DE L’INFINI TANEZROUFT
AU
LOINTAIN HORIZON

par Alain BROCHARD




Photo : Mahammed Mahboubi

AVANT-PROPOS

        Le soleil vient de se coucher aux confins du Tanezrouft.
Bill, terrassé par huit jours de lutte contre la mort, s’est confondu à l’ombre qui désormais l’entoure. La nuit du désert vient de le faire disparaître à tout jamais.
Pendant plus d’un quart de siècle, après une année de « tumultes » à Miami, il restera oublié de la plupart. Bien sûr après sa disparition, la presse, entre autres, s’en inquiéta encore quelque temps.
Puis plus rien, le silence absolu, Bill était perdu corps et biens, mais où ??
Pourtant le Tanezrouft saura le protéger d’un léger linceul de sable pendant plusieurs décennies. Un matin, le soleil, qui avait drapé Bill dans cette nuit étoilée du 12 avril 1933, allait lever le voile de cette disparition. Titus Polidori et son guide Brahmi Hadj Addi, arrivant de l’ouest de bon matin, aperçurent au loin dans le soleil levant, une anomalie dans le désert, la carcasse du Southern Cross Minor, seul repère à l’horizon et gardien des pieux restes de Bill.
Le Capitaine William Newton Lancaster faisait à nouveau parler de lui.
Vingt-neuf ans s’étaient écoulés depuis le moment où Bill avait rompu avec sa vie terrestre. Mais dans notre monde d’ici-bas, les années ne sont qu’une façon pour nous humains de mesurer cet espace-temps de la terre, du soleil, seuls garants du moment qui passe.
Treize ans plus tard, Wylton était venu lui aussi rechercher le Southern Cross Minor.
Après plusieurs jours de pérégrinations, il avait également été aidé par le soleil levant. Lorsqu’il aperçut de même que Titus, la carcasse de l’avion, il put rejoindre Graham qui le premier, juché sur son Land Rover, avait vu les restes du biplan…

PRÉAMBULE

        Qui mieux que Théodore MONOD aurait pu parler de ce désert.
Bien sûr d’aucuns l’ont couru et parcouru, parfois sans s’arrêter, par curiosité ou défi.
Beaucoup y ont laissé leurs vies, d’autres furent secourus de justesse…
Mais le Tanezrouft depuis la nuit des temps reste toujours le désert absolu, celui dont on ne revient pas si on ne le respecte pas, celui qu’il faut aimer pour l’apprécier. Sinon la sanction sera la disparition du voyageur, puis la mort précédant l’oubli de celui qui s’y sera aventuré.
Théodore MONOD savait se fondre dans l’esprit du désert, nombreux sont les livres qui racontent ses traversées, il sut faire corps avec les éléments nous rapportant quantité de témoignages marquants, de ses observations, sur ses sentiments par rapport à ce désert qu’il aimait tant.
De nos jours, les écrits de MONOD restent, ils n’ont pas été poussés à l’oubli, ils sont toujours d’actualité et servent encore de référence à tous ceux qui un jour ou l’autre souhaiteraient se confronter à l’immensité du Tanezrouft.
Dans Méharées Théodore Monod nous dit :
« Il y a une certaine saveur de liberté, de simplicité... Une certaine fascination de l'horizon sans limite, du trajet sans détour, des nuits sans toit, de la vie sans superflu. »
Il ajoute aussi :
Avancer pas à pas, au ras du sol et sans hâte, avec pour seul et modeste objet, mais aussi pour royale récompense à tant de patients efforts, la découverte d’un grain de savoir et de vérité.

Dans Méharées, nous découvrons aussi qu’entre le 3 et le 14 février 1936, le chercheur infatigable passe au Nord du point crash du Capitaine Lancaster, alors que traversant cette partie du Tanezrouft, il va rejoindre Ouallen.

Déjà 3 ans que Bill « sommeille » dans ce désert ! Théodore Monod qui se déplace le plus souvent à pied n’apercevra pas l’épave de l’avion. Il est vrai qu’à ce moment, la carcasse du SCM est plaquée au sol et difficilement visible, pourtant à un moment de son trajet, une petite dizaine de Km le sépareront seulement du lieu de l’accident… Bill devra attendre encore 26 longues années avant d’être retrouvé !



Trajet de la mission Monod passant légèrement au Nord du point crash de Bill
Clic sur le document pour l'agrandir

Je m’arrêterai là et laisserai au fur et à mesure de ce texte, mon ami le Docteur Mahammed MAHBOUBI ainsi que Cheikh MAAMERI, son fidèle compagnon dans ces recherches, nous dire leurs sentiments par rapport à cette immensité qu’ils ont arpenté dans tous les sens du terme, pour leurs études de géologie. C’est Mahammed lui-même qui m’a rappelé les textes de « Méharées », me signalant le parcours du géologue remontant sur Ouallen !

Alain BROCHARD – Décembre 2015



TANEZROUFT « PAYS DE LA PEUR ET DE LA SOIF »



Photo Google Earth

La lecture de ce panneau est très claire, le DANGER est juste là, au bord de la piste !
Évidemment, à l’époque où ce panneau fut posé, la route goudronnée partant de Reggane jusqu’au Mali n’avait pas été construite. J’évoque cette réalisation dans le document : Le PK 250 vous connaissez ?
Dans ce document, sont publiées les photos de cette route qui a pris le nom de RN 06.
Je remercie ici Salim et Mahammed pour les différents clichés qu’ils m’ont communiqués, alors que la RN 06 était en construction.
Je rappelle que la piste Transsaharienne qui, à l’origine, permettait de traverser ce désert, s’appelait au départ :
    La piste Impériale n° 2
    Puis la piste de la Concorde
    Et désormais la RN 06

Si le Sahara ne laisse personne indifférent, le Tanezrouft, qui signifie tout simplement désert, reste le désert des déserts.
Avant tout, celui de la soif, puis celui de l’angoisse avant de devenir celui de la peur. Mais l’aventure est incontournable, et au Sahara pour tous ceux qui souhaitaient rejoindre l’Afrique sub-saharienne le parcours obligé était la traversée du Tanezrouft. Les voyageurs devaient se confronter à la Grande Piste qui seule à l’origine permettait d’aller de Reggane, via Bidon V jusqu’à Bordj Pérez, devenu de nos jours Bordj Mokhtar.

Le désert, c’est pour nous nomades une passion profonde et absolue, des images que même la mort ne peut avoir le droit de nous enlever un jour.
Mano Dayak

François MOPPERT se souvient :

    Venant directement de Blida par Noratlas, je suis aussitôt envoûté par la beauté du paysage du Touat ; la limpidité du ciel, la luxuriance de la palmeraie d’Adrar, la paix qui se dégage de la place Laperrine traversée par les foggaras. Même éblouissement le lendemain en survolant en Dassault le Gourara et l’oasis de Timimoun entourée de dunes et bordée d’une magnifique sebkra
    C’est sans précipitation que je vais me familiariser avec le Tanezrouft en me rendant à Reggane par la Piste Impériale n°2. Au volant de ma Jeep, je fis connaissance avec le reg et le vent de sable. J’en ai perdu un képi ! Et c’est en empruntant la piste des palmeraies, qu’à Zaouiet Kounta je découvrais mes premières dunes et leurs formes sensuelles.
    Un beau jour je reçus l’ordre d’installer des gendarmes à Bidon 5 en attendant la création d’un bordj à la frontière du Mali. C’est ainsi que j’affrontais pour la première fois le reg, sa nudité et son hostilité. Ayant mal attaché une gerba à ma jeep, celle-ci creva et me priva de ma réserve en eau : je ne dus mon salut qu’à la présence d’une guelta à l’Est de la piste et au message radio que je pus envoyer à Adrar.
    Fort de cette première expérience, je m’hasardais de plus en plus loin dans le Grand Erg, ayant le sentiment de l’infini, de l’absolu, de l’inaccessible : en dormant à même le sol, entre terre et ciel, et quel ciel la nuit, littéralement constellé et traversé d’étoiles filantes qui n’en finissaient pas de disparaître. La lumière crue, l’âme à nu comment ne pas s’incliner devant l’absolu, ne pas se pénétrer de « l’insignifiance des choses », ne pas rêver de l’au-delà ?
    Mais le Tanezrouft c’est également une immensité désolée et le désert de la soif, dont il faut se méfier. Le général Laperrine et l’aviateur Bill Lancaster en ont hélas, fait les frais !


