CHRONOLOGIE DE LA DÉCOUVERTE DE W.N. LANCASTER

     

– Le dimanche 11 février 1962, vers 10 Heures du matin, l’Adjudant Titus Polidori, Chef du 4ème Peloton Motorisé du Groupe Saharien Mixte du Touat, découvre le Southern Cross Minor.



Le Southern Cross Minor aperçu au loin par le peloton du GSMT

 

Sur cette photo prise en direction du sud par la patrouille de Titus Polidori on peut noter les traces faites par les roues de l'avion sur environ 50 yards (45 m).
Au bout des traces, une marque plus importante laisserait à penser qu'il s’agit de l'empreinte faite par l'hélice, avant que l'avion ne culbute, s'immobilisant direction Est-Ouest.



L’épave du SCM

– Titus Polidori contacte par radio à 11 heures, son commandant d’unité basé à Adrar.
(Déclaration du lundi 19 février à la Brigade de Recherches d’Adrar).
(Voir aussi son Rapport Interne du 21 février).


http://www.3emegroupedetransport.com/POLIDORITitusa.htm

Le Lt Colonel de L’Estoile Commandant le GSMT (Groupe Saharien Motorisé du Touat) téléphone au Lt Moppert, patron du « SECTEUR D’ADRAR » (Brigade de Gendarmerie d’Adrar).

– Le Maire de Reggan, le Capitaine Roger Miclot, chef du Centre Administratif Saharien, est prévenu.
– Le Commandant de la Brigade de Gendarmerie de Reggan Palmeraie (MdL Bretez) reçoit un message radio cinglant lui disant :

« Vous avez un accident d’avion sur votre circonscription et vous ne bougez pas ! »

Le Lt Colonel de L’Estoile relate cette découverte à son épouse


Copie d’un partiel du courrier relatant les faits.

Pour une meilleure lecture :

Voici un événement qui va occuper les journaux ; un de mes pelotons a découvert dans le désert, un avion anglais tombé en 1933. Les passeports sont lisibles, et l’argent intact. Le pilote près de son appareil je vais recevoir des renseignements du gouvernement anglais … C’est assez ancien comme aventure, et d’après les indices, le pilote serait resté vivant quelques jours et l’accident se serait produit le 19 avril 1933. Nous pensons que cette douloureuse trouvaille va animer les bureaux, voire les ambassades. Le désert conserve car les renseignements communiqués sont extrêmement précis.

- Le Lieutenant Moppert Commandant la Compagnie de Gendarmerie d’ADRAR organise aussitôt le départ du personnel de la Brigade de Recherches dépêché sur les lieux de l’accident via Reggan.

Lire : Tanezrouft désert de la soif de François Moppert.

Du 11 au 13 février les Brigades de recherches d’Adrar et de Reggan, seront en alerte !

- Dès le 11 février après-midi la mission, (à laquelle va se joindre la Brigade d’Adrar), est préparée par la Brigade de Reggan-Palmeraie, sur le plan vivres, moyen de transport, carburant et pour le transport de la dépouille, une ancienne caisse à munitions en zinc, (dixit Pierre OTT).

- Font partie du voyage, les gendarmes Villars LESNÉ et Bernard SUPLIGEAU d’Adrar, ainsi que l’Aspirant BODIN, Médecin Adjoint au GSMT (Groupe Saharien Mixte du Touat).

– La Brigade de recherches d’Adrar rejoint Reggan-Palmeraie en un peu moins de 2 heures de piste, elle se présente à l’Unité de Reggan dès l’aube.
Les dispositions requises pour le rapatriement de la dépouille et des documents ont déjà été prises par le Commandant de la Brigade de Reggan-Palmeraie, territorialement compétent, (dixit Pierre OTT).

- Le groupe de Gendarmerie, (Bretez, Ott, Lesné, Supligeau et l’Aspirant médecin Bodin), repart aussitôt. Le jour est à peine levé lorsqu’est prise la direction du Tanezrouft, avec un DODGE 4X4 de la Brigade de Reggan suivi de la JEEP de la Brigade d’Adrar. La patrouille commandée par le MdL Bretez, arrive à la balise 250, il est l’heure du casse-croûte !


Pause casse-croûte au Pk 250
Sur la photo de gauche à droite : L’Aspirant Médecin Bodin du GSMT d’Adrar,
les gendarmes Villars Lesné et Bernard Supligeau d’Adrar et le Gendarme Pierre Ott de Reggan Palmeraie
(la photo est prise par le MdL Bretez Commandant la Brigade de Gendarmerie de Reggan Palmeraie).




Le Pk 250 photographié fin 1958.

