des gorges de Mascara.

NDLR : Nous remercions l’ancien Légionnaire (1959-1964) J. J. VAN RAAMT, du 1er REC - 1er peloton - 2ème escadron, de nous avoir fait parvenir les photos qui suivent :


1er R E C

Le camp du 1er R E C au Kreider

1er Escadron du 1er R E C et EBR



Le Légionnaire Joe VAN RAAMT



Le Site de Joe


Arrivés à Mers El Kébir, nous déposons tout le chargement et nous reprenons d’autres matériels, prochain gîte d’étape : Boufarik au GT 520. Deux plots sous le porche d’entrée nous poseront des problèmes d’accès pour les véhicules hors gabarit, mais nous entrerons au millimètre près.
Nous serons accueillis chaleureusement par tous les tringlots du GT.



Le GT 520 au Camp Videau à Boufarik



Deux jours d’entretien sur nos véhicules et nous partons au port d’Alger pour prendre des machines-outils, ainsi que des pièces automobiles pour l’usine Berliet de Rouïba. Ces pièces sont destinées à la construction de camions pour l’A.L.N.


1959 - Une chaîne de montage à l’usine Berliet de Rouïba (banlieue d'Alger)
Photo : Michel Colmant



Cette livraison a eu lieu le jour même de la visite de cette usine par le Président Algérien Ben Bella.
Petite anecdote : MERCIER, conducteur de G.B.O. , parfait imitateur du gloussement du dindon, lance ce glouglou au moment du passage devant nous du Président Algérien.
Ses gardes du corps pointent leurs armes sur nous et heureusement le Président esquisse un sourire en notre direction, calme ses gorilles et continue son chemin. « Ouf » nous avions frisé un incident diplomatique de justesse !
Solidarité saharienne oblige, le sous-lieutenant GHIDINI ne saura rien de cet incident.

Notre livraison effectuée, nous continuons notre route en direction de Laghouat, Ghardaïa et Ouargla où nous attendait un chargement de matériel au 4ème R.E.I. dans le cadre du redéploiement de ce régiment de Légion Étrangère.
Je ne vous explique pas l’accueil chaleureux des Légionnaires, vous l’avez tous vécu. Nous passerons trois jours dans cette valeureuse et accueillante unité.

 


4ème R.E.I. Ouargla


Nous reprenons la route vers El-Goléa en admirant les merveilleux paysages.

À partir de maintenant cela devient assez monotone voire même parfois difficile. Nous entamons la traversée du Plateau du Tademaït en direction d’In-Salah, nous comptons arriver dans deux jours, mais après environ 600 km de piste un gros vent de sable nous oblige à nous arrêter. Nous sortons de la piste et formons un cercle. Nous restons dans les cabines avec les chèches autour de la tête et nous serons immobilisés pendant près de 48 heures.
Cette tempête perd enfin de sa puissance et nous essayons de reprendre la piste devenue invisible. Nous ferons une progression en « S » pour retrouver le tracé et nous la retrouverons au bout d’une heure.

Nous sommes très surpris par la descente très abrupte du Plateau du Tademaït et retardés à cause d’un G.B.O. chargé et en remorque par triangle.
Spectacle impressionnant, de multiples carcasses de véhicules gisaient dans le ravin. Nous étions en première petite vitesse et les multiples coups de freins nous descendaient la pression d’air des bouteilles, nous obligeant de temps en temps à l’arrêt complet pour remonter en pression. Impressionnant pour une première mission !

À In-Salah nous effectuons le ravitaillement en carburant dans une station civile et je règle la note par tickets de carburant. Le lendemain nous arriverons au poste de la Légion d’Arak où nous faisons une courte halte technique avec rafraîchissement de tout le monde par l’indispensable Kro.

 

 


Le bordj de la Légion à Arak
Source : « Képi Blanc » - La vie de la Légion Étrangère
n° 228 – Avril 1966

 

Le soir nous arriverons à In-Ecker et subirons une fouille sévère par la prévôté à la recherche d’appareils photos qui sont interdits sur cette base. Il régnait une activité intense de véhicules divers, circulant dans tous les sens. Après le déchargement du matériel à divers endroits, nous procédons à la révision et à la réparation de certains véhicules. Nous faisons le complément des réservoirs d’eau, en n’oubliant pas notre ravitaillement personnel !

Nous quittons la base rapidement car un essai nucléaire doit avoir lieu prochainement. Nous reprenons la piste direction Reggan pratiquement à vide, avantage : les moteurs peinent moins. Inconvénient : ça vibre plus sur la « tôle ondulée » et nous devrons ressouder plusieurs ridelles cassées à la base.

Enfin nous sommes de retour au camp Moll où nous avons la fierté de franchir le portail sans un seul véhicule en remorque.
Le chef de corps et notre commandant de compagnie nous attendaient pour nous féliciter car nous avons mis près d’un mois pour effectuer cette mission, en parcourant prés de 4 750 km sans accident !