François MOPPERT

Michèle BEC nous dit dans un de ses témoignages :

Nous avons l'impression d'être le centre d'un morceau de planète rond comme une galette, une île de sable dans un océan de ciel. Partout des mirages, des lacs apparaissent avec l'air surchauffé et les nuits sont glaciales sous le ciel illuminé d'étoiles.

Puis plus loin :

Nous approchons d'horizons montagneux Une végétation de maigres touffes vert tendre adoucit le paysage. Nous arrivons au Bordj Mokhtar, à la frontière Algérie Mali.

Nous venons de traverser le Tanezrouft.

Cette expérience du désert marque un homme, c'est sûr. On ne peut plus voir avec les mêmes yeux tout le superflu qui emplit nos vies, on a envie de revenir à l'essentiel, on se trouve heureux de n'avoir pas à lutter chaque jour pour assurer notre survie comme le font tous ces sahariens dans cet environnement si aride. Et l'on n'arrive pas à imaginer, que ce Sahara était recouvert d'eau dans des temps très lointains !


Michèle BEC


Mai 1964

Nous sommes là encore, au bord de ce plateau de Reggane, le regard tourné vers le Sud…
Vers l’immensité du Tanezrouft se dessinant au loin et que nous ressentons si proche !
Le Tanezrouft terre de désolation pour la plupart, terre aimée de beaucoup, terre interdite en ces temps où le soleil planté à son firmament dicte sa loi.


Photo : Alain BROCHARD

Demain nous aurons quitté Reggane pour sans doute ne jamais y revenir, la joie au cœur de retrouver les nôtres sans penser un instant que cette image du grand Sud nous hantera jusqu’à notre dernier souffle. Jusqu’au regret d’avoir quitté si vite cet espace-temps !

Aujourd’hui, plus de 50 ans plus tard, malgré la modernité, quelques caravanes de dromadaires traversent toujours cette contrée intolérante où de nombreuses vies se sont perdues souvent dans la plus grande inconscience !



Photo : Mahammed Mahboubi

Les voyageurs sauvés de justesse feront d’autres rêves pour oublier ce moment difficile quand le délire de la soif les avait frappés. Rien ne saura justifier d’outrepasser les règles de vie au Tanezrouft au risque de s’y perdre.
Puis plus tard, bientôt, lorsque notre bonne vieille planète aura terminé son cycle, que la gent humaine aura quasiment disparu, le grand Maître de l’Univers repeindra les sables du désert en espaces verdoyants tels que dans la nuit des temps, il y a déjà quelque 7 000 ans.
Peut-être l’homme renaîtra-t-il encore pour reconquérir ces immensités redevenues habitables jusqu’à l’échéance suivante du cycle cosmique où tout rebasculera à nouveau au profit d’un autre désert !
Je terminerai par cette phrase de Roger Frison Roche disant du désert :

Cette terre d’éternité, où le rêve et l’aventure, où la vie et la mort, le présent et le passé, la terre et les étoiles alternent indéfiniment.

William Newton LANCASTER

La première fois où j’ai entendu parler de Lancaster, c’était à mon arrivée à Reggane, nous étions mi-avril 1963. Les années passant je retournai virtuellement à Reggane grâce au site de Michel, quand la tragique histoire du Capitaine Lancaster m’interpellait à nouveau !

William Newton LANCASTER

Un papillon dans le désert avait pris son envol !!!

Puis, le 16 mars 2012, je recevais le premier e-mail de Mahammed :

Je vous écris ce message à propos de l’histoire émouvante de Lancaster.
Étant géologue de métier et chercheur Universitaire s’intéressant aux espaces sahariens, j’ai dû effectuer quelques missions géologiques sur ces régions. Lors d’une mission dans la région de Tabelbala (Sud-Ouest algérien), en décembre 1990, j’ai eu connaissance de l’histoire de Lancaster qui m’a été évoquée par un de mes Guides.
En décembre 2011, j’ai eu la chance de découvrir lors d’une mission, les espaces infinis du Tanezrouft. En rentrant à Oran, j’ai cherché sur le Net pour en savoir plus sur cette région saharienne. J’étais stupéfié en découvrant toute l’histoire de Lancaster. J’ai pensé alors à revoir mon Guide qui m’avait raconté cette histoire il y avait 21 ans. C’est au début de ce mois que j’ai revu cette personne à Tabelbala et qui m’a indiqué le nom d’une autre personne qui était présente avec l’Escadron de Gendarmerie qui avait découvert Lancaster en février 1962. Il s’agit de Monsieur Brahmi Hadj Addi résidant dans cette même Oasis. Malgré son âge, ce témoin garde un souvenir intact de la découverte de l’appareil échoué et de son pilote.


Mahammed MAHBOUBI

NOTA : Mahammed termine son e-mail par l’envoi de plusieurs photos du Tanezrouft plus une photo de Monsieur Brahmi Hadj Addi, en me remerciant de lui avoir fait revivre l’histoire du célèbre Capitaine Lancaster « ancrée » désormais au fond de nous-mêmes !

Je n’en attendais pas tant, ma réponse fut instantanée, et le 6 avril 2012 je recevais un nouveau message de Mahammed qui me disait en préambule :

Puisque vous avez signé votre premier message en m’adressant les « Amitiés Sahariennes », j’ai beaucoup apprécié et je considère que c’est grâce à l’incroyable histoire de Lancaster qu’une amitié est née entre nous deux, alors je me suis permis de te tutoyer.

Combien avais-tu raison mon cher Mahammed et combien pouvais-je apprécier cette réponse. Le début de centaines d’autres qui aujourd’hui sont le lien d’un véritable partage sur l’histoire de Bill, sur la réalité du Tanezrouft aperçu du bord Sud du plateau de Reggane.
J’ai toujours regretté de ne pas avoir pu couvrir de ces espaces, que l’on nous décrivait comme strictement interdites en périodes chaudes. J’ai appris ensuite un peu de ce désert de la mort, par la lecture bien sûr, par les témoins l’ayant traversé déjà en 1962, François, Louis, Pierre, puis plus tard parcouru par Maurice, Jean-Jacques…
Mais rien ne peut remplacer cette étrange sensation du désert sans l’avoir rencontré et Reggane n’était que les prémices de ce Tanezrouft décrit aussi par François, dans son papier sur le Capitaine Lancaster.

Avec Mahammed ce fut le début d’une amitié sans failles, dans le respect le plus grand des racines de chacun, quand lors de nos contacts et de nos rencontres, tous deux attachés profondément à l’histoire de Bill nous avons échangé sans cesse sachant que l’esprit de Bill continue de survoler notre monde au travers de nos « papiers » !