 

Les gendarmes sont alors rejoints par l'Adjudant Polidori lui-même accompagné de son guide HADJ ADDI. J'en profite ici pour citer le témoignage de ce dernier recueilli par Mahammed, à l'oasis de Tabelbala en décembre 2013. En effet, Hadj Addi s'est retiré depuis plusieurs années à Tabelbala, où il coule des jours paisibles.


Hadj ADDI examinant les documents que lui montre Mahammed

Le grand âge n'a pas affecté la mémoire de celui qui conduisit Titus Polidori dans les immensités du désert.

Et il nous dit : Le 11 février 1962, ils ont observé au lever du soleil un objet particulier qui émergeait du Tanezrouft. Il précise qu'ils avaient roulé une vingtaine de minutes pour rejoindre cet objectif (l'épave du Southern Cross Minor).

Par la suite l’ensemble du peloton du GSMT rejoint la piste. Arrivé à la piste, Titus Polidori avec son Dodge 4x4 prend la direction du Pk 250 alors que le peloton du GSMT s’en retourne vers Bidon V.

Les gendarmes arrivent de Reggan avec un 4x4 accompagné de « 3 ou 4 Jeeps »
.

L’ensemble du groupe reprend ensuite la direction du sud sur 45 Km, pour retrouver les traces de roulage de Titus Polidori aboutissant à la Piste Impériale (Pk 295), puis bifurque à l’Ouest.


En effet pour rejoindre les lieux de l’accident, il suffit de naviguer 70 Km plein Ouest en suivant les traces de roulage de Titus Polidori !

Pourquoi plein Ouest ? Parce que l’Adjudant Polidori, alors qu’il était sur le point crash, avait lui-même tout simplement navigué plein Est pour rejoindre la Grande Piste. Les traces de roulage qu’il avait laissé marquant alors de la façon la plus claire la route à suivre pour rejoindre l’épave du Southern Cross Minor !

Titus Polidori accompagne alors la Gendarmerie jusqu'à l'épave. Hadj Addi se souvient d'avoir assisté à l'enlèvement de la dépouille de Lancaster. Il a aussi bonne mémoire des documents laissés par Lancaster sous l'aile de l’avion.
Puis chacun reprend la route du retour, les gendarmes vers Reggan, Titus Polidori vers Bidon V où son peloton l'attend.

À l'arrivée des gendarmes au point crash, il n'y a plus personne … En effet le peloton du GSMT est déjà reparti !

Je cite le précieux témoignage que m'a écrit Pierre OTT :

« Le trajet aller s’est effectué sans incident. À notre arrivée sur les lieux de l’accident, nous découvrons un aéroplane biplan dont le fuselage et les ailes sont dépourvues de la voilure. Il ne reste que la structure métallique. Il est à l’envers, les roues en l’air, orienté Sud Est Nord Ouest. Les traces d’atterrissage et capotage sont encore visibles dans le sable. À proximité de la carlingue, nous découvrons quelques tourterelles et un petit rapace morts depuis longtemps. Le corps du pilote est recouvert de sable et seuls, une main et une partie du visage sont visibles. Son corps encore habillé est orienté, la tête vers la queue de l’avion. Autour de l’épave, divers objets jonchent le sable. Ils sont répertoriés et figure dans la procédure.
Nous procédons aux constatations des lieux, de l’épave et du corps du pilote.

Dans les objets, figure le carnet de bord rédigé en Anglais. Il est traduit en Français par le Médecin Militaire. Cette traduction est enregistrée sur les lieux, sur notre carnet de déclarations afin de l’inclure dans le procès-verbal.
Le corps de William Lancaster, sorti du sable dans lequel il reposait depuis avril 1933 est momifié et conservé. Il a été placé sur une plaque métallique (plaque à sable et non échelle) ajustée à angle droit (équerre) sur le côté droit du DODGE 4X4 de la brigade.

Nos constatations terminées, nous reprenons le trajet inverse et nous nous arrêtons à nouveau à la balise 250, car il est tard et la route est encore longue.

Le corps du pilote dégageant une odeur nauséabonde, le véhicule sur lequel il repose, a dû être éloigné du lieu du repas du soir et du repos de la nuit.

Le 13 février 1962 au matin, nous avons repris la piste en direction de REGGAN … »

Le témoignage de Pierre est d’autant plus intéressant qu’il met fin à de nombreuses supputations sur ce qui s’était réellement passé.

Je me permets de rappeler que le peloton de l’Adjudant Titus Polidori, après avoir bivouaqué dans la nuit du 11 au 12, était reparti dès le lever du jour pour rejoindre la piste Impériale puis la direction du Bordj Pérez. (Ceci explique que les différents intéressés n’ont pas eu de point de rencontre).

Le peloton de la Saoura s’arrêtera plus au sud, pour bivouaquer près des ruines d’un ancien fortin, à Amerene el Kasbah (Témoignage de Louis Masclet, ancien du GSMT)

(Il y a déjà 24 heures que le SCM a été retrouvé !)