 


Retour de mission

 

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Ma première mission de chef d’escouade

LE capitaine LASCARAY me convoque dans son bureau. Je cherche ce que j’aurais éventuellement fait de travers, mais il m’apprend une bonne nouvelle : ma nomination au grade de maréchal des logis depuis le 1er Juillet.
Mettez vos galons et présentez-vous aux sous-officiers et officiers et surtout n’oubliez pas de vous présenter au chef de corps.
Je commence donc la ronde des présentations, le soir même je suis bon pour la tournée au mess des sous- off, no comment !
Le lendemain rebelote : tournée à tout le peloton. « Dur-dur ».

 


Losange de bras Maréchal des logis 3ème GST

 

Deux semaines après ma nomination, me voilà chef d’escouade et ma première mission direction la base tellement secrète « que même le bon Dieu doit l’ignorer » : B2 Namous en route et en piste avec 5 G.B.O.et une jeep radio.
Nous débouchons sur la plaine après avoir traversé d’étroites gorges et nous apercevons avec effroi un avion bimoteur en feu en effectuant un atterrissage forcé et perdant son train d’atterrissage à peu de distance de notre convoi.
Des morceaux volent dans toutes les directions, nous fonçons pour porter secours, avec nos extincteurs et nous apercevons le pilote un capitaine de l’Armée de l’Air debout à côté de l’épave. Je lui demande s’il est blessé, il me répond :
Non allez partez et vous ne parlez à personne de ce que vous venez de voir ???
Que c’est bizarre quand même !!! Bon nous reprenons notre piste et croisons un camion de pompier qui fonce vers les lieux de l’accident.

En arrivant à destination, quelques constructions en parpaings blanchis à la chaux et personne aux alentours, c’est vraiment désert.
Finalement un sergent-chef s’approche et nous désigne un bâtiment à l’écart. Il nous dit de déposer le matériel à cet endroit, qu’il signera la réception après l’inventaire et qu’il n’a pas d’hommes pour nous aider au déchargement ! Un accueil vraiment froid.
Après 4 heures d’un laborieux déchargement, nous obtenons la signature de réception et le sous-officier me propose un rafraîchissement mais pas à mes hommes. Je décline froidement son pot, ce sont mes hommes qui ont transpiré pour décharger son matériel. Il semble confus :
Je vais chercher une caisse de bibine me dit-il !
Je lui réponds :
Non merci, nous avons ce qu’il nous faut !
Je le salue réglementairement et nous repartons de ce sinistre endroit.

De retour au camp Moll, je rends compte verbalement au sous-lieutenant de la mission et du crash de l’avion. Il réunit les chauffeurs et leur demande d’être discrets sur cette mission.
La fin de l’année 1963 se terminera par de multiples missions par mon escouade soit au sein du peloton soit avec mon escouade seule.
L’année 1964 les missions continuent pendant tout l’été : Mers El-Kébir – Reggan aller-retour de multiples fois, cela devient même de la routine.

Une mission avec mon escouade sortira des sentiers battus, nous transporterons du matériel ultrasensible de haute technologie, vers la base de lancement des fusées spatiales de Hammaguir, un matériel attendu d’urgence ! Nous arrivons dans les délais exigés, tout contents de livrer ce matériel à cette base.
Je me fais remonter les bretelles par un civil, les bras levés au ciel, parce qu’on vient de lui livrer des appareils ultrasensibles de télémesure sur des camions par la piste.
Je lui réponds que j’exécute un ordre de transport et que les caisses ne sont pas abimées :
Vous en prenez livraison et vous me signer la réception, libre à vous d’envoyer une réclamation au commandement du Train à Béchar.
Un adjudant nous offre à tous des Kro bien fraîches et nous retournons à Béchar. Nous n’avons jamais reçu la moindre réclamation.
Au mois de juillet je dois assurer une mission très urgente avec mon escouade : un aller-retour Béchar – Reggan, nous roulerons la nuit ! Cette mission se terminera par un grave accident, je relaterai cette mission dans une anecdote prochainement.

Courant 1964, nous aurons le plaisir d’accueillir les hommes du GT 520 venant de Boufarik. Nous aurons la surprise de voir franchir le portail d’entrée, d’un convoi de camions Willème de couleur rose, surnommé le cirque « PINDER » par nos hommes.
Parmi leurs cadres le chef d’atelier 2/A le MdL-chef MROZINSKI, un colosse de 2 mètres qui, le soir du pot d’accueil, a mis en garde tous ceux qui parleraient, en se moquant, du Cirque PINDER et des gars du 520 avec ce langage fleuri qui était le sien :
Je leur ferais bouffer leurs couilles !
Nous n’avons plus jamais entendu le mot cirque PINDER !

 



Les fameux camions Willème transférés du GT 520 de Boufarik au 3ème GT de Béchar.
Ces camions ont été repeints en jaune sable quelque temps avant l’été 1964.
Le problème, c’est que le mélange de couleurs pour obtenir du jaune sable n’a pas réussi
et que les camions ce sont retrouvés « rose bonbons » !!!
Jean-Claude MOUROT

 

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