Le 14 avril 2012, après avoir échangé un certain nombre de renseignements, Mahammed avait parfaitement intégré et compris ma démarche, à savoir retrouver l’endroit précis où j’avais été et où j’avais vu la tombe du Capitaine Lancaster. Nous verrons au fur et à mesure des voyages de Mahammed à Reggane qu’il lui fallut mettre tout en œuvre pour finalement retrouver l’endroit où j’avais situé cette tombe sur la carte postale (une vue d’avion) de la palmeraie de Reggane.
Lire : La tombe de Bill à Reggane

Dans l’attente Mahammed mettait l’accent sur le fait que les coordonnées du point crash de Bill au Tanezrouft, données par le bulletin de la Gendarmerie, manquaient totalement de précisions. En 1962, nous étions loin de « l’outil GPS » et si j’avais comme d’autres pu en apercevoir dès 1963 les prémices (à l’occasion de ce qui s’appelait sur la base, les séances de cinéma en plein air). Observant le magnifique ciel étoilé de Reggane, pour apercevoir inopportunément un satellite qui passait à la verticale du plateau ! Nous étions très loin de ces systèmes modernes de localisation par satellite. Depuis « SPOUTNIK » et son célèbre bip, bip que chacun pouvait capter avec une vulgaire radio calée, si mes souvenirs sont exacts, aux alentours de la station Europe I… Six ans plus tard, d’autres satellites faisaient route aux confins de notre ciel !
Mahammed avait évoqué les raids de Jean-Jacques DEPETRIS (janvier 2010) et de Maurice PATISSIER (février 2010). Ces derniers s’étaient rendus au point désormais dénommé JA, (Jean AUBRY), suivant les coordonnées qu’il avait précisées dans un des bulletins de la Gendarmerie :
Gendarmes d'hier et d'aujourd'hui

Coordonnées que j’avais rappelé sur la page de garde de : Un papillon dans le désert.
Dans son message Mahammed évoquait aussi directement la mémoire de Bill, montrant ainsi son profond attachement au souvenir du pilote :

À la Mémoire de BILL LANCASTER

Le désert ne pardonne jamais l’erreur humaine, telle fut la panne survenue à LANCASTER au moment où il traversait le Tanezrouft au printemps 1933.
Il y a 79 ans « Bill » vient d’entamer son deuxième jour seul dans le désert. Les écrits qu’il a laissés témoignent combien cette histoire est belle et combien cette histoire est horrible.
Rendons un grand Hommage à ce grand Aventurier qui grâce à son courage et sa ténacité a rendu un grand service à l’Humanité en tentant de survoler l’Europe et l’Afrique. Il nous a laissé un héritage inestimable en voulant rapprocher les Hommes entre eux. Cette page d’histoire restera gravée pour toujours.
« Bill » tu es encore parmi nous…

MAHBOUBI M


Nota : Suite à mes nombreux contacts avec Sarah DUNCANSON rencontrée à Londres en Octobre 2014 lors de la présentation du film d’Andrew LANCASTER : THE LOST AVIATOR… Elle décidera de rééditer le livre de son père Ralph BARKER édité en 1969 sous le titre : VERDICT ON A LOST FLYER. En juillet 2015 elle conclura le PostScript de son livre : BILL LANCASTER THE FINAL VERDICT-THE LIFE AND DEATH OF AN AVIATION PIONEER: Par la phrase de Mahammed: « Bill » tu es encore parmi nous…, de surcroît en langue française, un bel hommage pour mon ami Saharien.
En juin 2012 Mahammed me dit préparer un voyage en France à Montpellier où il rejoint son fils Abdou doctorant en Géosciences à la Faculté. Je décide alors d’aller rencontrer Mahammed, lui suggérant de pouvoir nous réunir avec Maurice, Jean-Jacques, Eugène et François juste arrivé de Tahiti où il réside.

Premiers Contacts
Rencontre à Montpellier

La rencontre de Montpellier avait pour objet d’échanger toutes nos données concernant le point crash de sorte à préparer le premier voyage de Mahammed au Tanezrouft. Jean-Jacques, Maurice et Eugène avaient fait le voyage en 2010 pour Jean-Jacques en janvier suivi de près par Maurice et Eugène le mois suivant. François partageant avec l’ensemble du groupe ses souvenirs de 1962.
Les échanges furent d’autant plus riches, qu’une véritable amitié voyait le jour entre les participants.
Lire le document suivant : Lancaster's crash point
Publié en Juillet 2012

Premier rendez-vous au point Crash – Décembre 2012

En parallèle à l’étude d’un lac paléolithique dans le même secteur, ce premier voyage devait confronter l’équipe de Mahammed à rechercher le point crash de Bill. Après la rencontre de Montpellier, tout semblait prêt pour cette découverte qui a priori se révèlerait facile.
C’était sans compter l’Infini Tanezrouft, c’était sans compter le nombre d’années écoulées entre le crash, la découverte de l’épave, le rapatriement de la dépouille de Bill, puis plus tard la récupération du Southern Cross Minor.
Le Tanezrouft n’était pas resté insensible aux inclusions de son territoire.
Depuis avril 1933, le paysage qui aurait sans doute semblé figé pour la plupart, ne cessait de se modifier. Et ceux qui connaissent réellement le terrain savent pertinemment que si la mémoire du désert possède une grande rémanence, elle n’est pas sans évoluer.
De nombreuses traces de roulage furent observées, à ce moment il semblait que le Tanezrouft avait conservé la mémoire du passage de Polidori, de celui de Dickson puis ensuite de ceux de Jean-Jacques et Maurice…
L’embrouillamini de toutes ces traces posait pratiquement plus de questions quant à reconnaître véritablement qui était passé là ou là ?
Le moral de l’équipe restait toutefois au beau fixe, il était nécessaire de continuer à étudier le terrain, mémoriser un maximum d’observations. Sans doute que ce premier raid ne serait pas suffisant et qu’il serait nécessaire de revenir sur le terrain !

En conséquence, malgré le fait de ne pas avoir physiquement trouvé « l’endroit », Mahammed aidé de son fidèle Cheikh avaient pris nombre de points de repère et de photos qui permettraient par la suite la construction de nouvelles cartes. La réflexion s’imposait et il serait incontournable de placer sur ces cartes réalisées à l’aide de Google Earth, les points mesurés par « GPS interposé » et de se dire qu’à la prochaine mission ce serait « dans la poche.

Mahammed de retour au PK 200 son lieu de bivouac privilégié n’hésita pas un instant à photographier le soleil couchant, nous rappelant que près de 80 ans plus tôt ce fut le dernier spectacle que notre ami Bill ait pu voir sur cette terre !



Photo : Mahammed Mahboubi

Coucher de soleil à une quinzaine de Km du PK 200


Le deuxième voyage – Mars 2013

La découverte d’un rivet

Ce deuxième voyage avait pour objectif de retrouver avant tout les traces de Titus Polidori à partir des éléments échangés avec Jean-Jacques et Maurice.
Dans ses e-mails, Mahammed me parle de cette exploration menée autour des points définis par calcul, désormais dénommés comme suit :

JA    Jean Aubry
MM    Mahammed Mahboubi
MP    Maurice Patissier

Plusieurs pistes déjà observées au précédent voyage étaient toujours présentes dans la mémoire du Tanezrouft. Mahammed me disait à ce moment qu’un grand nombre de véhicules étaient allés au point crash. Nous saurons par la suite, et mes différents documents en témoignent, qu’une multitude de curieux je dirais presque de « voyeurs » n’ont aucunement hésité à s’enfoncer dans ce désert jusqu’à la carcasse du SCM à l’abandon. Certains n’hésitèrent pas un instant à la piller, souhaitant ramener un souvenir.
Ils ignoraient à ce moment que cet avion fantôme serait ensuite récupéré pour être exposé au Queensland Museum de Brisbane pendant plusieurs décennies.
Voir les liens suivants :

Le raid de Graham POWELL en images
Sahara 1975 - A journey to a legend
Le Southern Cross Minor est arraché au désert