Le lundi 12 février dès son arrivée en début d’après-midi au point crash, l’Aspirant Bodin avait examiné sommairement la momie du Capitaine Lancaster sans la déplacer. (Un examen plus approfondi sera réalisé à Reggan).

(Voir le rapport du 19 février 1962). Lire la page de Titus POLIDORI :
http://www.3emegroupedetransport.com/POLIDORITitusa.htm

(Nous avons vu dans le témoignage de Pierre OTT, que les gendarmes avaient emporté une caisse à munitions en zinc pour y placer la dépouille). Mais à leur grande surprise, le corps de Lancaster n’est pas encore réduit à l’état de squelette, malgré 29 ans resté là auprès de son avion. Il est donc nécessaire de le transporter tel quel !
La dépouille, est placée par Pierre OTT lui-même sur une plaque de désensablage mise à l’équerre sur le côté droit du 4x4 ! La seconde plaque est posée sur la dépouille, le tout brêlé correctement.

Le 12 février en fin de soirée, retour vers la Grande Piste, bivouac au Pk 250 à quelques distances du DODGE 4X4 vu l’odeur incommodante dégagée par la dépouille mortelle dont certaines parties enfouies sous quelques centimètres de sable durant toutes ces années ne s’étaient pas desséchées m’a dit Pierre OTT.

Après lui avoir posé la question, Pierre me dit que lorsqu’ils roulaient, l’odeur nauséabonde de la dépouille ne gênait pas trop les occupants du 4X4, mais à l’arrêt c’était insupportable, ce que je peux tout à fait imaginer !

Au cours du périple, l’Aspirant Bodin lira à ses compagnons, ce que Bill a noté dans son Log Book.

Pierre Ott transcrira dans son procès verbal l’essentiel de cette traduction orale.

La dépouille est ramenée à l’infirmerie du Bordj Estienne où elle est transférée telle quelle sur un lit picot. C’est à cet endroit que l’a vu Paul Panzani et le Lieutenant Agnetti dans la soirée du 13 février.
(Le lieutenant ayant dit à Paul : Ils ont retrouvé un « macchabée » dans le désert et ils l’ont déposé au Bordj, Panzani on va le voir ! Et nous sommes partis en fin d’après-midi après le travail). (Témoignage de Paul Panzani).

– Le mercredi 14 février à 15 heures le cadavre est déposé à la morgue de l’hôpital militaire de Reggan-Plateau où l’a vu Robert Jassey.
(Un Général Médecin dont nous ne connaissons pas l’identité, était descendu spécialement de Paris à Reggan pour examiner la momie).

L’examen détaillé de la dépouille du pilote a pu être faite à la morgue de l’hôpital de Reggan-Plateau mieux équipée que l’infirmerie du Bordj Estienne… Mais pour l’instant je n’ai pas pu retrouver de témoignages sur ce point !



Reggan-Plateau

Puis la dépouille de Lancaster fut placée dans un cercueil plombé, les autorités militaires ayant envisagé qu'elle soit transférée par la suite en Angleterre. (Source : Ralph Barker). Le jeudi 15 février à 17 heures l’inhumation du Capitaine Lancaster a lieu à la palmeraie de Reggan dans le petit cimetière préparé à la hâte, dixit le Colonel Charles Mélin dans le texte accompagnant sa traduction. Voir « Un papillon dans le désert »

Les obsèques sont organisées sous la responsabilité de l’Armée de l’Air, vu la condition de pilote du Capitaine William Newton Lancaster.
(Le maire de Reggan, le Capitaine Roger Miclot, chef du Centre Administratif Saharien, est présent).


Le Capitaine Roger Miclot photographié à Reggan par JM Laporte.

– Le samedi 17 février 1962,

François Moppert avait noté dans son agenda « document Lancaster posté ce jour à Reggan » avec une flèche suivie de « le 23 » (e-mail reçu le 29/07/2012).


 

– Le vendredi 23, François note « Arrivée document Lancaster posté le 17 à Reggan ».



Extraits de l’agenda de François

Plus tard, les 24 et 25 février, le Colonel Aubry Commandant la Gendarmerie au Sahara, basé à Reggan-Plateau, a rejoint le point crash avec son ami l’Intendant Mélin à qui avait été confiée la traduction des documents de Lancaster.

Le groupe composé de 6 personnes, dont 4 gendarmes et un aumônier avait bivouaqué sur place m’avait dit madame Mélin.

Lors de ce déplacement au point crash, l’Intendant Mélin avait retrouvé le petit crayon utilisé par Bill pour écrire ses derniers moments… De plus en examinant de près le sol il avait recueilli quelques petits os qui s’étaient détachés de la dépouille de Lancaster (voir le compte-rendu de l’Aspirant Médecin Bodin sur la page de Titus Polidori)… Charles Mélin, qui, sa vie durant, fut très marqué par cette fin tragique du pilote anglais, (voir son compte-rendu en annexe de Un papillon dans le désert), avait placé ces pieux restes dans un petit reliquaire qui l’accompagna dans sa dernière demeure selon sa volonté. (Dixit Mme Veuve Mélin).