Mais au cours de ce raid un petit incident fit comprendre à Cheikh ce que put penser Lancaster perdu dans cette immensité. En effet le secteur d’investigation faisait l’objet de légères dépressions de terrain sous forme de cuvettes modelées au fur et à mesure de l’humeur du Tanezrouft. De telle sorte que pour ne pas se perdre, il était nécessaire de toujours avoir un point de repère autorisant ainsi l’éloignement à vue, afin de pouvoir faire un examen à pied du terrain. Chacun partant dans un axe donné avait en point de mire, un des véhicules placé en hauteur et à la vue de tous.
Cheikh, tout à fait confiant, avec une volonté sans failles de vouloir retrouver objets ou autres permettant de dire : Bill était ici, partit le regard fixé au sol dans cette recherche de l’impossible.
Mais après plusieurs heures, il se trouva perdu, seul dans cette immensité, et de surcroît, il n’y avait plus de 4x4 à l’horizon…
Le chauffeur du véhicule outrepassant les consignes s’était déplacé sans crier gare ! À ce moment la soif commença à rattraper notre ami. Désormais Cheikh n’avait plus qu’un objectif, revenir à son point de départ ! L’histoire se termina sans drame, toute l’équipe rassurée de voir réapparaître celui qui pendant ce laps de temps s’imagina être à la place de Bill cherchant à rejoindre la grande piste, Cheikh désormais resterait marqué par ces pensées impossibles, lorsque l’on se croit perdu !
Lorsque Cheikh m’écrivit après cette expérience, je sentis qu’il avait été totalement imprégné de ce que Bill avait pu ressentir pendant huit jours alors qu’il sentait sa vie l’abandonner. Je laisse Cheikh nous dire ce qui lui traversa l’esprit à ce moment :

« Je vous écris, aujourd’hui, pour vous dire MERCI. Merci pour Lancaster, merci pour nous tous, merci au nom de toute l’humanité, car au-delà de l’histoire, individuelle, personnelle de cet homme, il y a là un sentiment qui touche tout homme sain d’esprit.
Ce que dit cet homme à propos de la soif, seul un homme ayant connu la soif peut le connaître, mais tout homme ne peut pas le comprendre. Je me pose bien la question, sans doute comme bien d’autres : quel est le plus important dans la vie d’une femme ou d’un homme ? Je pense que les mots laissés par Lancaster résument bien la réponse. À quoi, à qui, un homme peut-il bien penser sachant que sa fin est proche ? J’ai été, tellement, mais tellement, touché par l’histoire, sachant que je connais, un tout petit peu, ce que c’est que la soif, mais aussi la solitude, que j’ai fait mes propres expériences dans le Tanezrouft pour être le plus proche possible, de ce qu’a connu cet homme, mais, oh que, assurément, je suis resté trop loin de ce qu’a connu l’officier britannique.
J’ai marché sous le soleil, je me suis éloigné de mes compagnons, je me suis retrouvé seul après une certaine distance, j’ai fait le tour complet pour ne voir que l’horizon… D’après moi et ce n’est que mon avis, ce qu’a connu cet homme, cet humain reste… (je ne trouverai de mots dans aucune langue). Son histoire est quelque part mienne, au point que durant cette dernière mission un sentiment des plus étranges (j’en ai parlé à Monsieur Mahboubi,) m’a littéralement laissé dire : je vais le chercher de ce côté ci. Ce n’était pas le lieu de l’accident, le lieu de son agonie et de sa mort que je recherchais, je sentais que je le recherchais lui-même !
»

Cheikh MAMMERI


Ce témoignage est d’autant plus impressionnant que ce que nous dit Cheikh est réel, lorsque l’on s’implique totalement dans une recherche aussi dense, aussi compliquée que celle de l’histoire du Capitaine Lancaster, il nous arrive d’être confrontés à de telles émotions que les mots ne suffisent plus pour dire ce qu’il nous est amené à ressentir. Cheikh était des plus impliqués dans cette recherche du point crash, je n’oublie pas non plus l’ensemble de l’équipe, Mahammed en tête. L’épopée de Bill, racontée par les témoins mêmes qui l’avaient retrouvé, avait dès février 1962 détonnée du Tanezrouft jusqu’ à l’autre bout de la terre. Le guide Brahmi Hadj Addi qui avait découvert le Southern Cross Minor aux côtés de l’Adjudant Titus Polidori, n’avait eu cesse que de raconter cette étrange rencontre faite de la mort dans le Tanezrouft alors que la patrouille tentait de rejoindre la Grande Piste. Découvrir également le dernier témoignage, que celui qui gisait près de la carcasse du biplan avait écrit, plongeait instantanément l’équipe dans un passé de près de trente années, alors que Bill avait dit son espoir, sa souffrance puis s’était résolu à finir ici seul au milieu de nulle part après avoir souffert de l’isolement puis de la soif pendant une agonie de huit jours.
Peu de témoignages et encore moins d’écrits nous sont parvenus de ceux qui avaient agonisé dans le désert à l’abandon de la vie… Bill malgré tout avait transmis un message d’espoir avant d’être emporté dans le soleil couchant du 20 avril 1933 !!
De même Graham m’avait expliqué aussi l’émotion de l’équipe de Wylton qui en 1975 avait récupéré le SCM. Le témoignage de Cheikh quelque 80 ans plus tard reste d’actualité, le Tanezrouft a conservé et protège toujours l’esprit de Bill.

En 2033, pour le centenaire de la disparition de Bill souhaitons que la plupart d’entre nous soient toujours là pour évoquer et saluer la mémoire du Capitaine William Newton LANCASTER !

Une surprise attendait malgré tout l’équipe car au cours de l’examen approfondi du terrain, une petite pièce métallique fut retrouvée. Il faut se dire que le fait de retrouver cet objet aussi petit soit-il dans l’immensité de ce désert dépasse la notion même du hasard.
Sans doute une bienveillance naturelle du Tanezrouft qui à ce moment décidait de mettre le groupe sur la voie du point crash ??? Les mystères de la nature sont souvent des plus incroyables et pourtant, nous verrons plus loin l’importance d’avoir retrouvé ce petit bout de métal !!!

De quoi s’agissait-il, très vite, nous allons jusqu’à penser qu’il s’agissait d’une partie de rivet appartenant vraisemblablement à un des capots moteur de l’avion de Bill. Cette hypothèse sera validée un peu plus tard, lors d’une visite de Mahammed à mon domicile.
Voir le lien suivant :
80 ANS APRÈS un rivet du SCM est découvert au Tanezrouft Publié en Mars 2014

À l’occasion de ce second voyage dans le Tanezrouft, lors du parcours de retour vers le bivouac, une autre pièce métallique sera aperçue, mais laissée sur place ! Cette pièce dont la description ferait penser à une partie de l’empennage du SCM fera ensuite l’objet de toutes les imaginations.
Le voyage suivant apportera la vraie réponse à notre hypothèse.

Mission : Zone crash
Publié en octobre 2014

Comme à l’accoutumée la dernière pensée de ce raid sera pour Bill, au travers de ces magnifiques couchers de soleil pris par Mahammed.

Le troisième voyage – Décembre 2014

L’objectif de ce troisième voyage était bien entendu toujours de retrouver précisément le point crash du Capitaine Lancaster.
Les mois et les années se suivent, le temps passe inexorablement et la réponse à cette question n’avait toujours pas abouti.
En décembre 2014, le Docteur Mahammed Mahboubi reprenait la route du Tanezrouft pensant pouvoir cette fois-ci nous donner le véritable point GPS de l’endroit où Bill nous avait quittés pour de nouvelles aventures.
Mais tout d’abord, il était nécessaire de retrouver la fameuse pièce métallique aperçue lors du raid de 2013. Cette pièce métallique telle que décrite nous avait laissé à penser qu’elle pouvait appartenir au Southern Cross Minor et encore plus, être significative du point crash, ce que j’avais malencontreusement hypothéqué dans le document suivant :

Mission : Zone crash et pourtant…

Je laisse maintenant Mahammed nous dire ce que fut cette troisième mission.
Je comprendrai la difficulté pour suivre et assimiler le texte qui suit, ceci vu l’absence de cartes, malgré tout, ici vous pourrez imaginer toute la difficulté des recherches, sachant que si l’on n’a pas pris soin de noter précisément le positionnement de telle ou telle découverte, rien n’est plus difficile que de revenir à l’endroit précis.

Alain

72 heures dans le Tanezrouft
par le Dr Mahammed Mahboubi

    Le 24 décembre 2014 vers 8 h du matin, nous recevons enfin l’autorisation de prendre la piste du Tanezrouft. Nous l’abordons avec une grande joie. Ce jour-là une belle journée s’annonçait avec un temps splendide et très agréable. Vers 11h 20 du matin nous avons atteignons le PK 200 où notre séjour était déjà prévu dans une base vie d’une Compagnie de recherche pétrolière. Nous avions souhaité continuer notre parcours pour rejoindre la zone de crash mais ce n’était pas possible. Nous passons donc une bonne partie de l’après-midi du 24 à l’extérieur de cette base, à quelques km de celle-ci, jusqu’à la fin de la journée où nous assistons à un très beau spectacle… un magnifique coucher de soleil sur le Tanezrouft.
    Le 25 décembre après une nuit calme, vers 7h 45, nous quittons la base vie en direction du point P4 (ou point lézard).



Le point lézard est l’endroit ou Cheikh avait photographié un petit lézard en 2013

La journée s’annonçait très bonne avec comme à l’accoutumée un ciel dégagé. Nous nous sommes rendus sur le lieu sans difficulté après 1h45mn de trajet avec deux arrêts brefs. Avec l’aide de Cheikh et de mes deux autres compagnons nous avons commencé à décrypter nos traces de roulage de l’année dernière qui passent par le point P4. Comme par hasard 4 ou 5 pistes convergeaient à cet endroit. Nous avons reconnu celles qui partaient vers l’Ouest, c'est-à-dire vers le point PR. Il était difficile de reconnaître celles qui arrivaient de l’Est. Une fois sur le lieu (point 4) les souvenirs nous reviennent.
Mustapha et moi-même étions presque sûrs que la pièce de métal que nous recherchions devait se trouver plutôt à l’Est de ce point.
Après une demi-heure de discussion, nous prenons la décision de reprendre nos traces de l’année passée situées entre le point P4 et PR. Pour rappel, en 2013 nous n’avions utilisé que deux véhicules. En réalité il ne nous faut parcourir que 2,750 km pour rejoindre ce point.
Nous avons donc roulé à « faible allure », moins de 10 km/h, tous les quatre ayant le regard fixé à côté de la trace « de roulage » pour dénicher ce bout de métal. « Finalement » nous n’avons décelé aucune trace de ce dernier. Nous avons donc décidé de revenir sur le point P4 par la deuxième trace et faire 2 ou 3 km dans l’autre sens (plus à l’Est de ce point). Toujours rien. Nous faisons demi-tour et nous revenons sur le point P4. Il était déjà 13h et c’était l’heure pour casser la croûte, nous étions alors à 300 m seulement du point P4. À partir de ce dernier point, nous décidons de suivre à pied les traces de roulage. Cheikh part du point P4 en direction de PR. Personnellement, je prends la direction en sens inverse, c'est-à-dire vers l’Est où nos traces de l’année dernière sont incertaines et confondues avec d’autres.
Je prends pour la suivre, une trace qui me semblait la nôtre de l’année dernière.
Comme c’est agréable de marcher seul dans le Tanezrouft. Je venais de passer de très bons moments. Tout ce que je peux dire, c’est une drôle de sensation que je ne pouvais pas décrire.
Après une heure de marche soutenue en suivant cette trace de pneus, j’ai commencé à douter car cette dernière commençait à dériver vers la droite c'est-à-dire vers le Sud. Je continuais et j’avais l’impression de traverser plutôt un océan. En marchant j’ai pensé à maintes reprises à notre Ami Bill sachant que s’il avait tenté de faire le trajet à pied depuis le point de crash jusqu’à la grande piste (sur 70 km), que s’il avait tenté cette expérience il se serait perdu à tout jamais. La marche à pied au Tanezrouft est très pénible. Après trois heures de marche seulement je commençais à avoir des courbatures un peu partout. Vers 15h j’ai mis en route mon GPS, ce qui m’indiqua que j’étais à 1 km au Sud d’un point que j’avais sur ma carte. En principe ce point se situait à 4 km au Sud de l’itinéraire théorique de POLIDORI. Alors j’ai compris que la piste que je suivais dérivait totalement vers le Sud et pourtant on ne pouvait pas s’en rendre compte.
J’ai rebroussé chemin en empruntant un autre itinéraire pour revenir sur le point P4 qui devrait se retrouver à 6 km seulement. Après deux heures de marche je voyais de loin un point noir qui tantôt apparaissait et tantôt disparaissait… C’était Cheikh qui revenait lui aussi. Nous nous sommes tous les deux rendus au point P4 alors que la journée tirait à sa fin. Nous avions eu juste le temps de mettre le point sur certains détails puis nous avions pris le départ pour renter à la base. Quand nous nous sommes arrivés à notre lieu d’hébergement il faisait déjà nuit. Nous étions très fatigués, mais pleins d’espoir pour retrouver le lendemain ce que nous recherchions.
    La nuit du 25 au 26 le temps se gâtait, un léger vent s’est levé vers 10 h du soir avec des rafales de plus en plus fortes. Au petit matin du 26 décembre, le vent n’était pas très fort mais il faisait froid. Nous reprendrons la route vers 7h 45 malgré ce temps néfaste. Nous devions rejoindre les points 2 et 3 qui se trouvaient à une dizaine de km à l’Est du point P4. Nous avions adopté ensemble la veille cette démarche pour retrouver nos traces de l’année dernière et les reprendre pour arriver au point P4. Nous sommes arrivés sur ces deux points sans difficulté après 1h50mn de trajet. Nous avons une entière connaissance sur ce secteur car c’est la troisième année consécutive que nous nous y rendions. Évidemment il y a beaucoup de traces de pneu dans cette zone. Le temps n’était pas favorable nous étions gênés considérablement par le froid et la violence du vent. Malgré cela nous avons tenu le coup et nous avons commencé à chercher nos traces, celles qui nous conduisaient au point P4. Nous persistons, ce n’est pas facile. Vers 11h du matin nous nous sommes mis d’accord pour suivre des traces qui nous semblaient partir dans la bonne direction c'est-à-dire vers P4. Nous les avons suivies mais au fur et à mesure que nous avancions ces traces se confondaient avec d’autres. Nous faisons de petits arrêts et également de la marche à pied qui n’avait pas le même plaisir qu’hier. Dans ces conditions la seule envie c’est de sauter dans le véhicule pour se mettre à l’abri du vent.
Vers 12h, le vent se calmait un peu, le Tanezrouft nous paraissait enfin généreux. Nous avancions sachant que nous étions sur d’autres pistes.
Vers 12 h 30 notre GPS nous indiquait que nous étions à 4 km du point 6 qui se trouvait complètement à droite par rapport à notre itinéraire. Cheikh nous proposa d’aller le voir. Nous le retrouvions facilement ainsi que nos traces de l’année dernière.
Nous savions que ces dernières se dirigeaient vers un autre point (PR). Nous avons repris ces traces sur 3 ou 4 km puis nous sommes arrêtés pour manger un peu et surtout pour discuter quelle stratégie fallait-il adopter pour retrouver ces traces qui devaient nous conduire à la pièce métallique ? Nous avons mangé à l’intérieur des voitures… Nous ne pouvions pas faire autrement, puis rapidement nous prenons la décision de revenir sur le point P4 et d’essayer de faire une autre lecture des pistes de pneus qui convergeaient vers ce point. Nous nous sommes rendus à ce point vers 14h 30.