Marqué au plus profond de lui-même par cette histoire, Charles Mélin, qui avait traduit l’ensemble des pages du Log book, fit plusieurs conférences sur la tragique destinée de Lancaster, ceci dans le cadre du Rotary Club de La Rochelle.



Le peloton dirigé par Jean Aubry bivouaquera
dans la nuit du 24 au 25 février sur les lieux du crash !




Une lecture de la traduction est faite par l’Intendant Mélin
debout près de la Jeep de gauche



Dernier recueillement avant retour à Reggan
Charles Mélin à droite sur la photo, l’aumônier à gauche

 

Le petit cimetière où fut inhumé le Capitaine Lancaster le 15 Février 1962. Cette photo fut prise par Raymond Mascarel en mars 1963.



Hypothèse : ce cimetière ne devait pas se situer très loin du Bordj Estienne
et du bâtiment de la Brigade de Gendarmerie de la palmeraie de Reggan (février 1962).



La tombe de Bill Lancaster en février 1962

Un mois plus tard l’Algérie est indépendante. À la fin du printemps 1963 le cimetière est démantelé, la tombe de Bill Lancaster est déplacée près de la sortie Ouest de la palmeraie direction Adrar.

En juin 1963, le 23 très exactement, je découvre la tombe de Lancaster (dessin suivant), cette tombe est seule ! Lors de la lecture des documents de Charles Mélin je n’avais pas compris pourquoi il avait évoqué un petit cimetière avec trois tombes !!! Qui eut l’idée de cette mise en scène ??
Dixit Charles Mélin un cimetière « chrétien » ne peut pas être occupé par une seule tombe » ??

Ce n’est que lors d'une conférence, bien des années plus tard, que Charles Mélin évoque les fantômes de Hayden Clarke († 1932) et de Chubbie Miller († 1972), sans doute un clin d'œil à l'histoire.

J’imagine que lors du démantèlement du petit cimetière, les autorités de Reggane n’ayant retrouvé qu’une tombe, celle de Bill, les deux autres étant factices, seule la tombe de Bill fut reconstruite…

Je n'avais malheureusement pas pris de photo de cette seconde tombe, d'où le dessin ! En mars 2013, Mahammed de passage à Reggane me confirme bien qu’il y eut cette seconde tombe. Ma mémoire ne m’avait donc pas trahi !

 

Pour plus de détails, ci-après la photo d’une carte postale de 1963 sur laquelle j’ai fait figurer la position du Bordj Estienne ainsi que celle où se trouvait la tombe du Capitaine Lancaster (dessin précédent).

 


Les photos qui suivent datent de 2009, elles furent réalisées à ma demande par « Tanezrouft Voyages » dans le secteur probable où j’avais vu la tombe de Bill Lancaster !

 

L'extension de l'agglomération de Reggane montre l'évolution des constructions !
Un ancien de la palmeraie avait signalé que la tombe avait été vraisemblablement rapatriée en Angleterre (par le gouvernement ou la famille ?)
Ceci eut lieu avant 1975, car l’équipe de Dickson chargée de récupérer le Southern Cross Minor avait recherché sans succès cette tombe lors de leur passage à Reggane.

Ce que reporte Keith Carmody dans l'article de Lloyd Fleming de mars 1975 :

Lloyd's fantastic adventure in the Sahara

Keith Carmody s'est rappelé comment l'expédition a recherché, mais sans la trouver, la pierre tombale de Lancaster dans le cimetière civil de Reggan, où il fut enterré en 1962.

Mes remarques à ce sujet sont les suivantes :
Déjà le Capitaine Lancaster est inhumé dans un cimetière dit « chrétien » créé par les militaires français à cet effet (relire les propos du Colonel Charles Mélin
, voir « Un papillon dans le désert » sur le site du 3ème GT). En juin 1963, comme dit plus haut, cette tombe a été déplacée !
En 1975 l’équipe de Wylton Dickson ne retrouve pas la tombe, idem en 2009, cette recherche réalisée à ma demande n’est pas concluante.


L’ensemble des documents et photos présentés sont référencés et font l’objet d’un Copyright sur le site :
http://www.3emegroupedetransport.com/

Pour mémoire, les deux photos qui suivent sont extraites pour la première, des documents du Peloton de la Saoura, pour la seconde du Sunday Times Magazine.



La momie de Bill près du Southern Cross Minor


La momie de Bill placée sur le lit picot.

Alain BROCHARD - Mars 2011, modifié Août 2012 et Juin 2013