Pendant que le reste de l’équipe s’occupait de faire le thé, moi Cheikh et Mustapha nous avons pris un véhicule et après un quart d’heure de discussion près du point P4, nous avons pris la décision de prendre une piste qui arrivait au point P4 par l’Est. Nous nous sommes engagés à 1 ou 2 km nous avons évité la piste que j’ai empruntée il y a 24 heures. À vrai dire il y avait 3 ou 4 pistes qui partaient dans la même direction et qui se confondaient. Quelle piste fallait-il prendre ? Depuis l’année dernière le Tanezrouft a connu plusieurs tempêtes de sable et également un ou deux orages. C’était pour cela que l’état de toutes les pistes nous apparaissait le même c'est-à-dire qu’il était pratiquement impossible de faire la différence entre une piste de l’année dernière de celle de 2 ou 3 ans précédents. Nous avons continué le chemin parfois en voiture… parfois à pied. Nous avons découvert 2 pistes qui nous apparaissaient être les nôtres de l’année dernière. Nous avons parcouru près de 4 km à l’Est du point P4 et cette pièce métallique demeurerait toujours introuvable. Plus on avançait dans cette direction et plus le doute persistait de plus en plus et commençait à s’installer… Nous étions a priori loin du point de crash mais nous roulions toujours dans le couloir POLIDORI/OTT. Le point PK 296 n’était plus qu’à 63.5 km. Encore 2 km et tout à coup Mustapha nous fit signe… Elle était là cette pièce !!!!!!! Sur notre gauche à une vingtaine de mètres de notre véhicule.



Mahammed et Cheikh

Notre déception fut très grande !!! Nous avions tant espéré que ce bout de métal nous donnerait du bonheur. Cette pièce nous avait fait tant rêver !!! Nous sommes restés tous les trois cloués en train de regarder autour de nous. Cette pièce porte effectivement deux perforations et contrairement à ce que nous avions imaginé, il ne s’agissait que d’une pièce de renforcement de châssis perdu dans le désert. Nous reprenions le chemin du retour pour rejoindre le reste du groupe. Le verre de thé qui nous attendait n’avait plus ni le goût ni la même saveur qu’autrefois. Il était aux environs de 15h30. Par la suite nous avons tenté de prospecter une autre zone où nous avons trouvé une piste, apparemment très ancienne, et elle arrivait du Sud et passait par le secteur du crash. Nous l’avons suivi sur une quinzaine de km puis nous avons conclu qu’elle s’éloignait trop de notre objectif. Encore une seconde fois nous sommes revenus pour rejoindre le groupe. Vers 16h40 le retour est annoncé.
Cheikh planta sur le sol mouvant du Tanezrouft une gerbe qu’il avait l’intention de laisser sur le point de crash.

Nous jetâmes un dernier regard sur cette minuscule gerbe abandonnée dans l’immensité du Tanezrouft. En fin de journée le vent soufflait encore et le froid persistait malgré une légère amélioration. Nous rentrons à la base vie exténués tous les quatre mais plein d’espoir pour retrouver un jour le point de crash.
La nuit du 26 au 27 décembre restera longtemps gravée dans nos esprits. Une tempête s’est déclarée. La sirène de la base de vie adressa une alerte vers 3h du matin. Personne ne devrait quitter les lieux. À cette heure de la nuit, sur le Tanezrouft, le spectacle était indescriptible. Le Tanezrouft se mettait en colère. Le froid et le vent sont les maîtres dans ce pays. C’est impossible de fermer les yeux et de dormir. Nous attendions impatiemment le lever du jour. Le matin nous recevions l’ordre de ne pas quitter la base de vie. Nous avons compris que notre ultime espoir s’était envolé pour revenir sur les lieux du crash. Nous avons demandé d’être rapatriés et de nous laisser remonter vers le Nord. Notre demande est acceptée et nous avons repris la Grande piste vers 10h15 pour atteindre Reggane vers 13h 30. Nous avons laissé derrière nous un Tanezrouft déchaîné, furieux comme s’il voulait nous mettre en dehors de ses frontières.
À Reggane le temps était plus clément. Nous sommes enfin revenus à la normale. Nous avons quitté Reggane après avoir accompli une ou deux démarches concernant notre séjour et nous regagnâmes In Salah le soir même vers 20h20.


Mahammed


Le quatrième voyage – Décembre 2015

Le 14 décembre vers 18 heures, j’essayais de joindre Mahammed par téléphone. Il me répondait aussitôt et je sentis autour de lui l’euphorie de l’équipe qui s’était regroupée à El Bayadh à quelque 500 Km au Nord d’Adrar, ceci afin de faire le dernier point avant de se lancer pour la quatrième fois à l’assaut du Tanezrouft !
En effet Mahammed m’expliquait rapidement que toute l’équipe était en train de visualiser le film de John Stainton : Une Journée de Légende, réalisé en novembre 1975 lors de la récupération de la carcasse du Southern Cross Minor par l’équipe de Wylton Dickson. Mahammed profitait aussi de cette réunion pour échanger quant aux différentes cartes créées grâce à Google Earth. Des dizaines de cartes (non publiées ici) sur lesquelles nous avions longuement échangé depuis plusieurs mois et qui définissaient précisément le point crash de Bill.

Le 15 décembre à 17h47, je recevais le SMS suivant : Nous avançons doucement et nous passons la nuit à Fenoughin près d’Adrar. Amitiés Sahariennes
Je répondis aussitôt : Bonne soirée à vous tous. Bonne route pour demain. Je pense bien à vous. Amitiés Sahariennes

Le 16 décembre à 13h24, nouveau SMS : Nous quittons Reggane dans un moment pour affronter le Tanezrouft. Souhaitez-nous bonne chance. Amitiés Sahariennes

Décidément je vivais presque en direct la progression de mes amis du désert et j’avais presque la sensation d’être physiquement sur place avec eux à Reggane, de retour là-bas après plus de 50 ans !
Ma réponse fut : Bonjour à tous… Le Tanezrouft sera conciliant cette fois-ci avec vous. Je souhaite le meilleur à toute l’équipe. Ma pensée vous accompagne tout au long de votre périple. Amitiés Sahariennes

Ensuite ce fut le silence jusqu’au 21 décembre au soir…
Mais revenons à ce qui se passa les mois précédant ce raid.
Le Dr Mahboubi et son équipe n’avaient pas perdu leur temps au cours des trois voyages précédents.
Les géologues sont particulièrement entrainés à l’observation de leur environnement. Mahammed dirigeait son groupe avec la plus grande bienveillance et sa qualité de scientifique s’exerçait au maximum dans cette aventure. Le groupe était profondément motivé pour retrouver le point crash de Bill et la préparation pour chaque expédition était poussée à son maximum.
Nous avions tous pensé que ce serait facile, les témoignages de Titus Polidori, ceux de Pierre Ott que j’avais toujours en direct au téléphone, réinterrogé sans cesse sur tel ou tel détail pouvant nous apporter la solution.
L’endroit où Bill s’était crashé n’était pas virtuel, même si l’avion s’était un tant soit peu « dispersé » suite à l’accident, la zone se révélait dans un rayon d’une dizaine de mètres. Les témoignages nous expliquaient qu’à partir du PK 296 pour Titus Polidori il était nécessaire de s’enfoncer de 70 Km dans le désert pour se retrouver à l’endroit de l’accident. Pierre Ott me disait la même chose sauf que lui parlait du PK 295.
Pierre me disant, à partir du PK 250 à l’embranchement d’Ouallen il fallait rouler 45 Km et à ce moment observer sur la droite de la piste les traces du GSMT se dirigeant plein Ouest.
Question : le PK 295 et le PK 296 étaient-ils en fait un même point ?
Première chose la piste Impériale n° 2 en 1962 se caractérisait par de multiples tracés partant de Reggan jusqu’à Bordj Pérez, qui pouvaient s’étaler sur plusieurs centaines de mètres de large !
En 1975 lorsque Wylton Dickson s’enfonce dans le Tanezrouft pour récupérer le SCM, il décide de partir en diagonale vers le Sud-Ouest à partir du PK 250, il sera peu confronté au problème de la largeur de la grande piste et ignorera complètement la notion de la distance de 70 Km, à partir du PK 296, donné par Titus Polidori. Il s’était dit qu’en partant en diagonale il recouperait dans tous les cas les traces des militaires français. Or nous savons qu’il lui faudra près de trois jours à errer dans le désert pour apercevoir l’épave du biplan de Lancaster.
Le Southern Cross Minor est arraché au désert

Mahammed procèdera de même, il ne descendra pas jusqu’au PK 296 pour retrouver le point crash.
Aujourd’hui depuis la fin des années 1990 le système Global Positioning System (GPS) est à la disposition des particuliers, cette technologie nous permet un positionnement d’une précision d’environ 3 mètres. En 1962, comme tout le monde le sait cette technologie n’avait pas vu le jour et en 1975 le numérique, se substituant progressivement à la technologie analogique, après nombre d’années de balbutiements commençait véritablement à prendre son envol, autorisant de par la multiplication des satellites, à la mise en place de tous ces nouveaux outils désormais à la portée du public…
Dans nos différentes recherches, Google Earth devint pour nous un allié indispensable. Par contre son utilisation, dont Mahammed est devenu maître, demande un peu d’apprentissage. J’ai eu personnellement droit à un cours rapide de sa part, mais je ne revendiquerai pas une parfaite maîtrise de cet outil.
Nous savons tous que les compteurs kilométriques de nos véhicules ne sont pas des instruments de mesure mais de simples indicateurs d’une précision toute relative. Ces indicateurs n’ont en aucune manière la précision de celle d’un GPS.
Or pour retrouver le point crash, sachant qu’il n’y avait plus d’indices ou marquages permettant de le retrouver, la difficulté devenait bien réelle.
De plus en 1962, les véhicules concernés dans cette affaire étaient des Dodge 4x4 ou 6x6 ou même des Jeep. Les dits véhicules étaient équipés de compteurs en « Miles » et bien que tous les utilisateurs avaient une parfaite connaissance du facteur de conversion pour transformer la lecture, l’incertitude de certains relevés pouvait être avérée.
J’avoue ne pas avoir pensé à ce problème de la précision des mesures des distances.
Ce point n’échappa pas à Mahammed qui me fit une brillante démonstration des erreurs de relevé des distances sur la base de ce qui était annoncé par Titus Polidori lui-même.
En effet sur la carte suivante, il note sur la droite du document 296 (distance à partir de Reggan), 219 en partie effacé (à partir de Bidon V) ainsi que les 70 Km (entre la Grande Piste et le point crash) évoqués précédemment.

Mahammed, scientifique jusque dans l’âme, note en travaillant sur Google Earth que la distance que lui donne le satellite entre Bidon V et le PK 250 est très exactement de 258 Km.
Alors que l’Adjudant Polidori nous donne par déduction une distance de 265 Km.
Cela nous conduit à constater un écart de 265 - 258 soit 7 Km.
Après calculs, Mahammed conclut que pour chaque kilomètre parcouru le compteur du Dodge 4x4 de Titus Polidori affiche 27 mètres de plus qu’il ne faudrait ! Soit une erreur de 2,7%. Ce pourcentage appliqué aux 70 Km du PK 296 au point crash nous permet de comprendre que la distance à parcourir sera de 70 Km – 1,89 Km soit 68, 1 Km.
Nota : bien entendu toutes ces données sont en réalité en « Miles » traduit ici en Km.

Quant au PK 296, avec correction il se situe plutôt à 294,760 Km de Reggan. Ici nous ne pouvons que constater la difficulté de cette recherche. Mahammed va plus loin dans son raisonnement en expliquant que le kilomètre 294,760 correspond au PK 295 donné par Pierre Ott. Ce qui nous montre une précision plus relative pour ce point annoncé par Pierre.
Tout ce discours nous démontre tout simplement que le PK 296 de Titus Polidori correspond parfaitement au PK 295 de Pierre Ott. Ce que j’avais toujours pensé, mais ici Mahammed nous en fait une brillante démonstration.
Désormais ce qui nous importe, c’est de comprendre que les 70 Km mesuré en Dodge 4x4 correspondent en réalité à 68,1 Km entre la grande piste et le point crash de Bill.
Quand Mahammed nous fait part à Cheikh et moi-même du résultat de cette recherche, nous sommes mi-octobre. Les échanges d’e-mail vont s’intensifier entre nous jusqu’au départ de l’expédition. Mahammed m’écrit me signalant que depuis août (2015), il n’a eu de cesse de visionner le film de John Stainton : « A journey of Legend », le DVD de Graham que je lui avais fait parvenir dès 2013. Mahammed attire mon attention sur un certain nombre de séquences dont celle où l’on voit Hamish Moffatt arrivant au point crash, puis peu après Hamish retrouvant Keith Schellenberg lorsqu’ils évoquent le fait d’avoir récupéré les capots moteurs du SCM.
Il me faudra un certain nombre de visionnages pour voir réellement ce qu’a compris Mahammed.
Déjà, je constate que les différents plans d’assemblage du film ne correspondent pas ou peu au timing de la réalité de l’action. Mahammed m’a montré qu’il fallait observer le soleil et de surcroît les ombres. Je découvre que les prises de vue, telles que l’aurait voulu le déroulement de la journée pour donner une vraisemblance au film, ont été tournées en fonction d’un scénario n’ayant rien à voir avec les moments où elles se sont réellement passées, le soleil en est témoin.
Désormais, je regarderai le film avec « un autre œil ». Et là Mahammed me dit d’observer la séquence où Hamish, descendu avec un compagnon du Land-Rover, approche de l’épave. Ils descendent dans une légère cuvette d’une profondeur d’une trentaine de centimètres et c’est à l’extrémité Sud de la cuvette que le Southern Cross Minor attend depuis le dernier passage des militaires français.
J’avoue avoir été obligé de regarder plusieurs fois cette séquence pour percevoir la fameuse cuvette. Mahammed me dit par la suite avoir observé cette légère dépression de terrain, c’était en 2013, alors que l’équipe avait retrouvé un rivet à proximité, lors du deuxième raid.
Nous savons donc maintenant que le point crash se trouve à 68, 1 Km de la piste de la Concorde et à quelques centaines de mètres du point Rivet PR.
Après avoir assemblé tous ces éléments sur un même document, Mahammed me propose la carte générale qui suit.


Clic sur le document pour l'agrandir

Je vous concéderai qu’en l’état, ce document est difficilement déchiffrable, sachant qu’il s’agit d’une carte de travail. Le point crash vous apparaîtra mieux sur la carte qui suit, il s’agit du point noté B.


Clic sur le document pour l'agrandir

Sur la carte ci-dessus :
    À droite la Transsaharienne (Piste de la Concorde).
    À gauche le trajet Reggane – Gao (suivi au mieux) par Lancaster.
    En diagonale à partir du PK 250 les parcours de Graham (it Graham) et de Mahammed (it 2013) rejoignant le trajet de Polidori (piste Polidori).
    Les trajets de Jean-Jacques (it JJ janv.) et de Maurice (it MP fév.) en 2010.
    Le bivouac de Maurice (camp MP).
    À gauche également le point crash de Lancaster désigné par B.
NOTA : Les coordonnées du point B ne sont pas communiquées dans ce document.

De retour du Tanezrouft, Mahammed un peu déçu m’envoie le message ci-après :

Le SMS final du 21 décembre 2015 19 :28

Bjr
Encore une déception malgré le travail considérable de l’équipe.
Amitiés Sahariennes

Effectivement, je peux comprendre la déception de l’équipe photographiée ici au point crash.



Photo : Mahammed Mahboubi

Théodore Monod disait :

Avancer pas à pas, au ras du sol et sans hâte, avec pour seul et modeste objet, mais aussi pour royale récompense à tant de patients efforts, la découverte d’un grain de savoir et de vérité.

Et c’est ce qu’ont su faire Mahammed et ses coéquipiers !
Tout a disparu, les colères du Tanezrouft ont effacé la petite dépression de terrain où était tombé l’avion de Bill… Les vestiges laissés sur place, une chaussure de Bill, le coffret contenant un message de John Stainton sont désormais profondément recouverts par le reg !



Photo : Mahammed Mahboubi

Une zone désormais sans cesse traversée par les chercheurs de gaz, de pétrole et même d’eau. Un désert dont Cheikh me disait ne pas la reconnaître d’année en année tellement il est parcouru dans tous les sens par nombre de véhicules !



Photo : Mahammed Mahboubi

Mais l’équipe de Mahammed à l’image de celle de Wylton ne repartira pas sans laisser un message à la mémoire de Bill.
Ce message tel ceux qui traverse l’océan arrivera sans doute un jour à bon port.



Il a été placé dans cette bouteille, je l’ai rédigé conjointement avec Mahammed, rappelant ainsi un tant soit peu les années quand quelques-uns d’entre nous ont pu former un groupe d’amis à la recherche de l’impossible passé de Bill.

Le message :

Mon cher Bill,
Plus de 80 ans après ton départ, tu as su rassembler autour de ta mémoire, au-delà des frontières, des croyances et des religions. Grâce à toi, une réelle amitié est née entre nous, ceux qui, marqués par ton incroyable épopée ont apporté toute leur énergie à continuer encore et encore, à faire vivre ton souvenir. Merci à eux…
Depuis de nombreuses années nous fouillons sans relâche l’histoire de ta vie, ton histoire qui donne aussi un sens à la nôtre… Michel, François, Victor, Andrew, Graham, Heather, Noni, Cheikh, Maurice, Debbie, Jean-Jacques, Brian, Pierre, Eugène, John, Sarah, Hadj Addi, Mahammed, son équipe, moi-même Alain sans oublier ceux qui t’ont rejoint Wylton, Hamish, Titus, Ralph, Jean, Charles, Sidi Mohamed Reggani … Et ceux que j’ai pu oublier, ils me pardonneront !
Tu as traversé cette vie le temps d’un éclair, celui de l’insouciance qui t’a toujours animé. Nous voilà arrivés à l’endroit où le Tanezrouft t’a stoppé dans ton élan.
Le SAINT CORAN nous dit :

« Nous avons attaché au cou de chaque homme sa destinée. Au jour de la résurrection, nous lui montrerons un livre qu’il trouvera ouvert » XVII-14
Ce livre, c’est celui que le Tanezrouft a voulu te faire percevoir dans l’attente de ton départ de cette terre. Une fois de plus tu as écrit et nous avons lu.
Nous savons que de l’au-delà tu nous attends… Aujourd’hui, nous sommes ici et là, nous sommes aussi dans l’attente, et aussi un peu dans ton éternité. Comme tu l’avais souhaité, nous ne t’avons pas oublié !
Ce départ, tu l’avais déjà imaginé en 1920 dans un petit sonnet, alors que tu étais aux Indes :
Pour mettre à jamais à bas cet habit de chair et pouvoir me déplacer, soulagé de tout son poids lubrique, dans un état de pureté et de lumière angélique.
Pour celui des jours où je soupire tristement du péché, priant Dieu pour que ma vie ne prenne fin avant que je ne sois totalement attaché aux choses terrestres.
Avant d’avoir la tête en feu par crainte du sort, je me bats pour vivre, désespérant hélas de mourir !
Nous rencontrerons alors ceux qui sont partis avant nous ! Tout en observant le silence de l’autre rive. Nous serons désormais réunis pour aller vers l’au-delà, entourés d’une atmosphère de paix bienheureuse. Jusqu’à ce que la porte du royaume d’amour s’ouvre.
Alors nous verrons notre Dieu et nous saurons que notre repos éternel est enfin trouvé !
Bill

Ce sonnet que tu avais rédigé, je l’ai traduit pour mieux comprendre ton message, celui du Tanezrouft, quand tu nous dis de toujours y croire et de ne jamais baisser les bras !

Pour toi, mon cher Bill le SAINT CORAN explique :
« Nous fîmes de la nuit et du jour deux signes de notre puissance. Nous effaçâmes le signe de la nuit et nous rendîmes visible celui du jour, afin que vous cherchiez à obtenir des bienfaits de la générosité de Dieu, afin que vous connaissiez le nombre des années et le calcul du temps. »
En avril 1933, sept jours d’un soleil intense, sept nuits glaciales. Ta destinée était réellement inscrite dans le Livre Saint, mais tu ne le savais pas !
Dieu connaissait mieux que les hommes le fond de ton cœur, toutefois avant de t’accueillir il voulut que pendant ces huit jours tu repenses ta vie en la criant au monde !
Dieu a fait que tu sois retrouvé, pour que nous sachions.
Merci à toi Bill



Photo : Mahammed Mahboubi
Le message est désormais enfoui pour les siècles à venir !

Conclusion

Ma conclusion sera d’autant plus courte qu’après toute cette littérature… Tout me semble désormais dit :

William Newton LANCASTER

Ce texte rappelle partiellement le travail de longues années d’échanges avec ceux qui ont su me rejoindre, ceux qui ont cru au sens de mes recherches et qui n’ont pas hésité un instant à m’apporter leur soutien. Ceux aussi qui après avoir lu avec enthousiasme ce que je leur disais au fur et à mesure du temps qui passe. Ceux sans doute que j’ai pu agacer, n’évoquant que l’histoire de Lancaster, une histoire devenue un puzzle en passe d’être terminé…
Pour moi un véritable voyage autour du monde grâce à Bill.

Ma pensée va tout particulièrement à Mahammed et à son équipe, je le sais déçu de ne pas avoir retrouvé le coffret de John Stainton ou la chaussure de Bill.
Le Tanezrouft l’a voulu ainsi, sans doute dans son immense mémoire des temps passés a-t-il voulu conserver en secret le souvenir de celui avec qui, il partagea des heures, des jours, des années et bientôt des siècles.
Merci à mon cher ami le Dr Mahammed Mahboubi, merci à Cheikh Mammeri et à leurs compagnons pour qui l’histoire du Capitaine Lancaster fut une réalité physique dans ces étendues désertiques, les ramenant sans cesse à l’agonie de Bill marqué par la beauté indéfinissable de ce cruel soleil à l’horizon de l’infini Tanezrouft.


Photo : Mahammed Mahboubi

Alain BROCHARD – Avril 2016